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VICE News

Le nombre de djihadistes et aspirants au djihad aurait doublé en France en un an

D’après des chiffres cités par France Info, le ministère de l’Intérieur français noterait une augmentation de 116% entre 2013 et 2014 du nombre de Français entrés en contact avec une cellule djihadiste.
Image via Flickr / Valsts kanceleja State Chancellery

Pendant le conseil des ministres de ce mercredi 17 décembre, le ministre de l'Intérieur français a tiré le bilan de la lutte menée contre les filières djihadistes françaises et présenté des chiffres relatifs à leurs membres. Chiffres révélés par la radio France Info.

Plusieurs estimations au début de cet automne plaçaient la France en tête des contingents djihadistes de l'EI venus de pays occidentaux. Des Français sont apparus dans de récentes vidéos de propagande de l'EI et le cas d'une quinzaine de personnes parties de la même ville de Lunel avait fait la Une la semaine dernière.

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Ils sont 1200 Français à avoir quitté le territoire ou à vouloir le quitter en 2014. Environ 400 d'entre eux sont enrôlés dans les rangs de l'organisation État islamique (EI) ou ceux de Jabat Al-Nosra. 200 personnes seraient actuellement en transit a affirmé Bernard Cazeneuve.

Viennent s'ajouter à ce décompte les 234 Français revenus du djihad. Le nombre des retours a également augmenté, de 50% depuis les premières frappes de la coalition contre les positions stratégiques de l'EI en août dernier. Enfin, 13 filières djihadistes ont été démantelées sur le territoire français depuis l'automne 2013.

VICE News a demandé à Romain Caillet de réagir à ces chiffres. Il est chercheur à l'Institut français du Proche-Orient à Beyrouth, et spécialiste des mouvements djihadistes dans la région. Dernièrement son expertise a contribué à identifier plusieurs Français partis faire le djihad en Syrie.

Pour lui, les coups de filet dans les filières djihadistes - le dernier en date a eu lieu ce lundi, à Toulouse et au Havre - sont réalisés pour deux types de motifs.

« Il s'agit d'empêcher les réseaux de s'implanter en France et de commettre des actes terroristes de grande ampleur, et de se servir des interrogatoires pour enrichir la base de données du ministère de l'Intérieur, » dit-il. On dénombre cinq projets d'attentats déjoués en France depuis août 2013. Ces arrestations n'ont pas pour but premier de faire rester les gens qui souhaitent partir. « Il n'y a pas besoin de réseau pour cela, il suffit d'un contact Facebook, » explique-t-il.

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Romain Caillet ne s'estime pas surpris par l'augmentation du nombre de candidats au départ qu'il a pu observer dans différents pays depuis la proclamation du califat, au mois de juin dernier. Elle a constitué d'après le chercheur « une nouvelle motivation de départ » pour les aspirants au djihad.

Il estime cependant que le nombre de candidats pourrait se stabiliser, ou qu'ils pourraient changer de destination, obéissant à la dernière intervention du calife autoproclamé Abou Bakr al-Baghdadi. D'après Romain Caillet, dans ce message le calife suggère aux musulmans voulant rejoindre les rangs de l'EI de se rendre dans le pays le plus proche d'eux. Selon l'expert, dans le cas des Français, il pourrait s'agir de la Libye.

Le chercheur remarque que dans sa lutte contre le djihadisme, la France opte pour une stratégie « intermédiaire », quand d'autres pays ont des choix plus exclusifs, entre laisser-faire et prévention du départ.

« Le Canada a confisqué le passeport des djihadistes pour les empêcher de partir, mais ils ont eu un attentat sur leur territoire. Le Maroc, lui, préfère les laisser partir en espérant qu'ils vont mourir là-bas, » résume-t-il.

L'autre conclusion de Bernard Cazneuve avancée en conseil des ministres, c'est qu'il n'y aurait pas de profil type des djihadistes, qui compteraient dans leurs rangs des ruraux et des citadins, des hommes et des femmes (ces dernières seraient une centaine à être en Syrie). D'après lui, un cinquième des djihadistes sont des convertis.

Pour Romain Caillet, s'il n'y a pas de profil « type », il y a tout de même un profil « dominant » : « Un homme musulman issu de l'immigration maghrébine venant d'un milieu modeste » affirme le chercheur.

Hier, le ministre de l'Intérieur a dans une déclaration souligné le fait qu'il s'agit « d'une proportion infime qui traduit une série de dérives individuelles. Il est capital de ne pas stigmatiser la population musulmane de France pour des actes que les musulmans de France condamnent sans appel dans leur immense majorité. »

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter @meloboucho

Image via Flickr / Valsts kanceleja State Chancellery