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Boko Haram

Première attaque de Boko Haram au Tchad

Après avoir mené des attaques au Cameroun et au Niger, les islamistes de Boko Haram continuent de pousser les combats hors des frontières nigérianes en attaquant le village de Ngouboua dans le Tchad voisin.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Flickr / Roland

Le village tchadien de Ngouboua a été attaqué par le groupe islamiste de Boko Haram dans la nuit de jeudi à vendredi 13 février faisant au moins 5 morts dont un chef de village et un gendarme, d'après l'état-major tchadien. Il s'agit de la première incursion des islamistes nigérians au Tchad dont l'armée est engagée depuis plusieurs semaines, aux côtés du Niger, du Bénin, du Cameroun et du Nigeria dans la lutte régionale contre Boko Haram — une force constituée de 8 700 hommes.

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Vers 3 h 00 du matin ce vendredi, une trentaine d'assaillants de Boko Haram ont attaqué Ngouboua, situé une rive du lac Tchad asséché, à 18 kilomètres de la frontière nigériane. Les islamistes sont arrivés à bord de trois pirogues à moteur selon un habitant du village interrogé par Reuters. RFI révèle que l'armée tchadienne a rapidement réagi permettant de couler les trois bateaux de Boko Haram qui avaient pris la fuite. Le bilan des pertes du côté de Boko Haram est inconnu pour le moment.

Après les attaques perpétrées par Boko Haram à Fotokol au Cameroun mercredi 4 février, à Bosso et Diffa au Niger quelques jours plus tard, ce mercredi 11 février, Boko Haram a tué un soldat tchadien et dans la ville nigériane de Gamboru, que les forces armées tchadiennes occupent. L'armée nigérienne, autorisée depuis le lundi 9 février à intervenir au Nigeria tout comme le Tchad, a annoncé avoir tué 260 islamistes de Boko Haram en une semaine, alors que la ville frontalière de Diffa continue de se vider de ses habitants face à la menace du groupe.

En attaquant Ngouboua, la secte islamiste a donc tenté une incursion dans un autre pays frontalier de l'État du Nord-Est nigérian du Borno où elle s'est établie.

Ngouboua, qui fait face à la ville nigériane de Baga, s'est transformé ces dernières semaines en un camp de réfugiés de fortune pour les Nigérians qui fuient Boko Haram. Près de 7000 personnes sont arrivées dans ce village situé sur un lambeau de terre du lac Tchad. Massoumeh Farman-Farmaian travaille pour le Haut-Commissariat aux réfugiés des Nations Unies (HCR) à N'Djamena, la capitale tchadienne. Contactée ce vendredi par VICE News, elle nous explique que « Il n'y a pas de camp géré par le HCR à Ngouboua, mais il y a toujours des réfugiés sur place. Sur demande du gouvernement tchadien, le HCR transfère depuis le 23 janvier ces réfugiés sur le site de Baga-Sola, situé un peu plus à l'est sur le lac, » un transfert motivé pour des raisons de sécurité.

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Une personne, qui souhaite garder l'anonymat, qui vit et qui est restée à Diffa, alors que Boko Haram menace la ville à coups de bombes et de roquettes, connaît bien la région de Ngouboua qu'elle nous a décrit par téléphone aujourd'hui.

« Ngouboua est un carrefour très important pour toute cette région. Des gens de partout — des Tchadiens, des Nigériens, des Camerounais et forcément des Nigérians — convergent vers le grand marché du village. On y vend de tout, mais surtout du poisson. La pêche est la seule activité rentable de la zone et parfois le seul moyen de se nourrir. »

Première attaque au Tchad

Cette attaque sur le sol tchadien, la première depuis que N'Djamena (capitale du Tchad) a déployé le 16 janvier des troupes au Cameroun et au Niger, survient deux jours après l'assaut de Boko Haram sur les forces tchadiennes basées dans la ville nigériane de Gamboru. À 4 h 00 du matin mercredi 11 février, « 14 pick-up et deux véhicules armés sont arrivés, on les a fait battre en retraite. Un hélicoptère les a ensuite poursuivis et neutralisés, » explique à l'AFP une source militaire tchadienne. Avec les attaques perpétrées par le groupe islamiste au Niger et au Cameroun — toujours à proximité du lac Tchad — Boko Haram systématise ses attaques hors du territoire nigérian.

L'armée nigérienne annonçait mercredi avoir éliminé 260 combattants de Boko Haram depuis le début de leur action transfrontalière, rendue possible depuis lundi dernier et un vote du Parlement. Le Président nigérien, Mahamadou Issoufou, a déclaré ce mercredi dans une allocution à la radio nationale, « Le peuple [nigérien] doit soutenir les forces de défense et de sécurité, notamment par le renseignement, » conscient que le combat contre Boko Haram se jouait autant à l'intérieur qu'à l'extérieur du Nigeria.

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Diffa menacée de l'intérieur

La source de VICE News présente à Diffa nous raconte ce vendredi midi qu'« Il y a une petite accalmie. Hier [jeudi] il n'y a pas eu d'attaques mais beaucoup de perquisitions et d'arrestations de cerveaux nigériens de Boko Haram présents à Diffa. Les forces de police circulaient dans la ville avec un Coran pour demander aux gens de dénoncer des Boko Haram. Les gens ont peur du Coran, cela permet de leur faire avouer certaines choses. C'est un moyen pour lutter contre l'infiltration de la secte islamiste dans la population locale, » nous dit-elle.

Le commanditaire présumé des attaques de Diffa perpétrées la semaine dernière par Boko Haram, Kaka Bounou, a été arrêté ce jeudi par la police à Diffa. Notre contact sur place nous dit qu'il est bien connu à Diffa : « Bounou est un commerçant d'une quarantaine d'années, connu dans tout le village. Tout le monde sait qu'il appartient à Boko Haram. »

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray

Image vie Flickr / Roland