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Le Maroc régularise ses sans-papiers mais les empêche d’approcher l’Europe

La police marocaine a démantelé ce mardi un camp de migrants à proximité de l’enclave espagnole de Melilla, sur les côtes marocaines. La veille, les autorités annonçaient avoir régularisé 18 000 sans papier en 2014.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Flickr / Noborder Network

Mardi 10 février, la police marocaine a procédé au démantèlement des camps de fortune de migrants situés à proximité de l'enclave espagnole de Melilla (Nord-Est marocain). Melilla est le point de départ privilégié (avec l'autre enclave espagnole de Ceuta) des migrants en transit au Maroc qui souhaitent rallier l'Europe. Près de 600 personnes, averties de l'évacuation imminente de leur camp de fortune, ont tenté de forcer la frontière entre le Maroc et l'Espagne (donc l'Union Européenne) à Melilla. La veille, le 9 février, les autorités marocaines présentaient les résultats de la nouvelle politique migratoire mise en place depuis septembre 2013. Près de 18 000 migrants auraient vu leur situation régularisée sur un total de 27 300 demandes en 2014.

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Le mont Gourougou qui domine la ville de Melilla est le point de chute des centaines de migrants qui s'y massent en attendant une fenêtre pour passer la seule frontière que l'Afrique partage avec l'Union Européenne (avec celle donc de Ceuta, l'autre morceau de territoire espagnol, situé non loin du détroit de Gibraltar). Cette solution, tenter sa chance par-dessus la barrière est préférée par ceux qui ne peuvent se payer ou accéder à la traversée en bateau de la Méditerranée, plus cher est très dangereuse . Ce mercredi, le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies annonce que 300 migrants sont portés disparus après que deux bateaux ont chaviré au large de la Libye.

Prévenus d'une opération de démantèlement des camps à proximité de Ceuta et Melilla, les migrants ont saisi leur probable dernière chance de passer la frontière.

À 2 heures du matin, dans la nuit de lundi à mardi, 400 migrants se sont rués vers la frontière, gardée par des forces de police et protégée par une triple barrière de 6 mètres de haut. Ils n'ont pas pu passer. Quelques heures plus tard, 200 nouveaux migrants ont tenté leur chance. 35 ont réussi à rentrer à Melilla. 5 personnes ont été blessées, on compte deux jambes fracturées. Une source citée par l'AFP rapporte que « Ceux qui ont échoué sont rassemblés par les autorités et vont être déplacés par une vingtaine de bus. Plus de 1 000 personnes sont concernées. »

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Une régularisation massive et exceptionnelle

Lundi 9 février, le ministère de l'Intérieur marocain a détaillé à Salé, la ville jumelle de Rabat, le bilan de la nouvelle politique migratoire marocaine. Entre le 1er janvier et le 31 décembre 2014, des « Bureaux des étrangers » ont été installés dans les grandes villes du pays pour régulariser la situation des 30 000 sans-papiers (selon les estimations gouvernementales de l'époque) présents sur le territoire marocain. Le ministre chargé des Affaires de la migration déclarait publiquement à l'époque, « Il y a des dizaines de milliers de personnes qui n'ont pas de papiers. Le processus vise à leur donner les mêmes droits et les mêmes devoirs que les citoyens marocains, pour les aider à s'intégrer dans la société marocaine. »

Pour obtenir des papiers, ces ressortissants venus principalement de pays subsahariens, mais aussi de Syrie, doivent justifier de 5 ans de présence continue au Maroc, d'un contrat de travail d'au moins deux ans, ou d'être marié à un citoyen marocain. Les ressortissants sénégalais ont été les plus nombreux à postuler pour obtenir leur régularisation, pas moins 6 600 candidatures, suivies de près par les 5 250 demandes émanant de Syriens. Selon les statistiques fournies par le gouvernement marocain la totalité des 10 178 demandes de femmes et d'enfants ont été acceptées.

Ceux qui ont été rejetés peuvent désormais faire appel de la décision ce qui pourrait permettre de revoir à la hausse de chiffre de 18 000 régularisations. Grâce à cette procédure, les migrants régularisés vont même pouvoir travailler au Maroc sans solliciter de permis de travail émis traditionnellement par le ministère du travail.

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Cette année exceptionnelle de régularisation massive tranche avec « L'approche sécuritaire observée les années précédentes, » a noté Anke Strauss de l'Organisation mondiale pour les migrations (OIM) interrogée par l'IRIN, une agence de presse créée par l'ONU spécialisée dans les questions humanitaires. Des progrès (moins de violences policières par exemple) qui semblent notables dans certaines parties du pays, mais pas à Ceuta ni Melilla.

Depuis la mise en place de la nouvelle loi migratoire, les arrestations de migrants à proximité des frontières de Ceuta et Milella se multiplient selon l'OIM, alors que les pressions sont moins fortes dans le reste du pays. Un migrant camerounais arrêté près de Ceuta déclarait à l'IRIN dès février 2014, « Ils nous ont arrêtés et nous ont ramenés à Rabat. Ce n'est pas comme s'ils vous demandaient votre avis ; on ne vous laisse pas le choix [de quitter les zones tampons avec l'Espagne et de rejoindre Rabat], » confiait-il à l'IRIN.

Le Maroc est un pays de transit pour les migrants d'Afrique subsaharienne qui souhaitent rallier l'Europe. Depuis 2012, le pays gouverné par le Roi Mohammed VI a signé de nombreux accords avec des pays de l'UE pour renforcer les frontières de l'Europe. Début 2012, le Maroc et l'Espagne signaient un accord de réadmission et de collaboration de leurs forces de police pour refouler les migrants côté marocain.

Un des effets de cet accord semble donc être l'éloignement, contraint, des migrants des zones des barrières de Melilla ou de Ceuta.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray

Image via Flickr / Noborder Network