FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

Que change la mise en place de l’état d’urgence en Tunisie ?

Le président tunisien a annoncé ce samedi que l’état d’urgence était déclaré pour 30 jours, après l’attaque de Sousse.
Photo par Mohamed Messara/EPA

Le président tunisien a déclaré l'état d'urgence dans le pays ce samedi, neuf jours après l'attentat qui a coûté la vie à 38 touristes sur une plage de la station balnéaire de Sousse.

Une mesure sécuritaire qui pourrait avoir une incidence économique et sociale.

On apprenait ce dimanche, dans une interview du premier ministre tunisien, Habib Essid, à La Presse de Tunisie, que Seifeddine Rezgui — l'assaillant de Sousse — connaissait « bien le secteur touristique pour y avoir travaillé en tant qu'animateur. »

Publicité

Selon les autorités tunisiennes, Rezgui avait un profil « normal » avant de tomber dans le terrorisme, ce qui doit amener à « un travail de fond sur la culture et l'enseignement, » d'après Essid.

La mère de Rezgui a aussi été interviewée pendant le week-end par le Sunday Times, où elle a déclaré « Mon fils aimait la musique, la breakdance et le football. Ils ont dû le droguer et lui laver le cerveau pour qu'il fasse cette chose diabolique et je veux qu'on trouve ceux qui ont fait ça ».

L'assaillant a été abattu à la fin de son raid meurtrier, et l'organisation terroriste État islamique a depuis revendiqué l'attentat. Huit individus suspectés d'être complices de la tuerie ont été arrêtés la semaine dernière, et 3 autres personnes sont recherchées par les autorités tunisiennes.

À lire : Attentat de Sousse : 12 suspects arrêtés, 3 autres personnes toujours recherchées

Il s'agit de la deuxième attaque terroriste dans le pays en un laps de temps de 4 mois. Le 18 mars dernier, trois hommes armés avaient tué 22 personnes au musée du Bardo, dans les environs de la capitale, Tunis.

L'EI avait aussi revendiqué cette attaque, mais le gouvernement pense que des membres d'un groupe local, Okba Ibn Nafaa, seraient responsables. Les deux attaques ont apparemment ciblé l'industrie touristique tunisienne.

Le président tunisien, Beji Caid Essebsi, s'exprime au cours d'une conférence de presse à Tunis, le 4 juillet 2015. Photo par EPA/Service de presse de la présidence tunisienne.

L'état d'urgence, qui sera appliqué pour au moins 30 jours selon le président Beji Caid Essebsi, va étendre les pouvoirs des forces de sécurité tunisiennes et permettre à l'armée d'opérer dans les villes — une pratique habituellement interdite.

Publicité

Ces nouvelles mesures viennent compléter d'autres dispositions prises par le gouvernement suite à l'attentat de Sousse, pour renforcer la sécurité et convaincre les Tunisiens et touristes que le pays est sûr. Un millier de soldats a été déployé dans les complexes touristiques la semaine passée, et près de 80 mosquées doivent être fermées pour incitation à la violence.

La dernière fois que l'état d'urgence a été déclaré en Tunisie, c'était au cours du Printemps arabe, qui avait mené à la chute du président Ben Ali en 2011. L'état d'urgence avait été reconduit jusqu'en mars 2014.

Quand Essebsi a déclaré que la mesure était remise en place ce samedi, il a expliqué sa décision en précisant « Si une attaque comme Sousse se reproduit, l'État s'effondrera ».

Pendant son discours, il a aussi appelé la communauté internationale à lui fournir de l'aide matérielle. « Pour faire face à ce fléau, il faut que nous soyons préparés. Il nous faut suffisamment de militaires, de l'entraînement et des moyens matériels — nous avons vraiment besoin de moyens matériels, » a déclaré Essebsi.

Le président tunisien a aussi pointé les risques sécuritaires créés par sa proximité avec la Libye. « Nos frontières avec la Libye s'étendent sur 500 km. Il est difficile de les contrôler sans disposer de certains moyens qui, d'un point de vue financier, sont hors de notre portée, » a déclaré Essebsi.

Les défis sécuritaires influent immanquablement sur le climat économique et social du pays, a rappelé le président. Selon lui, sans un climat social serein, le pays ne peut recueillir d'investissements étrangers. Essebsi a raconté sa rencontre récente avec un « homme d'affaires étranger » qui avait pour ambition d'investir en Tunisie, mais qui a finalement préféré « un pays frère » pour installer son projet à cause du climat sécuritaire. « Il s'agit d'un projet estimé à 557 millions d'euros, capable de créer de 5 à 50 mille postes d'emploi, » indiquait dans son allocution le président.

Publicité

Le président a aussi profité de son allocution pour pointer les grèves à répétition, notamment dans le bassin minier tunisien. Essebsi a effectivement commencé son discours en pointant la « désobéissance civile » des grévistes qui « coupent les routes et bloquent la production ». L'état d'urgence donne notamment le pouvoir aux 24 gouverneurs du pays d'interdire les grèves.

Essebsi a tenu à rassurer les Tunisiens quant à leurs libertés en assurant, « Nous devons respecter la liberté d'expression et la liberté de presse. » Le président a néanmoins demandé, à ceux qui exercent cette liberté de prendre en considération les circonstances actuelles du pays.

Pour nombre d'observateurs, l'état d'urgence ne devrait pas changer grand-chose dans le pays.

La déclaration de l'état d'urgence s'est aussi accompagné de plusieurs démissions, notamment le gouverneur de Sousse, ce samedi. La veille, le premier ministre tunisien, Habib Essid, avait admis que la police avait mis trop de temps à réagir le jour du drame, tout en précisant ce dimanche qu'elle n'avait pas eu de chance, déclarant à La Presse de Tunisie, « Il faut le dire, des agents de la Garde nationale à bord de leur Zodiac […], sont intervenus très tôt. Ils ont tiré contre l'assaillant, mais ne l'ont pas atteint. Et comme un malheur n'arrive jamais seul, leur fusil s'est enrayé . »

Pierre Longeray a participé à la rédaction de cet article @Plongeray

Suivez Tessa Stuart sur Twitter @tessastuart