FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

L'histoire du fugitif qui a foiré sa tentative de kidnapping en butant un riche homme d'affaires

Adolph Coors III a disparu sans laisser de traces en février 1960, faisant croire à un enlèvement. Problème : son ravisseur l'avait accidentellement tué.

Le 9 février 1960, Adolph Coors III était au volant de sa voiture, en chemin vers son travail, quelque part dans les alentours de Golden dans le Colorado. Là, il est tombé nez à nez sur une Mercury de couleur jaune, garée sur le bord de la route. La matinée était fraîche, et « Ad » – PDG et héritier de la Coors Brewing Company – s'adonnait à son trajet quotidien sans y prêter garde. Père de quatre enfants, ce quadragénaire était connu dans toute la région pour être à la tête d'un empire de la bière en expansion – empire accusé depuis d'avoir défendu les discriminations raciales et la mise à mal des syndicats.

Publicité

Le chauffeur à l'avant de la Mercury jaune prit soin de ne jamais laisser Adolph Coors III arriver à destination.

Bien décidé à marquer le coup, Joseph Corbett, un fugitif, avait concocté un plan pour kidnapper Coors, afin de demander une importante rançon. À l'origine, il n'avait pas prévu que le riche magnat de la bière possédait une arme, et qu'il ne comptait pas se laisser prendre comme ça. Lorsqu'un laitier local tomba sur la voiture de Coors abandonné, au moteur encore ronflant et à la tache de sang visible sur la banquette avant, il ne manqua pas d'appeler les flics, et la chasse à l'homme commença.

Des forces de l'ordre furent déployées dans tout l'État, et le FBI fut appelé en renfort. Mary Coors reçut une demande de rançon : 500 000 dollars. Les fédéraux identifièrent un homme, un certain Walter Osborne, en tant que suspect numéro 1. Sa voiture fut d'ailleurs repérée dans la région, avant d'être retrouvée calcinée à Atlantic City. Problème : Osborne était introuvable. Du moins, jusqu'à ce que le FBI comprenne qu'Osborne était un alias de Joe Corbett, un fugitif qui, dès lors, fit partie des 10 criminels les plus recherchés d'Amérique. Le corps d'Adolph Coors III fut retrouvé en septembre par des randonneurs au sud de la ville de Denver, et Corbett finit par être capturé le mois suivant au Canada. Il fut condamné pour meurtre et passa 19 années en prison, avant d'être libéré en 1980. Il se suicida en 2009, après qu'on lui a diagnostiqué un cancer.

Publicité

Dans son livre à paraître, The Death of an Heir: Adolph Coors III and the Murder That Rocked an American Brewing Dynasty, Philipp Jett revient sur une histoire qui aura marqué son époque. Je lui ai passé un coup de fil pour en savoir plus sur l'un des kidnappings (ratés) les plus célèbres de l'histoire américaine.

La police examine une tache de sang retrouvée dans la voiture de Coors. Librairie publique de Denver

VICE : Comment la famille Coors a-t-elle géré la disparition d'Adolph ? En lisant votre livre, on comprend qu'elle a été énormément soutenue, ce qui a à voir avec sa position sociale.
Philipp Jett : Le FBI a mis autant d'hommes que possible sur cette affaire. Ça a été la chasse à l'homme la plus importante depuis la disparition du bébé Lindbergh. Dès le début, la police pensait qu'il y avait une forte chance qu'Adolph soit mort – à cause de la tache de sang – mais elle n'en était pas sûre. C'était horrible pour la famille. Après des mois et des mois d'attente, une grande partie de la famille avait perdu tout espoir.

Avec ce livre, je voulais me focaliser sur les conséquences de la disparition d'Adolph sur sa famille. Au cours de mes recherches, tout le monde me disait qu'Ad Coors menait une vie de rêve, avec une femme aimante, des enfants adorables. Malgré la disparition du chef de famille, les affaires ont continué de fonctionner. La famille a géré l'entreprise sans sourciller, tout en convainquant J. Edgar Hoover, le boss du FBI, d'allouer des moyens à l'enquête – ce qu'il a accepté de faire, au vu de la puissance de la famille Coors.

Publicité

Coors est aujourd'hui une entreprise internationale, ce qui n'était pas le cas à l'époque, non ?
Tout à fait. Coors était principalement actif dans le Colorado, en Californie. C'était encore une entreprise familiale, qui n'avait pas de conseil d'administration à sa tête. Il y a eu tout un mythe entourant la marque, surtout dans les années 1970 – pas mal de vedettes buvaient des bières Coors. C'est au cours des années 1980 que la marque s'est internationalisée.

Que s'est-il passé lors de la tentative de kidnapping de Coors ?
Eh bien, le fugitif ne pensait pas qu'Al Coors allait se défendre. Corbett avait presque parfaitement prévu son coup – il savait déjà où il allait conduire Coors le temps de récupérer la rançon. Le seul souci, c'est qu'Al Coors n'a jamais accepté de monter dans cette voiture, et ça lui a coûté la vie. Selon l'enquête, Coors se serait approché de la voiture « en panne », puis aurait couru dans le sens inverse jusqu'à sa voiture – c'est là qu'il aurait été touché deux fois dans le dos. J'imagine que Corbett était en colère de ne pas l'avoir vu obtempérer, et il a sans doute pété les plombs. Au lieu de tirer en l'air, il l'a tué.

Adolph Herman Joseph Coors III peu de temps avant sa mort. Librairie publique de Denve

Comment avez-vous réussi à vous mettre dans la peau de Corbett sans déformer la réalité, sachant qu'il est décédé ?
J'avais en ma possession plus de 700 pages de rapports du FBI. Les forces de l'ordre avaient interviewé Corbett à de nombreuses reprises, et l'ex-fugitif avait accepté de répondre à quelques questions. J'ai également réussi à mettre la main sur le dossier médical de Corbett, et son rapport psychiatrique. Je savais ce qu'il avait pu dire, ou faire. Bien évidemment, j'ai parfois dû extrapoler, mais j'ai toujours tenu à respecter ce que je savais de lui.

Il semble que vous ayez été quelque peu amusé et surpris par le fait que ce type était mauvais pour couvrir ses traces – ça vous a marqué.
Le kidnappeur/tueur était un homme très intelligent [et] avait soi-disant un QI de génie. Mais j'ai été étonné par la quantité d'erreurs qu'il a commises. Il planifiait pourtant son coup depuis deux ans et demi. Ad Coors vivait dans un ranch en périphérie de Denver, et le tueur a garé sa voiture sur l'autoroute. Il avait une voiture jaune vif et n'a pas pris soin de retirer sa plaque d'immatriculation. Quand la police a interrogé les voisins, tous ont déclaré avoir aperçu l'étrange véhicule jaune. L'un d'eux a même eu le temps de relever une partie du numéro d'immatriculation. Corbett n'a pas caché son apparence. Il n'a pas caché son pseudonyme. C'est sans doute le plus surprenant – si je prévoyais d'enlever un homme comme M. Coors, et que j'étais aussi intelligent qu'on le dit, je ferais à mon avis un meilleur boulot.

Le livre de Philipp Jett sera disponible à partir du 26 septembre.

Seth est sur Twitter.