FYI.

This story is over 5 years old.

Nouvelles

Pourquoi l’université est un échec selon le plus virulent critique de l’enseignement supérieur

«Des millions d'étudiants sont passés par l'université, ont accumulé des dettes, ont ensuite décroché, et leur avantage salarial est absolument nul. Ces étudiants ont été arnaqués.»
Photo : Iouri Goussev sur Flickr (vignette : DonkeyHotey sur Flickr)

Charles J. Sykes, auteur et fellow senior du Wisconsin Policy Research Institute, a passé la majeure partie de sa vie à critiquer l'enseignement supérieur et à écrire des livres dans lesquels il soutient que les diplômes universitaires ont de moins en moins de valeur. Difficile de ne pas se ranger de son avis quand on voit beaucoup d'étudiants sortir de l'université avec des dettes colossales, accepter des emplois de barista et retourner vivre chez leurs parents. Je lui ai parlé de son nouveau livre, Fail U (paru le 9 août dernier aux éditions St. Martin's Press), qui explore les différents enjeux des étudiants et des universités d'aujourd'hui, dont la bulle universitaire et la valeur des diplômes, s'ils en ont toujours une. C'est un livre qui dit : je vous avais prévenus. Non seulement la plupart des problèmes soulevés dans son premier ouvrage en 1988 sont maintenant généralement admis, mais ils se sont aggravés. VICE : Vous vous penchez sur la bulle universitaire, le concept des microagressions et les tribunaux bidon qui jugent les allégations de viols dans les campus. Ces sujets sont-ils liés?
Charles Sykes : Oui, à la base, c'est que l'université coûte trop cher, que les programmes sont trop longs et que la valeur qu'en retirent les étudiants est incertaine. Les universités s'en tirent parce qu'on est prêts à payer le prix. Mais je pense qu'à un certain point — quand, par exemple, on en arrive à une dette étudiante collective de 1,3 milliard — le monde commence à se demander : « Qu'est-ce que j'obtiens en retour? » Vous écrivez sur ce même sujet depuis des décennies. Est-ce que votre thèse a changé depuis la parution de votre premier livre?
J'ai beaucoup aimé écrire Fail U, parce que ce livre dit : « Je vous avais prévenu ». Je revisite ce que j'ai écrit il y a 28 ans. Mon père était un professeur anticonformiste et ancien journaliste. Un jour, il avait écrit un article pour un magazine que je dirigeais à propos des professeurs qui n'enseignaient plus beaucoup; la recherche un peu étrange et illisible avait remplacé le véritable enseignement. C'était un article amusant, mais aussi percutant. Nous l'avons publié, et c'est cet article qui m'a inspiré le premier livre, ProfScam, qui traitait de la fuite des professeurs, de l'abandon des étudiants et du fait que les universités étaient devenues trop grosses. À ce moment-là, je me disais : « Ils vont s'attaquer à ce problème, proposer des réformes, et il y aura un vrai changement. » Et bien sûr, c'était incroyablement naïf. Rien n'a vraiment changé. Mais un débat plutôt intéressant a été lancé. Maintenant, c'est l'occasion de se pencher sur les 28 dernières années et de se demander : « Pourquoi chacun des problèmes dont j'ai parlé dans ce livre s'est aggravé? »

Publicité

Les universités sont prêtes à faire payer les étudiants autant que possible, mais l'enseignement n'est tout simplement pas prioritaire, et ce, depuis très longtemps.

Dans votre livre, vous dites que l'argent se fait de plus en plus rare dans les universités. Comment est-ce possible si les droits de scolarité sont aussi élevés? Et pourquoi, s'il y a de plus en plus de chargés de cours sous-payés, leurs frais d'exploitation montent-ils en flèche?
C'est le cœur du livre. On demande aux étudiants de payer de plus en plus, et la qualité est de plus en plus discutable. Ce qui a été le plus surprenant, même pour moi, c'est que plus de 70 pour cent des professeurs d'université d'aujourd'hui sont des employés à temps partiel ou font partie de cette sous-classe universitaire. Je pense que les étudiants ne sont plus la priorité des universités. Elles sont prêtes à faire payer les étudiants autant que possible, mais l'enseignement n'est tout simplement pas prioritaire, et ce, depuis très longtemps.

