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Mali

Mali : première attaque terroriste au sud de Tombouctou depuis l’arrivée des forces françaises

Une base de l’armée malienne a été attaquée par des djihadistes présumés ce lundi 5 janvier faisant au moins 8 morts, une première dans la région depuis janvier 2013.
Pierre Longeray
Paris, FR
L'armée mauritanienne au Mali / Image via Flickr

Ce lundi au petit matin, un groupe d'assaillants a attaqué une base de l'armée malienne située à Nampala dans le centre du Mali, et à quelques kilomètres de la frontière mauritanienne. D'après une source onusienne, l'assaut a fait au moins 8 morts côté FAMa (Forces Armées du Mali, l'armée régulière malienne). Une dizaine d'agresseurs auraient péri selon une source proche du gouvernement malien contactée par VICE News. Le site d'information mauritanien Alakhbar rapportait ce matin qu'AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) aurait revendiqué l'attaque et emmené plusieurs otages. Le gouvernement malien n'a pas confirmé cette information.

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La veille, dimanche 4 janvier, 8 membres du contingent nigérien de la MINUSMA (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali) avaient été blessés plus à l'Est, dans la région de Gao.

L'attaque de Nampala est la plus meurtrière au Mali depuis le 3 octobre dernier, date de la mort de 9 Nigériens membres de la MINUSMA, tués sur l'axe Ansongo-Ménaka à l'est de Nampala.

Mahamadou Camara, ministre malien de la Communication, joint ce mardi par VICE News confirme que les affrontements entre « La garnison malienne et les assaillants ont été particulièrement violents, avant l'arrivée de renforts de l'armée et un soutient aérien apporté par les forces françaises ». Plusieurs sources font état du survol de la zone en fin de matinée par les avions français de la mission Barkhane - mission anti-djihad dans le Sahel - menaçant de riposter, ils auraient provoqué le départ des agresseurs.

Il s'agit de la première attaque au sud de Tombouctou depuis le début de l'intervention française de janvier 2013. À l'époque, la mission « Serval » de l'armée française avait pour but de déloger des groupes djihadistes installés dans la région.

Au moment de l'attaque de lundi, Alpha Condé, Président de la Guinée, recevait Mohamed Ould Abdel Aziz, son homologue mauritanien. Le chef d'État guinéen, dont le pays est frontalier du sud malien, a exprimé à l'AFP son inquiétude : « Cette attaque est très grave parce que Nampala, c'est au sud [de Tombouctou], et c'est à la frontière avec la Mauritanie. »

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Côté malien, on ne semble pas si surpris de la particularité géographique de l'attaque. Pour Mahamadou Camara cette zone frontalière avec la Mauritanie « a en réalité toujours été relativement sensible. Cela reste une région à risque où des résidus de groupes terroristes rodent toujours. Ils vont, ils viennent en quelque sorte. Ce type d'attaque au centre du pays n'est pas si surprenante que ça. »

Le scénario qui se dessine pourrait être celui de terroristes venus du Nord du Mali qui seraient descendus en longeant ou en passant la frontière avec la Mauritanie.

Samuel Nguembock, chercheur associé à Institut français de Relations internationales et stratégiques, contacté par VICE News, estime que « l'attaque de Nampala est la conséquence des échecs conjoints des stratégies de l'armée malienne et des forces onusiennes. » Pour le spécialiste, le couple FAMa-MINUSMA a « fortement concentré son dispositif au nord du pays sans tenir compte de la porosité [de sa ligne de défense avec le] sud du pays. La zone au sud de Tombouctou n'est pas assez protégée quand on connait la capacité de nuisance et de mobilité des terroristes présents dans la zone. »

Le ministre de la Communication malien assure pourtant que « les armées maliennes et mauritaniennes coopèrent de façon très étroite sur cette affaire. Dès que l'armée malienne a eu connaissance de l'attaque, les troupes mauritaniennes se sont mises en alerte à la frontière pour intercepter les assaillants - malheureusement sans succès. »

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Le spécialiste Samuel Nguembock tempère : « Aucune armée africaine n'est en réalité capable de contrôler l'immensité de son territoire. Les groupes terroristes maitrisent en réalité très bien les « positions de faiblesses » des armées nationales : leurs frontières. »

Interrogé sur la piste AQMI avancée par les Mauritaniens d'Alakhbar, Samuel Nguembock estime qu'il est « pour l'instant impossible de se prononcer, vu la profusion de groupes terroristes dans la région. AQMI pourrait se servir de cette attaque pour se faire valoir. »

Nguembock avance une autre piste possible. Se tient en ce moment à Alger le dialogue intermalien, qui réunit différents chefs du nord Mali pour négocier des accords de paix dans la région. Si tout semble « progresser vers un accord global » d'après le chercheur, les acteurs qui négocient dans la capitale algérienne ne sont pas toujours d'accord. « Chacun ne trouve pas forcément son compte dans les nouvelles dispositions négociées en ce moment. Des déséquilibres se créent entre les acteurs présents à la table des négociations. » Nguembock voit ici « une corrélation entre la poursuite du dialogue intermalien vers un accord et la reprise des attaques dans le pays. Certains groupes tentent de faire peser leurs intérêts. »

Contactée par VICE News dans la matinée, la MINUSMA n'a pas souhaité faire de commentaires sur cette attaque n'étant pas présente sur les lieux et n'ayant d'autres renseignements que ceux du gouvernement malien. La porte-parole de la mission onusienne a néanmoins tenu à « condamner avec force » cet assaut.

Image via  Flickr