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Migrants : L’Europe lance sa flotte anti passeurs en Méditerranée

L’Union européenne a annoncé, ce lundi matin, le lancement d’une mission navale qui a pour but de démanteler les réseaux de passeurs en Méditerranée. EUNAVFOR Med va d’abord se limiter à des missions de renseignement.
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo via Flickr / European Union Naval Force Somalia Operation Atalanta

Réunis au Luxembourg ce lundi matin, les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont lancé une opération navale destinée à démanteler les réseaux des trafiquants de migrants qui opèrent en Méditerranée — principalement entre la Libye et l'Italie. La mission a été baptisée « EUNAVFOR Med » — pour Force navale de l'Union européenne en Méditerranée. Les premiers déploiements devraient être effectifs dès la semaine prochaine, aux alentours du 1er juillet.

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« Je vous le dis clairement, les cibles ne sont pas les migrants, mais ceux qui gagnent de l'argent sur leurs vies et, trop souvent, sur leurs morts, » a annoncé ce lundi matin, Federica Mogherini, la haute représentante aux affaires étrangères de l'UE.

Lors d'une rapide conférence de presse, elle a annoncé le lancement de cette opération, en 3 étapes, qui a pour objectif « d'attaquer les passeurs et les trafiquants, et démanteler leur business model. »

La phase 1 d'EUNAVFOR Med sera effective dans « quelques jours, » selon Mogherini. Elle consiste en un travail de renseignement — effectué grâce à des drones, satellites, avions et sous-marins de patrouille. Leur tâche première est d'identifier les réseaux de passeurs. Cette phase préliminaire va se faire dans les eaux internationales, au large de la Libye et sera dirigée par l'amiral italien Enrico Credendino.

La deuxième étape de la mission consisterait à intercepter les puissants navires que les passeurs utilisent pour tracter en haute mer les migrants, comme l'expliquait le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, sur les ondes d'Europe 1, ce dimanche. Les migrants sont eux installés dans des embarcations de fortune en bois ou en plastique. Les passeurs les abandonnent ensuite en pleine mer. Pour les migrants, la suite peut alors prendre trois formes : arriver par eux-mêmes jusqu'aux côtes européennes, être recueillis par un bateau venu les sauver, ou mourir en mer.

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La phase 3 d'EUNAVFOR Med prendrait la forme d'une intervention dans les eaux territoriales libyennes, et près des côtes du pays. Le but ici serait de rendre inutilisable les puissants bateaux des passeurs. Une fois proche des côtes libyennes, il serait aussi possible d'appréhender les trafiquants et passeurs — pour démanteler les réseaux libyens, et même de bombarder leurs caches sur la cote, selon un responsable européen, cité par l'AFP.

À lire : Drame en Méditerranée : les migrants auraient été enfermés dans les cales par les passeurs

Pour le moment, uniquement la phase 1 — de renseignement — va pouvoir être lancée. Les phases 2 et 3 de la mission ne peuvent se faire sans l'aval des autorités libyennes, dont il faut l'accord pour pouvoir présenter une résolution devant le Conseil de Sécurité de l'ONU, résolution indispensable pour la suite du plan.En effet, puisque les phases 2 et 3 prévoient l'emploi de la force et de pénétrer dans les eaux territoriales libyennes — une bande maritime de 22 kilomètres de largeur, où la Libye dispose de ses droits souverains — elles nécessitent l'aval du Conseil de Sécurité et de la Libye.

L'obtention d'une résolution des Nations Unies se trouve compliquée pour deux raisons.

La Libye ne peut pas pour le moment présenter sa requête d'une intervention européenne à l'ONU, puisque le pays est sans gouvernement d'unité nationale. Des discussions sont en cours au Maroc, à Skhirat, pour aboutir à une telle formation, mais rien n'est encore fait. Deuxième obstacle, le possible véto de la Russie et de la Chine — membres du Conseil de Sécurité — face à cette résolution permettant d'appréhender les passeurs et de détruire leurs bateaux et réseaux.

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Les tensions diplomatiques enflent aussi à l'autre bout de la route des migrants. Ce même lundi matin, la maire de la ville de Calais (Nord de la France) — où se massent des candidats à la traversée illégale vers le Royaume Uni — Natacha Bouchart, a appelé, sur les ondes de la radio France Info, à la création d'un « incident diplomatique » entre Paris et Londres, afin que la Grande-Bretagne se sente impliquée sur la question des migrants. Selon Bouchart, le Royaume-Uni « ne donne pas un sou » pour gérer la question des migrants sans préciser ce qu'elle attend précisément comme forme d'aide ou d'investissement. Le Royaume-Uni a déjà investi à Calais, notamment dans des systèmes de protection du port, pour éviter que les migrants ne prennent d'assaut les bateaux.

À lire : À Calais, « tout le monde est pris au dépourvu »

Le Général Patrick de Rousiers, président du Comité Militaire de l'Union Européenne, l'un des responsables de la mission EUNAVFOR Med, aurait déclaré ce lundi, selon des propos rapportés par un journal maltais, que cette opération navale n'était qu'une partie de la solution au problème des migrants : « Nous nous conformerons aux lois internationales, et nous sommes conscients que cette opération n'est pas une solution à la crise, mais seulement une partie d'une réponse bien plus large. »

Le coût estimé de l'opération EUNAVFOR Med est de 11,82 millions d'euros, d'après le communiqué de l'UE. Elle devrait durer 12 mois. Elle se fera en collaboration avec Interpol, Europol et Frontex — la mission de protection des frontières européennes, déjà déployée en Méditerranée pour le sauvetage de migrants à la dérive. L'EUNAVFOR est aussi déployée depuis 2008 au large de la Somalie, dans le cadre de l'opération « Atalanta », pour combattre les pirates qui sévissent dans le golfe d'Aden et dans l'océan indien.

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Photo via Flickr / European Union Naval Force Somalia Operation Atalanta