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Crime

Pour attirer des recrues, un cartel mexicain s'est fait passer pour une boîte de sécurité privée

Ils distribuaient des tracts promettant une carrière avec des promotions rapides, des avantages sociaux et une prime de Noël au sein d'une entreprise de sécurité privée bidon, dirigée par un américain.
Photo par Agencia El Universal/AP Photo

L'un des principaux gangs criminels du Mexique aurait apparemment attiré de nouvelles recrues en distribuant des tracts leur promettant une carrière avec des promotions rapides, des avantages sociaux et une prime de Noël au sein d'une entreprise de sécurité privée bidon, dirigée par un américain.

Eduardo Almaguer, procureur général de l'État de Jalisco, à l'ouest du pays, a annoncé mercredi dernier que la police avait découvert la combine du cartel Jalisco New Generation lors de l'arrestation de 13 membres présumés du gang il y a une dizaine de jours.

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Selon Almaguer, le cartel aurait promis des emplois au sein de la société de sécurité Segmex. Le gang menait sa campagne de recrutement à Puerto Vallarta, une station balnéaire populaire sur la côte pacifique, et à Tlaquepaque, un quartier ouvrier dans la capitale de l'état Guadalajara.

« Ces criminels distribuaient des tracts dans la rue pour recruter du monde et les intégrer dans les rangs du crime organisé », a déclaré Almaguer lors d'une conférence de presse, en brandissant l'un des tracts utilisés par le gang pour recruter des gardes du corps pour la société Segmex.

Le tract précise que les candidats doivent savoir manier les armes à feu, connaître les bases de l'auto-défense, et faire preuve « d'initiative et d'une envie d'améliorer leur situation ». Il promet également un salaire initial hebdomadaire de 3 000 pesos (environ 150 euros) ainsi que des avantages sociaux. Les anciens militaires ou ex-officiers de police reçoivent, eux, un salaire plus élevé.

Une page Facebook au nom de la société — qui se vante d'être « un leader dans le secteur de la sécurité privée » — avait 36 likes lors de la publication de cet article, et n'avait pas été mise à jour depuis novembre 2015.

D'après Almaguer, les nouvelles recrues étaient emmenées dans un endroit isolé pour recevoir une formation d'une semaine aux armes à feu en s'entraînant avec des fusils à paintball. On les envoyait ensuite vendre de la drogue à Lagos de Moreno, une ville fortement touchée par la criminalité, dans les montagnes de Jalisco.

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Le recrutement aurait été dirigé par Johanna Mary Hernández, une citoyenne américaine de 28 ans qui vivait à Puerto Vallarta. Hernàndez fait partie des 13 personnes arrêtées par la police.

Parmi les nouvelles recrues : des travailleurs au noir qui gagnaient leur vie en lavant les pare-brise aux carrefours ou en surveillant les parkings. D'après les enquêteurs, certains d'entre eux auraient été "trompés" et ensuite "menacés" pour les forcer à travailler pour le compte du cartel.

Almaguer a expliqué que l'enquête a été lancée lorsque l'une des recrues (qui avait auparavant travaillé pour une entreprise de sécurité) a réalisé la supercherie. Il a demandé à partir mais s'est retrouvé pris en otage. Les suspects ont été arrêtés lorsque sa famille a signalé l'enlèvement à la police après avoir reçu une demande de rançon d'un million de pesos (50 300 euros).

Le cartel Jalisco New Generation — qui domine depuis cinq ans l'activité criminelle dans la région et qui a été lié au meurtre de cinq policiers au cours des dernières semaines — n'est pas le seul groupe criminel de l'État qui a des liens avec des entreprises de sécurité privée.

En 2013, le Trésor américain a imposé des sanctions à l'entreprise de sécurité Sistemas Elite, une société établie à Guadalajara, avec plus de 150 employés. Le gouvernement des États-Unis avait découvert que la société appartenait à Arnoldo Villa Sánchez, le présumé chef de la sécurité d'Héctor Beltrán Leyva, qui dirigeait à époque le cartel Beltrán Leyva.

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Un professionnel de la sécurité privée de Guadalajara, qui a préféré rester anonyme pour des raisons de sécurité, a dit à VICE News que les organisations criminelles se cachent régulièrement derrière les sociétés de sécurité privée.

Des policiers qui échouent aux tests

Le secteur est suffisamment réglementé, mais les autorités « n'ont pas la main-d'œuvre nécessaire pour appliquer cette réglementation. »

Les permis octroyés par les autorités de l'État et les autorités fédérales pour le port d'armes à feu par le personnel de sécurité sont fréquemment dupliqués et détournés, nous a-t-il expliqué. De nombreuses entreprises de sécurité opèrent d'ailleurs sans autorisation officielle.

Il a également ajouté qu'il n'était pas surpris d'apprendre que le cartel Jalisco New Generation cherchait à recruter d'anciens policiers.

« Les policiers qui sont virés parce qu'ils ont échoué aux examens finissent souvent par travailler pour les méchants », nous a-t-il dit. « Le problème c'est qu'il n'y a pas de suivi, personne ne sait où ils vont ni ce qu'ils font. S'ils ont travaillé pour la police pendant 10 ou 20 ans, ils ne savent pas quoi faire d'autre, alors quand ils sont congédiés, les criminels n'ont aucun mal à les récupérer. »

L'augmentation de la violence liée à la drogue au cours des dix dernières années a coïncidé avec une explosion du domaine de la sécurité privée. Selon le professionnel de la sécurité à qui nous avons parlé, il y a aujourd'hui plus de 100 sociétés de sécurité dans l'État de Jalisco.

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Pour lui, la situation au Mexique aujourd'hui est semblable à la situation au Brésil ou en Colombie, où les tentatives de démantèlement des gangs ont entraîné la formation de nombreuses cellules éparpillées.

« Ils capturent les chefs mais ils laissent tous les gars en dessous en liberté alors ils se rassemblent en petits groupes et ils commencent à commettre des crimes avec un fort impact comme le vol, l'extorsion et les enlèvements », explique-t-il. « Les entreprises de sécurité privée prolifèrent à cause de l'incapacité du gouvernement à assurer la sécurité des citoyens."

Mais si l'on en croit les accusations contre Segmex, dans l'Etat de Jalisco, les entreprises de sécurité privée ne sont pas les plus à même de garantir la sécurité du public.


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Cet article a d'abord été publié sur la version anglophone de VICE News

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