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On croit en toi

Catholicisme : « Une petite diète de temps en temps, ça ne fait pas de mal »

Pour l'amour de Dieu.
Photo : Eric Cabanis / AFP

C’est un des paradoxes dont la France a le secret : alors que les catholiques pratiquants n’ont jamais été si peu nombreux (à peine 5 % de la population se rend régulièrement à la messe), ils n’en sont que plus zélés. Ainsi, la tradition du carême, tombée en désuétude ces dernières années, connaît un regain d’intérêt, notamment auprès des plus jeunes.

Pour preuve, le site retraitedanslaville.com, qui propose chaque jour des conseils, des prières et des témoignages vidéos, pour accompagner les catholiques dans ces quarante jours de carême, est en plein essor et a passé le cap des 150 000 membres cette année. Nous, on a voulu comprendre ce qui poussait des jeunes à se priver des plaisirs de la vie pendant quarante (longues) journées, pour l'amour du catholicisme.

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Briac de Miolis, 20 ans, étudiant en école de commerce, Paris

« Petit, je voyais le carême comme une privation. Il fallait faire des efforts, manger moins de chocolat, prendre sur soi, être patient… J’y étais assez réticent. Mais depuis trois ans, je le fais vraiment. À l’époque, j’étais en prépa et c’était une période difficile. Je travaillais énormément, il n’y avait quasiment que ça dans ma vie ! Je me suis rendu compte que j’étais en train de m’éloigner de ma foi, qu’elle faisait de moins en moins partie de mon quotidien. J’ai vu le carême comme un moyen de me rapprocher de Dieu et le remettre à sa juste place : au centre de ma vie.

Aujourd’hui, je suis en école de commerce. La vie est festive : je sors souvent, je rentre tard, je suis fatigué le lendemain… C’est une mauvaise habitude, alors j’essaie de moins faire la fête pendant le carême. C’est une forme de jeûne ! Je me l’impose pour apprendre à me détacher de toutes ces choses qui m’éloignent du seigneur. Du coup, j’ai plus de temps pour aller à l’église : en plus de la messe du dimanche (ou je me rends chaque semaine), j’essaie de dégager une heure par jour pour adorer le seigneur. Et je m’astreins à prier quotidiennement. Ça n’est pas un fardeau : c’est une joie. Bien sûr, cela m’oblige à mettre de côté certaines activités mais c’est une bonne chose car les plaisirs comme la fête, ou l’alcool, éloignent de la foi.

Je suis président d’aumônerie au sein de l’association des catholiques de mon école. J’organise aussi des repas toutes les semaines : pendant le carême, nous partageons un simple bol de riz. À terme, j’espère pouvoir instaurer un carême à l’école. J’ai déjà réussi à organiser des prières collectives. En ce moment, nous prions pour l’Agro Paris Tech. Et l’Agro Paris Tech prie pour nous. »

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Hugo D., 17 ans, élève de Terminale ES, Toulon

« Parmi mes amis, les seuls religieux pratiquants sont musulmans. Et la plupart font le ramadan. Alors que je ne connais personne qui fasse le carême ! Mais je ne juge personne. C’est leur choix, et je le respecte. D’ailleurs, c’est des efforts que j’essaie de faire pendant le carême : respecter les autres. Dans ma famille, seule ma mère est pratiquante. Quand j’étais petit, on allait à la messe tous les deux, le dimanche. J’étais inscrit au catéchisme, que j’ai suivi avec assiduité jusqu’à ma première communion. Et puis en grandissant, tout cela s’est un peu perdu. D’autant que mon père, mes frères et ma sœur sont athées.

