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Etats-Unis

Péril en prévision au Yémen, après un accord sur la vente d'armes américaines à l'Arabie saoudite

Le Sénat américain a donné hier son feu vert pour la vente de 500 millions de dollars d'armes américaines à l'Arabie saoudite.

Le Sénat américain a donné hier son feu vert pour la vente de 500 millions de dollars d'armes américaines à l'Arabie saoudite. Les États-Unis s'apprêtent donc à réapprovisionner un arsenal déjà responsable de la grande majorité des 10 000 morts de civils yéménites en deux ans et demi de guerre.

Les sénateurs ont voté (à 53 contre 47) et donné le feu vert pour une partie du « deal » visant à vendre pour 110 milliards de dollars d'armes à l'Arabie saoudite. Cette vente a été négociée et promue pendant le premier voyage de Trump à l'étranger en mai dernier. Le résultat du vote montre le désaccord grandissant qui divise les législateurs américains. Le soutien américain assidu de la coalition saoudienne met certains législateurs de plus en plus mal à l'aise. En effet, ce sont les civils yéménites qui souffrent le plus de la guerre entre l'Arabie saoudite et les rebelles houthis.

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Ce mardi, des législateurs des deux côtés de l'hémicycle ont exprimé leur désarroi.

« Cet État barbare ne devrait pas recevoir nos armes, » a dit le Sénateur républicain Rand Paul dans l'hémicycle. « Je suis embarrassé par le fait que des gens soient en train de se faire de l'argent, alors que 17 millions de personnes meurent de faim. »

Le sénateur démocrate Chris Murphy, déjà très critique du rôle de l'Amérique au Yémen, s'est aussi exprimé à la suite du vote. « Les États-Unis n'ont pas à soutenir une guerre qui n'a servi qu'à enhardir nos ennemis terroristes, à aggraver une crise humanitaire, et à inciter les Yéménites à la peur et la colère envers les États-Unis, » a dit Murphy.

« Ça va revenir nous hanter. »

L'impunité saoudienne

La coalition saoudienne et les Houthis, soutenus par l'Iran, ont tous deux été accusés de graves violations des droits de l'homme. Et de plus en plus d'indices suggèrent que la coalition saoudienne dépend des armes et du soutien logistique des Américains, alors qu'elle mène des attaques sans discrimination, qui tuent donc des civils yéménites.

Human Rights Watch a recensé 23 armes américaines ayant contribué à 81 frappes aériennes « illégales ». Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme a dit que ces frappes étaient « la première cause de morts » au Yémen en 2016. Une frappe aérienne saoudienne sur trois a touché des infrastructures civiles et économiques cruciales comme des écoles et des marchés, selon un article du Guardian de 2016.

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La crise humanitaire au Yémen s'aggrave rapidement, et 18,8 millions de personnes ont un besoin urgent d'aide. Pendent ce temps, la relation de plus en plus confortable de Trump avec Riyad inquiète les défenseurs des droits de l'homme et les travailleurs humanitaires qui ont peur que la coalition continue sa guerre au Yémen en toute impunité.

« Si le message est "Vous pouvez avoir autant d'armes que vous voulez, qu'importe le nombre de lois internationales que vous enfreigniez," cela ne laisse présager rien de bon et suggère que la coalition saoudienne ne va pas stopper ses attaques illégales, ni mener une enquête crédible, ni prendre les mesures nécessaires pour limiter les morts de civils, ou encore faciliter l'entrée des humanitaires au plus vite et au mieux, » a dit Kristine Beckerle, une chercheuse sur le Yémen à Human Rights Watch.

Une opposition grandissante

Les démocrates avaient été beaucoup moins critiques concernant l'accord sur la vente de 1,15 milliard de dollars d'armes, validé en septembre dernier sous l'administration Obama. Seulement 27 sénateurs avaient voté contre la vente.

Chuck Schumer, le chef de la minorité au Sénat américain a voté ce mardi contre la vente d'armes. D'autres législateurs clefs comme le sénateur Ben Cardin et la sénatrice Dianne Feinstein ont fait de même alors qu'ils avaient tous deux voté en faveur de l'accord de septembre.

L'administration Obama avait des antécédents douteux concernant son soutien de cette « guerre par procuration » menée au Yémen. Mais elle avait tout de même décidé de réexaminer son soutien de l'Arabie saoudite après la mort de plus de 100 personnes, tuées lors d'un enterrement par une frappe aérienne de la coalition en octobre dernier. La décision des Américains avait poussé les Saoudiens à s'excuser, et à mener une enquête.

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« Les États-Unis aiment parler de la guerre au Yémen comme si ce n'était pas leur problème, » dit Beckerle. « Mais les États-Unis sont de la partie, de cette guerre. »

« Des soucis moraux »

Cette vente d'armes va sûrement encore enhardir la coalition saoudienne, alors qu'une épidémie de choléra frappe en ce moment le Yémen – 100 000 cas ont été recensés en moins de trois mois.

La destruction des infrastructures économiques du Yémen « achève silencieusement » le pays selon Scott Paul, le conseiller supérieur en stratégie humanitaire de la branche américaine d'Oxfam. La coalition saoudienne a asphyxié les points clefs d'accès au Yémen, comme la ville portuaire de Hodeïda située sur la côte ouest, dont dépendent 70 pour cent du commerce intérieur yéménite.

Selon Paul, le vote du Sénat américain de ce mardi était une occasion « particulièrement critique » pour les États-Unis de montrer qu'ils ne soutenaient pas de manière inconditionnelle les Saoudiens et leur coalition. Plus de 40 organismes humanitaires, dont Oxfam et le Center for Civilians in Conflict ont écrit une lettre aux sénateurs avant le vote en les exhortant à empêcher cette vente, et les mettant en garde contre un accord passé avec les Saoudiens, qui ne ferait qu' « aggraver une crise humanitaire déjà dramatique. »

« Alors que le président semble avoir solidifié une approche transactionnelle des relations internationales, » dit la lettre, « le Congrès doit s'assurer que les soucis moraux, particulièrement l'engagement de l'Amérique à défendre les droits de l'homme, restent une pièce maîtresse de la politique étrangère des États-Unis. »


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