Pour cette raison, je pense que nous en sommes à un point où nous pourrions peut-être arriver à réformer l'enseignement supérieur. Exactement comme vous le dites, nous sommes dans une énorme bulle universitaire et la population se dit : « Oh, un instant! Je dépense à peu près 50 000 dollars par année en droits de scolarité et ce ne sont pas de vrais professeurs qui m'enseignent? C'est quoi, cette histoire? » C'est cette culture universitaire dans laquelle on embauche et donne des promotions aux professeurs non pas en fonction de leur compétence en enseignement, mais en fonction de la recherche, dont une partie est de qualité, mais une autre partie est bonne pour les ordures.

Publicité

Comment en sommes-nous arrivés au point où mettre l'accent sur l'enseignement est considéré comme un suicide financier pour les universités?
Ce qui arrive, c'est que les universités du groupe inférieur veulent accroître leur prestige en devenant le Harvard du Dakota du Nord. La façon d'y arriver, c'est de mettre l'accent sur la recherche plutôt que sur l'enseignement. On met ainsi la pression qu'on voit habituellement dans les grandes universités orientées vers la recherche sur les épaules de professeurs qui aiment l'enseignement.

Comment renverse-t-on la tendance pour prioriser de nouveau les étudiants?
C'est la grande question. Quand j'ai écrit mon premier livre, je croyais que les étudiants, en réaction, demanderaient un enseignement de plus grande qualité et que la population se rendrait compte qu'on avait atteint un extrême. Mais rien ne s'est passé. Comment faire un virage à 180 degrés? Quand on pense au changement que la technologie a provoqué dans d'autres domaines — le divertissement, les médias, les transports —, je me demande pourquoi nous avons encore des universités physiques qui fonctionnent comme au Moyen Âge. Est-ce que les étudiants pourraient utiliser les nouvelles technologies pour obtenir leur diplôme universitaire en deux ou trois ans plutôt que quatre? Pourquoi cette durée de quatre ans est-elle si sacrée? En partie, je pense que les étudiants doivent s'affirmer, que les parents doivent arrêter de signer ces gros chèques et que les administrateurs des universités devront accorder une plus grande attention à l'enseignement qu'à l'heure actuelle, plutôt que de construire des Taj Mahal.

Que pensez-vous des propositions de la gauche pour réduire les dettes des étudiants, comme l'idée de la gratuité universitaire?
Il y a deux énormes problèmes sous-jacents : le coût de l'éducation et la valeur qu'en retirent les étudiants. La gratuité ne règle rien. L'histoire nous a montré que les sauvetages financiers aggravent le problème. L'enseignement supérieur est si coûteux parce que les universités continuent de recevoir de l'argent et n'ont donc aucune raison de régler leurs problèmes. Les idées comme la gratuité scolaire ne font que transférer le fardeau aux contribuables, dont bon nombre n'ont pas de diplôme universitaire. Je pense franchement que ça rendrait l'éducation encore plus coûteuse. On a vu que plus on donne d'argent aux universités, plus elles en dépensent. Et la gratuité entraînerait d'autres problèmes. Elle pousserait vers l'université une foule d'étudiants qui n'ont pas besoin d'y aller ou qui n'y sont pas à leur place. Et ce ne serait pas le problème des universités, mais le nôtre, car c'est nous qui payerions l'addition.

Cette idée de l'université pour tous est une attrape.

Est-ce qu'il y a trop d'étudiants? L'origine du problème, est-ce que c'est l'incapacité ou le refus d'accepter que ce ne sont pas tous les enfants qui doivent se retrouver sur les bancs d'université?
Oui. Mais les politiciens ne veulent pas le dire. Sauf, je dois le souligner, Hillary Clinton, qui a dit dans un discours que tout le monde n'a pas besoin de passer quatre ans à l'université. Elle a tout à fait raison. Cette idée de l'université pour tous est une attrape. D'abord, on n'a pas tous besoin d'un diplôme universitaire. Et les travaux universitaires ne sont pas à la portée de tout le monde. Beaucoup seraient extrêmement heureux de faire autre chose. Des millions d'étudiants sont passés par l'université, ont accumulé des dettes, ont ensuite décroché, et leur avantage salarial est absolument nul. Et je pense que ces d'étudiants ont été arnaqués. En quoi l'université actuelle est-elle différente du modèle original?
L'université d'aujourd'hui ment par omission aux étudiants. Je pense que ces gigantesques complexes de recherche qui pensent aux étudiants en dernier lieu s'érigent depuis longtemps. Mais il y a eu un temps où les universités étaient des lieux de savoir, où l'on enseignait avec une grande liberté, et, si on était diplômé de ces universités, on était une personne instruite. Ce qui n'est plus nécessairement vrai de nos jours.

Suivez Allie Conti sur Twitter.