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Burkina Faso

Qui a placé Isaac Zida à la tête du Burkina Faso ?

Cet homme de l’ombre, numéro 2 de la garde prétorienne de l’ex président a habilement pris la tête du gouvernement de transition au Burkina Faso juste après la chute de Blaise Compaoré.
Photo via Flickr / The Speaker News

On sait peu de choses sur le lieutenant-colonel Yacouba Isaac Zida, militaire jusqu'ici discret du Burkina Faso. Il a déclaré être officiellement devenu, samedi 31 octobre à 2h15 du matin, le chef de la transition gouvernementale d'un pays qui a poussé son ancien président, Blaise Compaoré, à fuir à la fin de la semaine dernière.

L'agence AFP décrit Zida comme un « solide gaillard à la fine moustache et aux lunettes sans montures ». C'est un proche de Gilbert Diendéré, l'ex-chef d'état-major personnel de l'ex-président Blaise Compaoré.

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Toujours d'après l'AFP, le lieutenant-colonel Zida a étudié à Lyon en France, il a 49 ans, marié et père des trois enfants. Militaire de carrière, il est intervenu au Congo en tant que casque bleu, et a reçu des formations aux États-Unis, au Maroc et au Cameroun. Apparemment apprécié de ses hommes, il est l'un des seuls gradés du Régiment présidentiel, une force surarmée et fidèle à Compaoré, à avoir été épargné par les soldats mutins de la rébellion de 2011.

Yacouba Isaac Zida est un proche du général Gilbert Diendéré, l'ex-chef d'état-major personnel de Blaise Compaoré. VICE News a contacté Diendéré, celui que le journal Jeune Afrique désignait comme « un soldat qui sait tout, mais qui ne dira rien ».

« Blaise Compaoré n'y est pour rien dans le choix d'Isaac Zida comme président de la transition, c'est un choix du peuple, qui a été suivi par l'armée. Je connais bien [Isaac Zida], nous venons de la même région et nous avons travaillé ensemble. Je pense qu'il va rétablir la Constitution. Il est là uniquement pour que la transition se passe au mieux, et je crois qu'il va organiser les élections. »

Gilbert Diendéré ajoute que le colonel Zida « n'a pas de préférence politique, c'est un militaire de carrière. » D'après l'éminence grise de l'ex-président Compaoré, Zida a invité à la fois les membres de l'opposition et de la majorité présidentielle à dialoguer au siège du Conseil économique et social, qui se trouve dans le centre-ville.

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« Tout le monde attend un consensus », poursuit-il. « Actuellement, il n'y a pas de gouvernement, pas d'assemblée, c'est à cela que l'on s'attelle. Je pense que cela va être discuté avec l'opposition, mais on peut raisonnablement s'attendre à ce que douze mois suffisent pour organiser des élections. »

VICE News a contacté Cyriaque Paré, journaliste et fondateur du site d'information lefaso.net. Pour le journaliste burkinabè, la raison de l'écartement du général Traoré est simple.

« Je crois que c'est l'argument de la force qui a placé Zida au pouvoir plutôt que le général Traoré. Zida détient l'essentiel des armes, le Régiment présidentiel est supérieur [au reste de l'armée] en termes de rapport de force. C'est une question de réalisme pour les autres militaires, le Régiment de la garde présidentielle est particulièrement puissant. Il compterait environ un millier d'hommes bien armés. »

Paré ajoute que, s'il ne fait plus aucun doute que Zida fait figure d'autorité consensuelle chez les militaires, la population se méfie de cet ancien membre de la garde rapprochée de Compaoré. « Beaucoup de gens réclament un civil à la tête de la transition. Les gens n'ont pas confiance en lui, ils pensent qu'il est dans la continuité du régime en place. »

Cependant, le journaliste reste prudent par rapport aux liens établis entre l'ex-président de la république et l'actuel président de la transition: « Rien n'est certain à ce niveau, mais il n'est pas exclu que Zida ait pesé d'une manière ou d'une autre dans le départ de Blaise Compaoré. Zida pourrait plus ou moins avoir contraint le président à la démission ; même si on n'en a pas la certitude. »

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Il poursuit : « Je pense que Zida et les militaires sont sincères quand ils disent qu'ils ne sont pas intéressés par le pouvoir. Ils sont soucieux du fait qu'il y ait une transition courte. Le colonel Denise Auguste Barry a d'ailleurs déclaré que les militaires n'étaient pas intéressés par le pouvoir. Mais on est plus ou moins obligés de leur faire confiance dans cette situation. »

Vendredi, le général et chef d'état-major des armées Nabéré Honoré Traoré revendiquait la présidence de la transition après la chute du président Compaoré. Samedi il reconnaissait dans un communiqué que le lieutenant-colonel Zida a été retenu par les militaires « à l'unanimité pour conduire la période de transition ».

La radio locale Radio Omega de Ouagadougou a suivi de près et en direct tous les événements de ce week-end au Burkina Faso. Son directeur général Jean-Paul Badoum a indiqué à VICE News que la hiérarchie militaire ne prédisposait a priori pas Zida à accéder au pouvoir.

« Le colonel n'était pas connu jusqu'à présent parce qu'il travaillait dans l'ombre de son patron, Bouréima Kéré [numéro un du Régiment de sûreté présidentiel]. Tout le monde se perd en conjectures quant à savoir pourquoi est-ce que le premier responsable de la sécurité n'a pas récupéré la présidence de la transition plutôt que son adjoint. »

Jean-Paul Badoum évoque une piste. « Il se trouve que Gilbert Diendéré, est du même village que le lieutenant Zida. Diendéré est trop proche de Compaoré, la situation aurait empiré s'il l'avait remplacé directement. »

Un correspondant AFP, relève des condamnations internationales contre la prise de pouvoir du colonel Zida et la suspension de la Constitution. Les États-Unis ont notamment dénoncé une « tentative de l'armée burkinabè d'imposer sa volonté au peuple du Burkina Faso ». La médiation internationale, composée de l'ONU, de l'Union africaine ainsi que de l'Organisation régionale de l'Afrique de l'Ouest a évoqué la menace de sanctions.

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Photo via Flickr