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FRANCE

Nouvelle version du projet de loi Travail : Ce qui reste / Ce qui change

Ce jeudi 24 mars, organisations étudiantes et lycéennes appellent à une nouvelle journée de mobilisation. Voici un résumé de la dernière version du projet controversé de réforme du Code du Travail.
VICE News

Troisième jeudi de mobilisation ce 24 mars en France, contre le projet de réforme de la loi Travail. Des manifestations sont prévues dans toutes la France. À Paris, des organisations lycéennes appellent à un rassemblement à 11h Place d'Italie. Le cortège doit ensuite rejoindre les étudiants à la gare Montparnasse pour rejoindre les Invalides, à partir de 12h30.

Nous faisons ici un résumé de ce qu'il se trouve dans la dernière version du projet de loi présentée le 14 mars par le Premier ministre.

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Cet article a d'abord été publié le 15 mars


Quelques jours après les premières manifestations contre le projet de réforme de la loi Travail, le Premier ministre Manuel Valls avait détaillé le lundi 14 mars la nouvelle mouture de cette réforme controversée.

Pour lire un résumé de la première version du projet cliquez ici.

Depuis l'Hôtel de Matignon, où il était accompagné des ministres du Travail et de l'Économie, Myriam El Khomry et Emmanuel Macron, Manuel Valls a présenté aux partenaires sociaux une version corrigée du projet de loi, dans l'espoir de trouver un précieux compromis avec les opposants du projet.

D'après le slogan gouvernemental affiché derrière le Premier ministre, cette loi devrait garantir « Plus d'emplois, plus de libertés, plus de protections » — ce dont doutent nombre de Français et organisations syndicales.

Le 9 mars dernier, entre 250 000 et 500 000 personnes défilaient dans les principales villes françaises pour réclamer le retrait, ou du moins la modification de la loi, à l'appel de la CGT, de l'UNEF (le principal syndicat étudiant) et d'organisations lycéennes.

À lire : Dans la journée de manifestations contre la Loi travail

Reconnaissant un besoin de dialogue sur cette réforme, Valls et El Khomry ont rencontré la semaine dernière divers partenaires sociaux et syndicaux, afin d'entendre leurs inquiétudes et de mettre au point un texte modifié. Le Premier ministre a assuré que cette « nouvelle phase de concertation » avait permis « d'enrichir, d'améliorer, d'approfondir la réforme ».

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Mais qu'est-ce qui a vraiment changé dans la « V2 » proposée par Manuel Valls ? Le nouveau texte n'ayant pas été révélé, seules les déclarations du Premier ministre permettent de se faire une idée des principales modifications et nouveautés apportées à la première version du projet de réforme de la loi Travail.


Qu'est ce qui a changé ?

Les indemnités prud'homales

Dans la première version du projet de loi Travail, le gouvernement comptait mettre en place un barème basé sur l'ancienneté des salariés dans l'entreprise pour fixer les indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif. Il était prévu par exemple qu'un salarié avec deux ans d'ancienneté ait le droit à l'équivalent 3 mois de salaire maximum en guise d'indemnité — créant de fait une sorte de « plafonnement » des indemnités.

Cette mesure a rapidement cristallisé les critiques adressées à la loi Travail, si bien que le gouvernement a dû faire machine arrière.

Le Premier ministre a effectivement annoncé ce lundi que le barème détaillé dans la première mouture sera seulement indicatif. « Ce barème sera une aide pour les juges prud'homaux, mais pas un carcan », a assuré Valls. Actuellement, c'est déjà au juge d'établir l'indemnité que doit verser l'entreprise à un employé qui a été licencié de façon abusive.

Le temps de travail

Selon la première mouture du texte, il était notamment prévu de porter la durée maximale quotidienne de travail à 12 heures (au lieu de 10), et de plafonner à 60 heures la durée maximale de travail hebdomadaire (au lieu de 48 heures) en cas de circonstances exceptionnelles. Pour les apprentis mineurs, il était aussi attendu qu'ils puissent travailler 40 heures par semaine (contre 35) — ce qui est déjà possible avec l'accord du médecin du travail et de l'inspection du travail.

