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Europe

On ne peut pas vivre dans un conteneur métallique

En Serbie, des Roms expulsés attendent d’être relogés, depuis trois ans, malgré un financement de l’Union Européenne à ces fins
Image via Amnesty International

À l'occasion de la journée internationale des Roms, l'ONG Amnesty International publie un rapport sur une centaine de familles Roms de Belgrade qui n'ont toujours pas été relogées, malgré un financement de l'Union Européenne à ces fins.

Un millier de Roms a été expulsé du quartier de Belvil à Belgrade, en 2012. Malgré un budget de 3,6 millions d'euros octroyés par la Commission européenne pour leur relogement, l'ONG Amnesty International remarque que la plupart des familles vivent toujours dans des « conteneurs métalliques sordides ». Pas une seule construction d'immeuble n'a été achevée, remarque l'association.

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Dans un rapport publié à l'occasion de la journée internationale des Roms, qui a lieu chaque année le 8 avril depuis 1971, Amnesty International pointe du doigt la bureaucratie et la discrimination comme facteurs de l'échec du relogement. Les solutions examinées par la ville ne correspondent pas aux normes internationales en matière de logement décent, et ne permettent pas l'intégration des familles — trop loin du centre-ville, des écoles et des services sociaux.

En septembre 2014, 39 familles (190 personnes) ont été relogées dans un village de campagne, à 133 kilomètres au nord de Belgrade. Bien que les familles rencontrées par Amnesty International se réjouissent d'avoir un toit au-dessus de leur tête et de pouvoir envoyer leurs enfants à l'école, ils ne vivent que grâce aux aides sociales, car il n'y a pas d'opportunité professionnelle pour eux dans la région. « Je pouvais trouver un peu de travail à Belvil, mais ici, il n'y a rien. Il n'y a pas assez de gens pour qui travailler ici, » a confié un agriculteur qui n'a pas de terre à cultiver.

Les autres familles vivent en périphérie de Belgrade, dans des conteneurs métalliques. « Être expulsé de chez soi est une expérience traumatisante en soi, mais être relégué dans des conteneurs et autres logements inadaptés pendant des années a un impact dévastateur sur la vie et les moyens de subsistance d'une minorité déjà persécutée, » a déploré Gauri van Gulik, directeur adjoint du programme Europe et Asie centrale d'Amnesty International.

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 À lire: En 2014, la France a expulsé un bidonville rom tous les trois jours

Ce problème d'expulsion sans solution alternative de relogement est courant partout en Europe et particulièrement en France où la question des Roms revient régulièrement dans le débat public, pointant des failles dans les politiques des gouvernements successifs . En février, un rapport de la Ligue des Droits de l'Homme (LDH) et de l'European Roma Rights Center (ERRC) relevait qu'en France, en moyenne 260 Roms avaient été expulsés chaque semaine en 2014. Les associations notaient alors que des solutions — même provisoires — de relogement n'avaient été proposées que dans 43 pour cent des cas d'expulsions, ce qui est contraire à la législation européenne en matière d'évacuations forcées.

Dans un rapport sur la situation des Roms paru le 8 avril 2014, Amnesty International pointait du doigt l'Union européenne (UE), qui « hésite à remettre en cause ses États membres quant à la discrimination systémique et criante dont sont victimes les Roms », bien que des outils juridiques soient à sa disposition pour le faire. En février dernier le Conseil de l'Europe, dénonçait les entorses faites par la France aux droits de l'homme en matière de démantèlement des camps Roms, mais le rapport de l'institution n'a pas été assorti de mesures contraignantes.

À lire: Le Conseil de l'Europe épingle la France sur les droits de l'homme

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Le Conseil de l'Europe a lancé en 2006 un programme, baptisé « Dosta ! » (« Assez ! » en romani) pour lutter contre les stéréotypes sur les Roms, qui sont souvent responsables de la situation catastrophique actuelle qui est le quotidien de la plus grande minorité d'Europe. Contactée par VICE News, Amnesty International a expliqué avoir voulu cette année entreprendre une démarche similaire, en organisant ce samedi 11 avril à Paris une rencontre autour de Roms dont l'intégration dans la société française est une réussite.

Jacques Debot, ancien attaché parlementaire d'origine tsigane, qui rédige le blog Romstorie fera partie des personnes conviées par Amnesty International ce samedi prochain. Il explique à VICE News qu'à part quelques initiatives à l'échelle locale, il n'y a pas de « politique globale d'intégration de cette minorité en France, » surtout pour les Roms qui ont récemment immigré depuis les Balkans.

Il estime malgré tout que l'opinion publique est plus sensible à la situation des Roms que par le passé : « Les gouvernements successifs ont eu une telle dureté envers cette population qu'en définitive, ils ont sensibilisé les gens, y compris nous-mêmes, les Tziganes français, » explique l'ancien attaché parlementaire qui explique qu'à présent, on demande aux Roms de parler pour eux-mêmes, et non à un représentant de parler en leur nom.

C'est d'ailleurs une députée européenne d'origine rom, Soraya Post, qui a présenté fin mars un projet de résolution pour que le 2 août soit reconnu comme journée du génocide rom. Un vote sur cette proposition aura lieu à Strasbourg à la fin de ce mois.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho

Image via Amnesty International