Le carême n’a jamais été une obligation familiale. Ma mère l’a toujours fait seule. Depuis deux ans, j’ai décidé de l’accompagner durant ce mois. Comme je ne vais plus à l’église chaque dimanche, c’est aussi une manière pour moi de me donner bonne conscience… Et d’un point de vue nutritionnel, une petite diète n’a jamais fait de mal. C’est même bénéfique pour le corps. C’est pour ça que je me prive de viande tout au long du carême. En revanche, je ne m’impose pas de limite sur le chocolat et les bonbons…

J’ai un rapport simple à la religion : je me sens libre de choisir ce dont je me prive ou pas. D’ailleurs, si je décidais de tout lâcher demain, je ne me sentirai pas coupable. Je me considère comme un pratiquant libre. La meilleure manière selon moi de vivre sa foi, c’est de ne rien s’imposer. »

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Sandra Waheo, 25 ans, assistante maternelle, Limoges

« Ma famille est athée. Moi, j’ai découvert la religion un peu par accident. Je suis tombée enceinte à l’âge de 16 ans. À la naissance de ma petite fille, Lydia, le papa est parti et je me suis retrouvée seule. Mes parents, qui ont peu de moyens, ne pouvaient pas m’aider. Alors, j’ai dû quitter l’école pour travailler et nourrir ma fille. C’était une période douloureuse où je me sentais très seule. Un jour, j’ai entendu qu’à l’église, tous les vendredis soir, se réunissaient d’autres mères célibataires, comme moi. C’est comme ça que je suis devenue une Disciple de Jésus Christ.

J’ai un métier très prenant, donc je ne peux pas me permettre d’aller à l’église tous les jours. Pour compenser, je fais le carême depuis cinq ans. Je le fais avec d’autres Disciples de Jésus Christ. Une fois par semaine, nous nous réunissons pour rendre gloire au seigneur en priant, et partageons un repas, aussi pauvre soit-il - souvent un simple bol de riz. Pendant les quarante jours, je prie quotidiennement. Au moins une fois, et quand j’arrive à me dégager plus de temps, je peux prier jusqu’à trois fois dans la journée. Je lis aussi certains passages de la Bible dès que je le peux, dans le bus par exemple. Pour me rappeler les enseignements du seigneur, et les mettre en pratique dans ma vie quotidienne.

Ma fille est trop petite pour jeûner pour l’instant. Mais je l’emmène déjà aux rassemblements des Disciples de Jésus Christ pour qu’elle s'imprègne de la foi. Mais je pense qu’elle la trouvera toute seule. J’espère simplement que ce ne sera pas dans les mêmes conditions que moi… »

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Anne-Solveig Petit de Servins, 22 ans, étudiante en école de commerce, Paris

« Je viens d’une famille très pratiquante. Je suis « née dans le bain », comme mes quatre frères et sœurs. Depuis l’enfance, le carême est une obligation familiale. Il nous fallait le vivre ensemble. En grandissant, chacun a intériorisé sa foi à sa manière. Certains l’ont moins pratiqué, d’autres, au contraire, l’ont renforcé. Aujourd’hui, je suis celle des cinq enfants qui pratique le plus.

Avant, je le faisais sans me poser de question. Maintenant que je n’habite plus chez mes parents, c’est vraiment un choix personnel et réfléchi, issu du cheminement de ma foi. Depuis trois ans, je le fais tous les ans, sérieusement. Et à ma façon : j’ai décidé de sauter le déjeuner et le dîner tous les vendredis, pendant quarante jours.

Je suis persuadée que le Christ a donné sa vie pour moi sur la croix. Donc une fois par an, c’est moi qui fais un effort pour lui. C’est ça, le carême. Sans cette idée-là au centre, ce ne serait qu’un simple régime ! Et ce serait surtout très austère. Car le carême ne doit pas être austère. Au contraire, ce doit être un moment de joie.

C’est aussi un moment d’introspection : une occasion de réfléchir à ses défauts les plus aliénants en allant se confesser plus régulièrement que d’ordinaire. Cette année, j’ai choisi de travailler sur la tempérance. Une qualité qui, je l'avoue, me fait souvent défaut… »