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Japon

Mort soudaine d’un employé de la centrale de Fukushima

Quelques heures après avoir travaillé sur le site de la centrale nucléaire dévastée, qui est en cours de démantèlement, cet homme de 30 ans est mort brutalement ce samedi après-midi.
Image satellite des installations de la centrale de Fukushima après l'accident nucléaire. (Photo via Wikimedia Commons / Digital Globe)

Un ouvrier de la centrale nucléaire de Fukushima au Japon — touchée en 2011 par un tsunami — est décédé ce week-end de manière soudaine. Pour l'instant, il est impossible de dire si la radioactivité a joué un rôle dans la mort de l'individu, l'autopsie n'ayant pas encore été pratiquée.

Cet homme de 30 ans est mort alors qu'il travaillait au démantèlement de la centrale nucléaire de Fukushima. L'incident de Fukushima avait eu lieu suite à un tsunami causé par un séisme de très forte intensité survenu le 11 mars 2011 au large du Japon. L'arrêt des systèmes de refroidissement avait notamment entraîné la fusion de deux coeurs nucléaires au sein des réacteurs de cette centrale, causant d'importants rejets radioactifs et l'évacuation de milliers de personnes qui habitaient dans la zone.

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C'est la compagnie Tokyo Electric Power Company (Tepco) en charge de la gestion de la centrale qui a annoncé le décès via un communiqué ce lundi soir : « Revenu au bureau [qui se trouve à 20 kilomètres de la centrale], il a dit se sentir mal et a été conduit d'urgence à l'hôpital où son décès a été confirmé en début d'après-midi, » peut-on lire dans le communiqué de Tepco.

Vidéo de Fukushima filmée par un drone en 2014.

Ce mardi, VICE News a contacté par téléphone l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), une organisation gouvernementale de surveillance et de protection qui opère en France, le pays le plus nucléarisé du monde. Selon Isabelle Dublineau, spécialiste en radioprotection de l'Homme à l'IRSN, « il y a de nombreux paliers d'exposition aux radiations », ce qui fait « qu'il est encore trop tôt pour se prononcer sur ce décès, » estime-t-elle.

Cette mort jugée « suspecte » par nombre de médias est la troisième sur le site de Fukushima depuis le début des travaux entamés après le tsunami. En mars 2014, un ouvrier avait été recouvert de sédiments lors de travaux de forage. Un autre employé avait aussi été tué en janvier dernier, alors qu'il était tombé d'un réservoir de stockage d'eau. Pour la compagnie Tepco, ces 2 décès comme celui de ce samedi ne sont pas — pour le moment — liés au taux de radioactivité.

Certains jours, le taux de radioactivité à Fukushima peut atteindre 2,16 millisieverts à la journée (soit plus du dixième de la limite annuelle fixée pour les travailleurs du nucléaire) — ce qui oblige les employés à rester au maximum trois heures sur le chantier. Les conditions de travail sur le chantier sont très difficiles surtout l'été, d'après un reportage du journal Libération : l'été japonais est humide, il y fait près de 45 degrés Celsius, et les employés sont contraints de rester emmitouflés dans des combinaisons protectrices.

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C'est précisément à ce programme réduit, de 3 heures par jour, que l'employé décédé ce week-end, était contraint. Il travaillait sur ce qu'on appelle le « mur de glace » qui doit permettre d'isoler les réacteurs détruits lors du tsunami, ainsi que l'eau qui s'en est échappée. Jusqu'ici, l'eau des rivières souterraines qui passent sous la centrale se mélange avec l'eau contaminée qui s'est échappée des réacteurs. L'entreprise est obligée de stocker cette eau dans d'immenses réservoirs avant de pouvoir la traiter et la reverser dans l'océan. Ce mur de glace permettrait de former une paroi qui pourrait détourner les rivières souterraines. Elles iraient ainsi se déverser dans l'océan, sans avoir été contaminées.

L'opération mur de glace à Fukushima par Direct Japon.

Le démantèlement complet du site de Fukushima devrait prendre près de 40 ans, d'après les estimations de Tepco. Au début du mois de juillet dernier, le gouvernement japonais avait annoncé que dès septembre les habitants de Naraha, une ville de 7 400 habitants située à 30 kilomètres de la centrale, pourront retourner vivre chez eux — estimant que le taux de radioactivité est suffisamment bas. À Naraha, il est à 20 millisieverts par an, soit la dose maximale annuelle tolérée pour un salarié du nucléaire en France. Les riverains avaient été relogés depuis le tsunami.

Suite à la catastrophe nucléaire de mars 2011, le Japon avait décidé de stopper l'activité des 50 réacteurs nucléaires présents à l'époque sur son territoire, qui produisaient jusqu'alors près d'un tiers de l'électricité consommée dans le pays qui a été frappé par deux bombes nucléaires pendant la Seconde Guerre mondiale. Les autorités japonaises se sont alors tournées vers d'autres sources d'énergie, faisant du Japon le second importateur de charbon du monde depuis 2013, derrière la Chine.

Tepco a été critiquée à de nombreuses reprises pour sa gestion du dossier Fukushima. Trois anciens dirigeants de cette compagnie nationalisée en 2012 devraient bientôt comparaître devant la justice du pays pour « négligence ». Dernière polémique en date, l'entreprise a révélé en février 2015 que des fuites d'eaux contaminées vers l'océan Pacifique avaient été observées. Selon le journal Le Monde, Tepco aurait gardé cette information secrète pendant près d'un an.

À l'heure actuelle, le Japon compte 48 réacteurs nucléaires à l'arrêt dont quelques-uns, récemment jugés « aptes à redémarrer », devraient être remis en route d'ici la fin de l'année 2015, en fonction des décisions que prendront les autorités locales. Près de 20 000 personnes ont été tuées ou portées disparues suite au tsunami de mars 2011.

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Image satellite des installations de la centrale de Fukushima après l'accident nucléaire. (Photo via Wikimedia Commons / Digital Globe)