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Mali

Qui sont les Mujao, les terroristes qui revendiquent l’attaque d’un véhicule de la Croix Rouge dans le Nord Mali ?

Le camion du Comité international de la Croix Rouge a été attaqué lundi, entre Gao et la frontière du Niger. Le conducteur a été tué et un humanitaire blessé lors de cette attaque.
Image par CC BY-NC-ND / CICR / V. Mbaoh

La route qui relie la ville de Gao, dans le Nord-Est du Mali, à Niamey, la capitale du Niger, a été le théâtre, lundi, vers 11 heures du matin, de l'attaque d'un camion du Comité international de la Croix Rouge (CICR). Le Mouvement pour l'unicité du djihad en Afrique de l'Ouest, le Mujao, a revendiqué auprès de l'AFP l'assaut qui a causé la mort du conducteur du camion, un Malien de 38 ans, et a blessé un autre travailleur de la Croix Rouge de 37 ans, lui aussi Malien, selon Claire Kaplan, une responsable du CICR jointe par VICE News ce mardi matin.

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Le camion, qui aurait été incendié, était « clairement marqué de l'emblème du CICR », nous a également dit à aujourd'hui Valery Mbaoh Nana, un responsable du CICR au Mali. Le véhicule a été attaqué à quelques dizaines de kilomètres au sud de Gao, alors qu'il allait chercher du matériel hospitalier à Niamey, au Niger, afin de le ramener à l'hôpital de Gao, qui « fonctionne depuis 2012 grâce au soutien logistique et humain du CICR », précise M. Mbaoh Nana.

Shocked by attacks on our — Peter Maurer (@PMaurerICRC)March 30, 2015

La réaction du président du CICR

« Nous avons eu ce qu'on voulait avec l'attaque », affirme le Mujao

« On peut difficilement imaginer que cette attaque n'aura pas de conséquence pour la population qui bénéficie de soins gratuits à l'hôpital de Gao, poursuit M. Mbaoh Nana, qui ajoute que « le CICR a décidé de suspendre tous ses déplacements dans la région jusqu'à nouvel ordre. »

Le Mujao, par la voix d'un de ses porte-parole, Abou Walid Sahraoui, a revendiqué l'attaque. Il a déclaré à l'AFP que « Nous avons eu ce qu'on voulait avec l'attaque » et ajouté : « Avec l'aide de la main d'Allah, nous avons tué à côté de Gao, en terre musulmane, un chauffeur qui travaillait pour l'ennemi. » L'enquête n'a jusqu'ici pas confirmé l'implication du Mujao dans l'attaque.

Fondée en 2011, cette organisation djihadiste a occupé le nord du Mali en 2012 (dont la ville de Gao). Leur occupation ainsi que celle d'autres groupes djihadistes dans la région menaçait alors de s'étendre vers le Sud du pays, ce qui a déclenché la riposte militaire française, baptisée opération Serval. En août 2014, l'opération Serval a été remplacée par l'opération Barkhane, dont le but n'est plus de chasser les groupes djihadistes du Nord Mali, mais de lutter contre ces groupes dans toute la région du Sahel afin de leur opposer un verrou défensif. La sécurité du Nord Mali est également assurée par la Minusma, l'opération de maintien de la paix des Nations Unies.

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À lire : Mali : première attaque terroriste au sud de Tombouctou depuis l'arrivée des forces françaises

Les groupes jihadistes « reprennent des forces »

Alain Antil, est chercheur à l'Institut français des relations international et spécialiste de la zone. Il explique à VICE News que dans cette zone : « Le Mujao, comme les autres groupes jihadistes, Aqmi et Ansar Dine, ont été vaincus militairement en 2013 par l'opération Serval et ont été repoussés à l'écart des villes. »

Mais la situation n'est pas restée figée depuis 2012. « Les groupes n'ont bien sûr pas été entièrement neutralisés. Les informations qui remontent actuellement du terrain, indiquent même qu'ils reprennent des forces. Ces groupes ne sont pas en état de contrôler des territoires ou des villes, comme en 2012, mais ils peuvent commettre des attentats. »

« L'opération Barkhane et la Minusma, ça représente 10 000 hommes pour un territoire plus grand que la France métropolitaine, » dit-il. « Même sur un axe aussi important que Gao-Niamey, on peut constater la fragilité du dispositif. »

Valery Mbaoh Nana nous explique que le CICR a « conscience que la menace est là », même s'il précise que le CICR n'a reçu aucune menace avant l'attaque. « Nous ne communiquons pas avec ce groupe,» explique-t-il. « Même si nous prévenons des acteurs influents de la région de nos actions pour que toutes les forces en présence sachent que la Croix Rouge est sur le terrain. »

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M. Mbaoh Nana fait part de son « incompréhension » quant aux raisons de l'attaque.

« Nous sommes présents ici depuis longtemps et de façon régulière. Même en 2012. Nous étions l'une des seules organisations humanitaires encore présentes. »

Guerre de territoires et narcotrafic au Nord Mali

Le Nord Mali est une zone de conflits aux origines multiples. Le gouvernement malien, ne disposant pas de forces armées suffisantes, soutient des milices pro-gouvernementales, face à des mouvements sécessionnistes touaregs et arabes qui revendiquent le Nord du pays. Alain Antil explique qu'en l'absence d'accord entre ces deux camps, « La sécurité ne peut pas être aisément assurée, ce qui laisse le champ libre au djihadisme et au banditisme. »

Le trafic de drogue est une autre composante du conflit détaille le chercheur

« Avant l'intervention militaire française, le Mujao était le groupe jihadiste le plus impliqué dans le trafic de cocaïne et de haschich. Quand il contrôlait la ville de Gao, un quartier de la ville était même appelé « Cocaïne bougou », ce qui veut dire « quartier cocaïne ». Aujourd'hui, on constate que des milices pro-gouvernementales et des milices sécessionnistes s'affrontent pour s'assurer le contrôle des points de passage de drogue. »

Suivez Matthieu Jublin sur Twitter @MatthieuJublin

Image via CICR  : CC BY-NC-ND / CICR / V. Mbaoh