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Mais ce lundi, Manuel Valls semble avoir décidé d'abandonner ces pistes en déclarant, « Le projet de loi ne changera pas les dispositions applicables aujourd'hui en matière d'astreintes, de durée du travail des apprentis, de durée hebdomadaire maximale de travail, de temps d'habillage et de déshabillage, de réglementation du temps partiel ».

Autre disposition abandonnée concernant le temps de travail : la négociation des forfaits jours entre salarié et employeur dans les entreprises de moins de 50 salariés. Dans la première version du texte, il était prévu que le passage au forfait jour (un régime qui permet de déroger aux 35 heures) se fasse au cas par cas, entre le salarié et l'employeur (donc sans accord collectif comme c'est aujourd'hui le cas).

Mais le nouveau texte détaillé par Manuel Valls prévoit qu'un salarié soit « mandaté » pour jouer le rôle de représentant du personnel afin de faire appliquer dans l'entreprise, les accords de branche concernant les forfaits jours.

Les licenciements économiques

Il était prévu qu'une entreprise puisse licencier des salariés en cas de quatre trimestres consécutifs de baisse du chiffre d'affaires et deux trimestres consécutifs de perte d'exploitation de l'entreprise.

Cette disposition ne change pas dans la nouvelle version, mais il est prévu qu'un juge puisse vérifier qu'une multinationale ne fasse pas artificiellement baisser le chiffre d'affaires de sa filiale française pour procéder à des licenciements économiques — moins coûteux pour les entreprises. Si tel est le cas, les licenciements seront requalifiés en licenciements sans cause réelle et sérieuse.

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Les congés

Dans la première version du texte, il était prévu que les congés pour événements familiaux (mariages, décès d'un proche…) soient fixés par des accords d'entreprises. Valls a précisé ce lundi que les entreprises ne pourraient pas passer en dessous du nombre de jours de congé prévus actuellement par la loi — ce que la première mouture du texte laissait craindre à certains.

La garantie jeunes

Avec le nouveau texte, le dispositif garantie jeunes serait généralisé — le gouvernement souhaitant atteindre le chiffre de 100 000 personnes en garantie jeunes en 2017. Ce dispositif permet aux jeunes sans emploi et sans diplôme d'être accompagnés pendant un an grâce notamment à des périodes en entreprise et une allocation mensuelle de 450 euros par mois.

Certains points qui faisaient pourtant débat n'ont pas été abordés ce lundi par Manuel Valls, notamment l'abaissement de la majoration des heures supplémentaires. Impossible de savoir pour le moment si cette disposition sera bien dans le projet de loi final.

À lire : Pour ? Contre ? Notre résumé pour se faire un avis sur la première version de la « loi travail »


Les réactions

Si Manuel Valls cherchait à aboutir à un compromis en modifiant le texte, rare sont ceux à se réjouir de cette nouvelle version.

Ceux qui sont satisfaits de la nouvelle mouture :

Côté syndical, seules deux organisations semblent se satisfaire de la nouvelle mouture de la loi Travail : la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) — deux syndicats dits « réformistes ».

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Le patron de la CFDT, Laurent Berger, se réjouissait des modifications apportées au texte, « Un projet de loi qui était déséquilibré, qui n'était pas compris, faisait courir des risques aux salariés, devient un projet de loi qui peut potentiellement être porteur de progrès pour les jeunes et porteur de progrès pour les salariés ».

Chez les étudiants, le syndicat minoritaire Fage se satisfait aussi des nouveaux ajouts, dont le président Alexandre Leroy qui indique qu'il faut aller de l'avant en déclarant : « Ne pas reconnaître que la garantie jeunes, le droit universel personnel à la formation […] sont des avancées majeures, c'est soit du jusqu'au-boutisme, soit de la politique un peu trop politicienne ». La Fage n'appelle pas à la reconduite de la mobilisation.

