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VICE News

Que risque l’auteur d’une fausse alerte terroriste ?

Trois adolescents ont été arrêtés dans le cadre de l’enquête sur la fausse alerte à la prise d’otages de samedi dernier à Paris.

Ce canular peut leur coûter cher. Croyant à une prise d'otages, après plusieurs appels téléphoniques, les autorités françaises ont bouclé ce samedi le quartier de Châtelet, dans le centre de Paris. Au même moment, des équipes des forces d'intervention pénétraient dans l'église de Saint-Leu, avant de découvrir qu'il ne s'agissait que d'une mauvaise blague.

Le principal suspect — un adolescent de 16 ans — a été arrêté lundi dernier. Il est soupçonné d'avoir déclenché cette fausse alerte d'attentat , qui a mobilisé un hélicoptère, de très nombreux policiers et militaires. En fin de journée, le ministère de l'Intérieur a annoncé que l'État allait se porter partie civile pour « obtenir réparation ». Ce mardi, deux autres mineurs ont été interpellés dans le cadre de l'enquête, selon Le Monde.

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En France, il s'agit de la première fois qu'un canular reçoit une telle couverture médiatique, même si d'autres cas ont eu lieu. Ce mois-ci, des lycées à Nancy et à Bordeaux en ont été victimes. En février dernier, de nombreuses alertes à la bombe du même type avaient été recensées dans le monde.

À lire aussi : Fausses alertes à la bombe dans les lycées : des infographies pour comprendre où en est l'enquête

Que risquent le ou les auteurs du canular de samedi ?

Après l'intervention dans l'église parisienne, le Parquet de la ville a ouvert une enquête pour dénonciation de crime imaginaire et pour fausse alerte. « En ce qui concerne la fausse alerte, les auteurs risquent jusqu'à deux ans de prison et 30 000 euros d'amendes », nous explique Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris. « En plus, s'ajoute une peine de 6 mois de prison pour dénonciation de crime imaginaire. »

Pour cet avocat spécialiste des questions d'apologie du terrorisme et de droit numérique, si les auteurs du canular ont plus de 15 ans, ils pourront cependant être jugés comme des personnes majeures devant la loi.

« D'autant plus que la justice va sûrement faire de ce procès une affaire de principe, » poursuit l'avocat. « Et les tribunaux sont assez sévères avec ce genre de procès, en ces temps d'état d'urgence. »

« Mais il y a aussi la partie civile », rappelle maître Vallat. Car le ministère de l'Intérieur a annoncé que l'État français se portera partie civile, réclamant des dommages et intérêts pour rembourser l'intervention dans l'église de Saint-Leu. « Il y a eu déploiement important des autorités. Avec le RAID, l'armée, des dizaines et dizaines de policiers », indique l'avocat. « La demande de dédommagement de l'État peut facilement monter à une dizaine de milliers d'euros. » Cela en plus des 30 000 euros d'amendes pour fausse alerte.

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« La moyenne demandée va de 7 500 à 10 000 euros, comme dans le cas du canular dans l'hôtel de Malakoff [Hauts-de-Seine] », indique Me Vallat. En mars 2015, le tribunal correctionnel de Nanterre a condamné un homme de 21 ans à payer 1 000 euros de dommages et intérêts à la brigade des sapeurs-pompiers de Paris et près de 7 900 euros à la chaîne B&B Hôtels, en plus d'une peine d'un an de prison ferme, suite à un « swatting » du même ordre que celui de l'église Saint-Leu.

Mais, selon les moyens déployés par les forces de l'ordre, le coût d'une intervention peut dépasser les 50 000 euros. Après avoir provoqué la panique dans l'aéroport de Genève le 26 juillet dernier avec une fausse alerte, une Française de 41 ans a été condamnée à une peine de six mois de prison, dont trois fermes, et la police genevoise lui a adressé une facture de 90 000 francs [environ 82 000 euros] pour l'intervention, a rapporté le Matin.

Le swatting : un phénomène né aux USA

« Dans le cas de Paris, la somme serait réglée par les parents, [s'il] s'agit de mineurs », a indiqué Me Vallat.

Le principal suspect, utilisait le pseudo de Tyler Swatting, selon le Monde. Lui et un ami, connu sous le pseudonyme de Zakhaev Yamaha, ont revendiqué la fausse alerte de samedi sur les réseaux sociaux. Dans une interview à l'Obs, ils ont déclaré avoir fait ce swatting pour « rechercher le buzz ».

Le swatting est une pratique qui s'est répandue dans le milieu gamer des États-Unis. Elle consiste à envoyer une fausse alerte aux forces d'intervention (le SWAT), qui entrent alors chez quelqu'un ou dans un lieu public ,sans qu'il y ait une menace quelconque.

« Dans le cas des adolescents, ils le font pour le buzz, normalement », nous a expliqué l'avocat Thierry Vallat. « Mais il y a deux autres cas de figure : dans le cas d'une sorte de pathologie, où l'individu veut déclencher absolument les forces d'intervention ou pour dévier leur attention ; ou alors pour se venger, comme dans le cas des gamers ».

Dans ce dernier cas de figure, les parties de jeux vidéo étant souvent filmées, on peut parfois voir en direct l'arrivée des forces d'intervention pendant la partie.

Pour Me Vallat, « il n'est pas impossible » qu'il y ait d'autres fausses alertes dans le modèle de l'église de Saint-Leu, à Paris, « parce que n'importe qui peut le faire. Le logiciel [NDLR, pour masquer l'identifiant du téléphone] est très simple à trouver et à mettre en pratique », explique-t-il. « Mais justement pour l'empêcher, les condamnations seront très fortes, comme un message de pédagogie. »

Suivez Henrique Valadares sur Twitter : @HenriqValadares