Récemment, j’ai lu des témoignages de femmes à qui on avait interdit de séjourner à l'hôtel car elles n’étaient pas accompagnées par un homme de leur famille. Bien que je n'aie jamais vécu cela moi-même, quelques-unes de mes amies savaient exactement de quoi je parlais.Selon le Centre égyptien des droits de la femme (ECWR), les principales visées sont les femmes de moins de 40 ans. Cette tutelle masculine sur les femmes est une pratique discriminatoire en violation de la constitution égyptienne. « D’un point de vue professionnel, certaines femmes pourraient ne pas être promues parce qu'elles ne peuvent pas séjourner à l'hôtel lors de leurs voyages d'affaires, affirme l’ONG cairote. D'un point de vue personnel, elles pourraient hésiter à chercher de l’aide après avoir subi de la violence domestique. »
Publicité
En 2020, l'Égypte a été classée 134e sur 153 nations dans le Rapport mondial de l’écart entre les genres publié par le Forum économique mondial. Le rapport indique que les femmes en Égypte ont des taux d'alphabétisation et d'emploi nettement inférieurs à ceux de leurs homologues masculins et que leur droit de posséder des biens, des capitaux et des produits financiers est limité par la loi. Elles sont également exposées à des taux élevés de violence fondée sur le sexe. Grâce aux groupes de solidarité féminine sur Facebook, j'ai pu entrer en contact avec des femmes qui s’étaient vues refuser l’accès à une chambre d'hôtel. Beaucoup d'entre elles ont appris que le personnel de l'hôtel ne faisait qu'obéir aux ordres de la police du Tourisme égyptienne, qui aurait interdit de louer des chambres d'hôtel à des personnes résidant dans la ville.« Ces ordres n’ont aucun fondement juridique », explique l'avocate Heba Adel, responsable de l'Initiative des avocats égyptiens pour les droits des femmes. Elle fait valoir que cette réglementation n'existe pas officiellement et que de nombreux hôtels refusent tout simplement les femmes en raison de leur propre politique privée. « Nous exigeons que la police du Tourisme nous montre cet ordre, à supposer qu’elle l’ait vraiment reçu, afin que nous puissions faire appel. »
Publicité
Voici quelques-uns des témoignages que j’ai recueillis.En mars dernier, j'étais en voyage d'affaires à Alexandrie [une ville portuaire sur la Méditerranée] et j'avais besoin d’un endroit où dormir. J'ai passé un temps fou à essayer de convaincre les réceptionnistes des hôtels de me laisser réserver une chambre. Je leur ai montré ma carte de presse pour prouver que je n’étais pas d'Alexandrie, et leur ai même dit qu'ils pouvaient appeler le syndicat des journalistes pour confirmer mon identité. Rien n'a fonctionné. Leurs réponses étaient ridicules et offensantes : certains m’ont dit qu'ils n'avaient pas de chambre disponible, d'autres qu'ils ne pouvaient pas m’en louer une parce que j'étais seule. Je sentais qu'ils étaient hostiles à mon égard parce que j'étais une femme qui travaillait et était libre de ses mouvements.Finalement, j'ai trouvé un hôtel où loger. Mais le personnel était assez méfiant en voyant un de mes amis m'aider avec mes bagages. Plus tard dans la soirée, un employé est venu frapper à ma porte pour me dire qu'il était interdit de faire venir des invités dans les chambres. Furieuse, je lui ai répondu qu'il pouvait venir fouiller la chambre lui-même. Il a fini par s'excuser. En tant que femmes, nous n'avons pas le luxe de nous déplacer comme et quand nous le voulons. Nous devons toujours vérifier tous les détails de notre séjour. Sinon, nous risquons de nous retrouver dans la rue avec nos bagages, sans endroit où aller.
Rania Hilal, 36 ans, journaliste et auteure
Publicité
Nora, 42 ans, assistante de direction
Nora Raouf, 33 ans, employée de banque
Maryam Yousef, 34 ans, employée de banque
Salma, 30 ans, traductrice
VICE Belgique est sur Instagram et Facebook.