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« Je pensais mourir » : des réfugiées syriennes racontent leur fin de grossesse dans le désert

Dans le désert entre la Jordanie et la Syrie, des réfugiées enceintes fuyant le groupe État islamique sont abandonnées à leur sort.
Une famille syrienne dans le camp de réfugiés d'Azraq, en Jordanie. Photo : Jordan Pix, Getty Image

Dans le désert entre la Jordanie et la Syrie, des réfugiées enceintes fuyant le groupe État islamique sont abandonnées à leur sort. Elles manquent de nourriture, doivent se cacher pendant les manifestations violentes et donnent naissance à leur enfant avec peu ou pas d'aide médicale.

Plus de 60 000 réfugiés sont bloqués sur une étroite bande de terre dans le désert à la frontière entre la Syrie et la Jordanie — les deux tiers sont des femmes et des enfants.

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Ils vivent dans une zone démilitarisée d'environ quatre kilomètres, accidentée, stérile et brûlée par le soleil, délimitée au nord et au sud par des talus de sable, qu'on appelle aussi des bermes. C'est un lieu aussi inhospitalier qu'on peut l'imaginer. Mais, au cours de la dernière année, s'y sont réfugiés de nombreux Syriens qui cherchent asile en Jordanie, et des parasites qui les exploitent : passeurs, voleurs et militants de l'EI.

Au sud, la zone est contrôlée par l'armée jordanienne, qui affirme avoir trouvé des preuves de la présence de ces militants vivant parmi les réfugiés : photos d'appareils mobiles, armes et composantes de bombes artisanales. La file pour gagner la Jordanie est longue, sa progression ralentie par la méfiance et de longs contrôles de sécurité. Des organisations humanitaires fournissent de la nourriture, de l'eau et de l'aide médicale sur la berme, mais les soldats et les travailleurs humanitaires ne s'aventurent pas au-delà, dans la zone démilitarisée. Au nord, à l'est et à l'ouest, cette zone chaotique gagne du terrain de jour en jour.

Ce qu'on sait de la vie sur la berme nous est raconté par des Syriens admis en Jordanie et installés au camp de réfugiés Azraq. Et leurs récits témoignent d'un fossé qui sépare la vie des hommes et le sort des femmes.

Les femmes qui ont survécu à ces mois sur la berme en parlent peu, au début. Le regard fuyant, elles disent n'avoir pas vu grand-chose : elles passaient presque tout leur temps cachées dans la tente. Avec un peu de temps, les langues se délient : des jours passés dans le noir, la terreur en entendant les manifestations s'approcher de la tente, les bébés nés dans le désert, la panique qui force à prendre ses enfants dans ses bras et courir.

D'après des documents internes d'ONG comprenant des données recueillies par les travailleurs humanitaires, les femmes enceintes comptent pour plus de 7 % de la population sur la berme : le double de ce que l'on observe normalement dans la population. On note aussi qu'en avril dernier, la majorité des femmes enceintes en étaient à leur septième, huitième ou neuvième mois de grossesse.

Beaucoup de celles avec un nouveau-né à Azraq disent avoir attendu la fin de leur grossesse pour fuir en Jordanie, sans savoir qu'elles seraient bloquées pendant des semaines ou des mois dans le désert.

Um Faten, une mère de quatre enfants qui vit maintenant à Azraq, avait donné naissance à ses trois premiers enfants à l'hôpital d'Hama, une ville de l'ouest de la Syrie. Sa fille prénommée Faten, elle, est née le 15 novembre dans une tente sur la berme, avec l'aide d'une sage-femme de Homs, elle aussi réfugiée attendant d'entrer en Jordanie.