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Crime

Pourquoi le Mali est-il le pays le plus dangereux au monde pour les casques bleus ?

La mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali est la mission la plus touchée au monde par les attaques contre les casques bleus. 60 soldats de l'ONU ont été tués depuis le début de la mission en 2013.
Le logo des Nations unies sur l'uniforme d'un soldat allemand au camp Castor à Gao, le 5 avril 2016. (Photo de Michael Kappeler/EPA/Pool)

Le Mali est devenu le pays le plus dangereux au monde pour les casques bleus.

La MINUSMA (la Mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali) est désormais la mission de maintien de la paix la plus touchée par les assassinats de casques bleus. 60 soldats de l'ONU ont été tués depuis le début de la mission en 2013, d'après les chiffres des Nations unies.

Mardi dernier, un groupe affilié à Al Qaïda a envoyé des roquettes sur un camp de la MINUSMA situé dans la ville de Gao. Un casque bleu chinois a été tué et trois autres ont été grièvement blessés. AQMI (Al Qaïda au Maghreb Islamique), la branche locale de la nébuleuse terroriste, a revendiqué l'attaque précisant que le groupe Al Mourabitoune avait affronté « des forces d'occupation croisées, » d'après le SITE Intelligence Group.

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Le problème est que les casques bleus ne font pas vraiment du maintien de la paix au Mali. Des affrontements ont encore lieu et des nations occidentales menées par la France combattent activement des groupes armés divers et variés dans la région.

« On a envoyé des soldats spécialistes du maintien de la paix pour réaliser une mission qui n'a pas grand-chose à voir avec le maintien de la paix, » explique Andrew Lebovich, chercheur invité au European Council on Foreign Relations. « L'insurrection est encore active. »

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L'objectif des quelque 12 700 casques bleus de la MINUSMA est de stabiliser le pays pendant que les soldats français combattent les djihadistes qui ont pris la suite du soulèvement des Touaregs de 2012. Ils avaient déclaré un État indépendant dans le nord du Mali : l'Azawad.

Al Qaïda utilise ces attaques à la fois pour frapper les troupes françaises et internationales (même si les casques bleus ne combattent pas les djihadistes), mais aussi pour faire connaître sa présence dans la région et recruter des Maliens qui seraient tentés de rejoindre le djihad global, explique John Karlsrud, chercheur au Norwegian Institute of International Affairs.

« Avec la présence des casques bleus au Mali, n'importe quelle action [des terroristes] prend une ampleur internationale, » explique Karlsrud. « Il s'agit presque d'un outil de recrutement [pour les groupes djihadistes]. »

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Avant l'attaque de mardi, 5 casques bleus avaient été tués le week-end dernier près de Mopti. Le 19 mai, cinq soldats tchadiens avaient aussi perdu la vie dans une embuscade tendue par un autre groupe djihadiste de la région, Ansar Dine.

En 2014, après avoir réussi à briser l'avancé des djihadistes, les 3 000 soldats français — qui ne font pas partie de la MINUSMA — ont concentré leurs efforts sur l'endiguement de la rébellion au nord et sur l'éradication d'Al Qaïda et des autres groupes djihadistes qui mènent encore des attaques.

Malgré ces efforts, les djihadistes résistent. L'armée française est parvenue à faire fuir les extrémistes de Gao en 2013 par exemple. Pourtant, aujourd'hui les groupes djihadistes frappent toujours et semblent opérer de manière plus professionnelle, potentiellement avec des informateurs d'après Lebovich.

« Depuis environ un an et demi, il y a une escalade des attaques et aussi de la violence de celles-ci, » explique Lebovich. « Ils sont mieux coordonnés. Leurs stratégies sont plus étudiées aussi. Ils déclenchent leurs opérations de manière plus précise, apparemment grâce à de meilleurs renseignements sur les déplacements des forces françaises et onusiennes. »

Le Secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon a demandé au conseil de sécurité d'envoyer 2 500 soldats supplémentaires pour garnir les rangs de la MINUSMA, d'après Reuters. Le conseil doit renouveler la mission dans le pays à la fin du mois de juin.

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D'après Lebovich, la MINUSMA pourrait bien avoir besoin de meilleurs équipements, mais le plan de Ban Ki-moonne devrait pas changer grand-chose.

« Cela pourrait faire partie d'une mission de petite envergure d'anti-rébellion au Mali, » explique-t-il. Mais les missions de maintien de la paix des Nations unies ne sont pas prévues pour prendre parti et cibler un acteur spécifique du conflit. « Comment pouvez-vous avoir une mission de maintien de la paix qui est aussi chargée de conduire une mission de contre-insurrection ? »

Les forces rebelles comme le Mouvement national de Libération de l'Azawad ont pour le moment mis de côté leur volonté indépendantiste et s'opposent aux djihadistes qui cherchent toujours à renverser le gouvernement de Bamako, mené par le président Ibrahim Boubacar Keita.

Mais le gouvernement n'a pas réussi à fournir l'autonomie ou les fonds nécessaires aux communautés du nord pour qu'elles relancent l'économie, indique Lebovich. Plusieurs milliers de troupes ne vont pas changer grand-chose à cette frustration des populations du nord.

« Tout le monde pense que la situation doit changer, » dit-il. « Il y a des gens qui pensent que le seul moyen d'obtenir quelque chose de la part de l'État malien, c'est de prendre les armes. Cela présage de rien de bon pour le Mali. J'espère vraiment me tromper. »


Suivez John Dyer sur Twitter : @johnjdyerjr

Cet article a d'abord été publié sur la version anglophone de VICE News