Ceux qui ne sont pas satisfaits par les modifications :

La première version du texte avait reçu des soutiens inattendus, notamment de l'opposition mais aussi du Medef, qui se retournent aujourd'hui contre le gouvernement.

À la vue de la première mouture du texte, Pierre Gattaz, le patron du syndicat du patronat français, estimait que le texte allait « dans le bon sens ». Mais ce lundi, il s'est dit « déçu ». « Il y a un gros problème c'est que [Manuel Valls] a retiré les plafonds des prud'hommes, » a déclaré Gattaz sur les ondes de France Info. « Enlever ce plafond c'est retirer la cohérence du dispositif général. »

François Fillon, ancien Premier ministre et candidat à la primaire des Républicains, se disait « prêt à soutenir le texte ». Mais après les annonces de Valls, Fillon a estimé que le gouvernement avait reculé et en a profité pour citer Edgar Faure, « L'immobilisme est en marche et rien ne l'arrêtera. » Il a ensuite regretté que cette nouvelle version écrite « sous la pression des organisations les plus conservatrices comporte des reculs considérables, » peut-on lire dans Le Monde.

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Un autre soutien de la première heure de la loi Travail, l'ancien ministre du Budget, Éric Woerth, estime que le texte a été totalement « démantelé », ajoutant que le gouvernement a été « pris en otage par les syndicats ».

Ceux qui se battent pour faire reculer le gouvernement sur ce projet de loi ne sont pas non plus satisfaits des modifications apportées par Manuel Valls.

La CGT, qui avait déjà appelé à la manifestation le 9 mars, souhaite que le gouvernement aille plus loin. « La mobilisation est plus que jamais d'actualité pour la CGT » a déclaré Philippe Martinez, le secrétaire général du syndicat. Il appelle à une forte mobilisation le 31 mars prochain, tout comme le patron de Force Ouvrière (FO), Jean-Claude Mailly, qui souhaite le retrait pur et simple du projet de loi.

Le syndicat étudiant UNEF, en pointe de la mobilisation du 9 mars, se fait l'écho des deux autres organisations syndicales en encourageant la suite du mouvement de contestation. « Est-ce que ce gouvernement avec ce projet de loi travail a répondu aux aspirations des jeunes ? On est profondément convaincus que non », a déclaré William Martinet, le président de l'UNEF. Il appelle à une nouvelle mobilisation pour la journée de jeudi.

Caroline De Haas, la militante féministe à l'origine de la pétition contre la loi Travail (qui a recueilli plus d'un million de signatures), estime que « quasiment rien n'a bougé ». Interrogée par le site Francetv Info, De Haas estime que le nouveau texte fait moins reculer les droits des salariés, mais qu'il les fait reculer quand même. « Avec la nouvelle version annoncée par Manuel Valls, la situation reste pire qu'avant l'annonce de la loi, » tranche la militante.

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Quels sont les prochains rendez-vous ?

Ce mardi 15 mars, le gouvernement devait saisir le Conseil d'État afin qu'il étudie les modifications appliquées à la première version du projet de loi. Le 24 mars, le texte sera alors présenté en conseil des ministres — avec deux semaines de retard par rapport au planning originel.

Le gouvernement espère que le texte sera présenté à l'Assemblée nationale d'ici la fin avril. L'adoption du texte pourrait alors se faire avant les vacances parlementaires, qui commencent fin juillet.

Pour le 31 mars, sept syndicats (CGT, FO, FSU, Union syndicale Solidaires, UNEF, UNL, FIDL) ont appelé à la mobilisation « pour obtenir le retrait du projet de loi de réforme du Code du travail, et pour l'obtention de nouveaux droits, synonymes de progrès social ».


Cet article a d'abord été publié le 15 mars

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