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Burundi

Manifestations au Burundi : 48 heures dans Bujumbura en colère

VICE News était dans les rues de la capitale du Burundi, à la rencontre de ceux qui s’opposent à un possible troisième mandat du président en exercice.
Photo par Dieudonné Hakizimana / VICE News

Depuis cinq jours, des manifestations ont lieu au Burundi contre la candidature du président Pierre Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, pour un troisième mandat à la tête de l'État. Ce mercredi, la capitale du pays, Bujumbura, entrait dans un nouveau jour de manifestations alors que Sénat a annoncé avoir saisi la Cour constitutionnelle au sujet de la légalité de ce possible troisième mandat présidentiel.

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Samedi dernier, Pierre Nkurunziza avait officialisé sa candidature à ce troisième mandat, alors que l'accord de paix d'Arusha, signé en 2000, n'est censé en autoriser que deux. Cette annonce de candidature a déclenché une vague de manifestations dans le pays, émaillées par des violences entre manifestants et policiers, la fermeture de l'une des plus importantes radios du pays, parmi d'autres médias, et l'inaccessibilité d'applications sur mobiles dans Bujumbura, telles que Facebook, WhatsApp ou Twitter. Les élections présidentielles sont censées avoir lieu le 26 juin prochain.

À lire : Deuxième jour de protestation au Burundi : la presse muselée, les rassemblements dispersés

Mardi, de violents échanges ont eu lieu entre les manifestants et la police, notamment dans la capitale burundaise Bujumbura. Mercredi, les quartiers de Cibitoke, Nyakabiga et Musaga étaient le théâtre d'affrontements. VICE News se trouvait dans ces rues, au moment où la communauté internationale commence à s'inquiéter d'un possible retour des violences dans un pays meurtri par une récente guerre civile.

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Mardi matin, il est 8 heure. Des manifestants contre le 3ème mandat de Pierre Nkurunziza, président de la République du Burundi sont aux prises avec les policiers. Plusieurs personnes attendent les bus assurant le transport à l'intérieur du pays. « Nous quittons la capitale suite aux manifestations qui dégénèrent progressivement dans certains quartiers de la ville », témoigne une quadragénaire, les bagages sur le dos.

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Au même moment, des barricades sont déjà érigées dans les communes urbaines de Ngagara et Cibitoke, au nord de la capitale, mais aussi à Musaga et Kanyosha, les communes urbaines du sud de la capitale. Des pneus sont brûlés dans toutes les rues de ces communes. «Je viens de passer 30 minutes dans le quartier Nyakabiga, je ne peux pas sortir parce que toutes les rues ont été barrées», raconte un automobiliste, presque les larmes aux yeux.

À Musaga, au sud de la capitale, des jeunes veulent atteindre le centre-ville. Les policiers les repoussent à l'aide de grenades lacrymogènes. Ceux-ci se défendent à l'aide de pierres. « Nous sommes contre le troisième mandat de l'actuel président de la République car c'est une façon de violer les Accords d'Arusha », lance un jeune en colère, en s'essuyant la sueur du front.

Barricades dans Musaga, le mardi 28 avril

Deux Rwandais soupçonnés d'être de la milice des Interahamwe, qui ont commis le génocide dans ce pays voisin sont arrêtés dans la rue. L'un parvient à s'échapper et l'autre est remis aux militaires, en qui les manifestants ont confiance. « Nous les avons identifiés car ils s'expriment en kinywarwanda et ne savent pas où ils sont », témoigne un des manifestants de Musaga, très remonté.

D'autres manifestants identifient des jeunes du parti présidentiel (les Imbonerakure) qui sont en tenue policière pour traquer ceux qui s'opposent à la 3ème candidature de Nkurunziza . «Toi, au milieu des policiers, tu es Imbonerakure. Tu n'es pas policier, tu t'appelles Gervais, tu travailles avec des policiers pour nous tuer », hurle la foule en colère.

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À Kanyosha, la commune du sud, les manifestants sont également aux prises avec des Imbonerakure, les jeunes du parti au pouvoir. Ils sont armés de gourdins, de grenades et de pistolets.

Vers le soir, l'armée déployée sur le terrain demande aux manifestants d'enlever les barricades partout. Ces derniers s'exécutent de gaité de c?"ur parce qu'ils préfèrent les militaires et demandent le départ des policiers « qui tirent sur nous à balles réelles et travaillent de mèche avec les génocidaires rwandais et la jeunesse du Cndd-fdd », nous disent des manifestants. « Le président de la République ne peut pas briguer un 3ème mandat en violation de la Constitution car notre avenir sera mis en danger », expliquent d'autres manifestants tout en brûlant des pneus. Ils courent ensuite dans les rues, scandant des slogans contre ce troisième mandat.

Après une nuit calme, les manifestations reprennent

La situation n'a pas changé pendant toute la journée de mercredi. Ce sont les mêmes scènes. Les manifestants barricadent toujours les routes, les policiers les repoussent violemment. Certains protestataires sont arrêtés et conduits dans des cachots, d'autres reviennent bloquer les rues.

Les manifestants barricadaient les routes dans la commune urbaine de Nyakabiga, en brûlant des pneus et scandant des slogans contre le 3ème mandat. Photo par Dieudonné Hakizimana / VICE News

Pour cette 4ème journée, les manifestations ont continué surtout dans les communes urbaines de Nyakabiga (vers le centre de la ville) et à Musaga (au sud de la capitale). Les manifestants, en général des jeunes, exigent des autorités qui respectent les lois en vigueur. « Nous ne sommes pas contre Pierre Nkurunziza, l'actuel président de la République, mais contre la violation de la loi », expliquent-ils. Et d'ajouter qu'ils ont respecté Pierre Nkurunziza pendant les dix ans de sa présidence parce que son pouvoir était conforme à la loi. Toutes les artères permettant d'accéder au quartier sont barricadées ; aucune voiture ne passe. Les policiers se sont retranchés sur l'avenue de l'Université.

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Des quartiers étaient toujours bloqués dans l'après-midi. Un des deux camions munis de canons à eau de la police anti-émeute a percuté la clôture d'un domicile. Les manifestants sont aussi en colère contre la fermeture de la Radio Publique Africaine depuis lundi, la radio la plus écoutée au Burundi selon plusieurs sources.

Réactions ce mercredi

Le sénateur Sylvestre Ntibantunganya, ancien président de la République, a salué publiquement ces jeunes qui manifestent. Pour lui, ils sont en train de demander le respect de la loi et des Accords d'Arusha. Audifax Ndabitoreye, ancien patron des services de renseignements burundais et un des organisateurs des manifestations demande, lui, une force des Nations unies pour assurer la sécurité des Burundais.

Maître Isidore Rufyikiri, ancien bâtonnier de Bujumbura craint un génocide au Burundi. « Il y a une radio de la haine, le Cndd-Fdd est un parti-Etat, le pouvoir a mis une croix sur la Constitution et d'autres lois et il y a une milice », nous explique-t-il. Et de demande à l'armée de voler au secours du pays notamment en se déployant dans les quartiers et sur les collines environnantes.

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Ce mercredi alors que les manifestants étaient toujours dans les rues, le procureur de la République a annoncé qu'une commission d'enquête allait être mise sur pied pour identifier les meneurs de ce qu'il juge être une insurrection,de son côté le Sénat a annoncé qu'il allait saisir la cour constitutionnelle pour statuer sur la légalité de la candidature du président en exercice.

Toutes les photos sont de Dieudonné Hakizimana