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Mali

Première attaque terroriste dans l’extrême-sud du Mali

Un groupe d’hommes armés a attaqué, ce mercredi, la ville de Misséni (à la frontière avec la Côte d’Ivoire) tuant un gendarme et blessant grièvement deux militaires. Il s’agit de la première attaque terroriste dans cette région jusqu’ici épargnée.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Flickr / Magharebia

Un gendarme malien a été tué, et au moins deux militaires ont été blessés, par ce que des locaux ont présenté comme un groupe djihadiste d'une trentaine d'individus dans la localité de Misséni, située dans l'extrême sud du pays — à une vingtaine de kilomètres de la Côte d'Ivoire voisine. Il s'agit de la première attaque terroriste présumée dans l'extrême-sud du pays — les groupes rebelles ou djihadistes sévissant habituellement dans le nord du Mali, et dans le centre depuis le début de l'année 2015.

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« Le but de ces attaques pour les mouvements djihadistes est de montrer leur présence et faire parler d'eux, » explique Pierre Boilley, le directeur de l'Institut des mondes africains (IMAF), contacté par VICE News, ce jeudi après-midi. « Il s'agit de communication, ils veulent montrer qu'ils sont capables de frapper n'importe où, au Nord comme au Sud. »

La trentaine de djihadistes est arrivée dans la petite ville endormie de Misséni (40 000 habitants) aux alentours de 2h00 du matin, dans la nuit de mardi à mercredi. Selon le journal local, Le Républicain, l'attaque s'est déroulée en deux temps et a duré environ 3 heures.

Les assaillants s'en sont pris d'abord au poste de gendarmerie local, faisant un mort, l'adjudant-chef Bassiaka Koné. Après avoir mis le feu à la caserne, ils se sont ensuite dirigés vers le petit camp militaire de la ville. Courts en munitions, les soldats ont rapidement rendu les armes et se sont échappés. Les djihadistes ont brûlé deux véhicules militaires et ont planté leur drapeau noir sur le toit du camp.

Une source sécuritaire a confié à Reuters que les hommes étaient arrivés à moto, armés de kalachnikovs, en criant « Allah Ouakbar » (Dieu est le plus grand). Selon cette source, les assaillants pourraient venir de Côte d'Ivoire, précisant qu'ils avaient « fait une partie du trajet en voiture, puis le reste à moto et à pied ». Les assaillants ont réussi à fuir sur les coups de 5 heures du matin. En milieu de journée, la situation était calme et des renforts venus de Sikasso (la capitale de la région) avaient été déployés.

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Selon un témoin, habitant de Misséni, cité par l'AFP, la trentaine d'hommes armés aurait laissé derrière eux un Coran et un papier sur lequel serait écrit « Ansar Dine » — le nom d'un groupe terroriste touareg, basé à Kidal au Mali, sévissant dans le nord du Mali et dirigé par Iyad Ag Ghali (dont un des collaborateurs a été tué par l'armée française fin mai). De son côté, le journal local Le Républicain note que le papier laissé par les djihadistes porterait l'inscription « Ansardine Sud » — révélant, selon le quotidien, la possible existence d'une faction sudiste d'Ansar Dine, déjà basé dans le nord du pays.

Pour Pierre Boilley, la piste d'Ansar Dine n'est pas la seule à suivre. « Pour le moment personne ne sait qui ça peut être, d'autant que l'attaque n'a pas été revendiquée, » tempère le spécialiste. Suite à des échanges téléphoniques entre le chercheur et ses contacts maliens, il semblerait que « Les assaillants n'étaient pas « rouges", un mot qui désigne les Blancs au Mali. Or, la majorité des membres d'Ansar Dine est plutôt d'origine touarègue [NDLR, plutôt « rouges »]. Des groupes comme le Mujao ou Boko Haram pourraient être alors à l'origine de l'attaque, » explique le directeur de l'IMAF.

Le Mujao est une organisation djihadiste, fondée en 2011, qui a occupé le nord du Mali en 2012 (dont la ville de Gao). Comme Ansar Dine et AQMI, le Mujao sévissait dans le nord du Mali et s'était spécialisé dans le trafic de cocaïne et de haschisch.

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À lire : Qui sont les Mujao, les terroristes qui revendiquent l'attaque d'un véhicule de la Croix Rouge dans le Nord Mali ?

La présence de ces factions terroristes au Mali avait contraint la France de s'impliquer et de lancer l'opération « Serval » en janvier 2013 pour déloger les groupes djihadistes de la zone. Depuis août 2014, Serval a été remplacé par l'opération française Barkhane et s'est étendue à toute une partie de la région sahélienne (en Mauritanie, au Mali, au Niger, au Tchad et au Burkina-Faso).

Cette année 2015 a été marquée par un glissement vers le sud des actions terroristes au Mali, ou du moins par un élargissement de la zone dans laquelle des violences sont perpétrées par les groupes rebelles. Pierre Boilley rappelle que « Les groupes djihadistes ne sont pas encore délogés au Nord et continuent d'y perpétrer des attaques. »

Début janvier, une base militaire située au centre du Mali avait été attaquée par un groupe d'assaillants, faisant 8 morts du côté des FAMa (Forces Armées du Mali, l'armée régulière malienne). L'attaque avait été revendiquée par le groupe djihadiste AQMI. Il s'agissait de la première attaque au sud de la ville de Tombouctou — frontière informelle du territoire dit du « Nord-Mali ».

En mars, le groupe islamiste Al-Mourabitoune, qui sévit en Algérie et au Mali, avait revendiqué l'attaque d'un restaurant de Bamako, la capitale malienne, située au sud ouest du pays. L'attaque du restaurant La Terrasse par le groupe dirigé par l'Algérien Mokhtar Belmokhtar, avait fait 5 morts — trois Maliens, un Français, et un Belge.

En avril, l'ONG Human Rights Watch (HRW) publiait un rapport, dans lequel elle s'inquiétait de la progression de groupes armés dans le centre du Mali. HRW révélait l'apparition d'un « nouveau groupe armé islamique qui a lancé une vague d'attaques contre des civils dans le centre du Mali, » une organisation qui se fait appeler « La Force de libération du Macina ». Le Macina désigne notamment la région centrale du Mali. Selon plusieurs experts et médias locaux, Iyad Ag Ghali, le chef d'Ansar Dine, pourrait être derrière ce nouveau groupe.

À lire : Le centre du Mali craint l'émergence d'un nouveau groupe armé : « La Force de libération du Macina »

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray

Image via Flickr / Magharebia