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drogue

Un jeune homme meurt d’une overdose de GBL

Un drame qui met en lumière le grand retour, dans le milieu de la nuit, de ce produit particulièrement dangereux. Enquête.
Photo : Julio Ificada

On vient d’apprendre que le jeune homme de 24 ans qui a plongé dans le coma le 10 mars après avoir consommé du GBL lors d’une soirée techno au Petit Bain, est mort le 25 mars, à l’hôpital de la Pitié-Salpétrière, à Paris. Avec un autre clubber, âgé de 29 ans, ils avaient ramassé une bouteille trouvée sur le sol du club, et avaient bu chacun de grandes gorgées de ce qu’ils croyaient être de l’eau. Les caméras de vidéosurveillance ont enregistré la scène : tous deux se sont instantanément effondrés par terre et ont perdu connaissance. Le plus âgé a repris ses esprits le lendemain, dans l’après-midi. Mais le plus jeune, lui, n’est jamais sorti du coma. Après quinze jours d’espoir et d’incertitude, son décès a finalement été prononcé le 25 mars. Des tests ADN effectués sur la bouteille d’eau ont permis de retrouver son propriétaire. Placé en garde à vue, il a été mis en examen, d’abord pour trafic de stupéfiants et blessures involontaires – puis, tout récemment, pour homicide involontaire.

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Ce drame vient rappeler que depuis plusieurs mois, le GBL fait son grand retour dans les soirées parisiennes. Apparue dans les années quatre-vingt-dix sous la forme du GHB, celle que l’on a surnommée à tort la « drogue du violeur » a été rapidement interdite. Mais son cousin légal, le GBL – un nettoyant pour jantes de voitures vendu dans les garages et sur internet – a pris la relève. Ses effets désinhibant l’ont rendu d’abord populaire dans le milieu gay, et particulièrement dans les soirées chemsex. Mais très vite, le GBL a gagné le milieu festif, en raison de ses effets euphorisants. Et avec un certain succès puisque les professionnels de la nuit - généralement peu bavards sur la consommation de drogue dans les soirées - ont tiré la sonnette d’alarme il y a quelques semaines. Le célèbre Crame, fondateur, notamment, des soirées « House Of Moda » a été un des premiers : «J'entends parler du GBL depuis quelques années, surtout via des amis à Berlin. A Paris, c'est peut-être plus récent, peut-être que la mode s'est étendue. Il semble facile de s’en procurer et pas si facile d'être informés sur les risques encourus par la consommation de ce produit qui peut extrêmement dangereux dans certains cas». Il ajoute : « il y a bien une brochure éditée par l’association Fêtez Clairs, dont je respecte le travail. Mais soyons sérieux : une brochure ? En 2018 ? Est-ce ainsi que l’on s’adresse aux jeunes d’aujourd’hui ? Où sont vidéos virales, par exemple ? ». Pour Crame, la faute en revient aux pouvoirs publics qui ne financent plus les associations travaillant sur la réduction des risques – c’est-à-dire expliquant précisément comment consommer des stupéfiants en en réduisant les dangers. « Il faut sortir du discours « la drogue, c’est mal ». C’est absurde : il y a une culture de la drogue dans le monde de la techno : le nier serait hypocrite. Regardons les choses en face et expliquons aux consommateurs quel est le bon protocole et aux autres comment se positionner et réagir si ça tourne mal ». Alors, rappelons ici que le GBL ne supporte d’être associé à l’alcool. Après une prise, une simple bière peut provoquer un arrêt cardiaque.

Le décès du jeune homme le 25 mars dernier est évidemment exceptionnel. Une source judiciaire rappelle que depuis le début des années 2000, aucun décès « directement lié au GBL » n’a été officiellement enregistré. Mais les accidents se sont multipliés ces dernières semaines : début décembre, trois femmes de 18 et 20 ont été grièvement intoxiquées au GBL lors d’une soirée au Nuits Fauves. Et des incidents similaires ont eu lieu à Montpellier ou Lyon. Parce qu’il provoque ce que les médecins appellent une « soumission chimique », le GBL est aussi utilisé à des fins criminelles. Concrètement, il déclenche chez le consommateur une perte de contrôle de son corps et de son esprit. Résultat : il est très facile de le soumettre à son bon vouloir. C’est pour cela que l’on a pu parler de « drogue du violeur ». Mais en réalité, la technique est plutôt utilisée pour contraindre quelqu’un à tirer des sommes importantes d’argent au distributeur. « C’est davantage la drogue du voleur’ résume Jean-Michel Delile, vice-président de la Fédération Addiction, qui a été le premier dans les années quatre-vingt-dix à travailler sur cette drogue ». Il ajoute : « le GHB comme le GBL ne restent pas longtemps dans le sang. La plupart du temps, quand la personne sort de sa léthargie et comprend qu’elle a été abusée, la présence du produit n’est plus détectable. Il est donc compliqué de porter plainte. D’autant qu’aux yeux des témoins, la victime était consentante. La soumission est chimique, pas physique. Il n’y a ni cri, ni sang : en apparence, elle a délibérément sorti sa carte bleue, tirer des sommes astronomiques au distributeur avant de les tendre à celui qu’elle a appelé, toute la soirée, son ami… ».

Aurait-il été d’un acte malveillant ? Tout porte à croire que le jeune homme décédé n’était pas consommateur et que c’est par erreur qu’il a absorbé une dose létale de GBL. La question de la responsabilité de la direction du Petit Bain se pose : avait-elle les moyens d’empêcher le produit d’entrer dans l’établissement ? Ricardo, le patron du club dément fermement : « le GBL se dilue à 1 pour 1 000. On parle d’une micro-goute. Comment voulez-vous que l’on puisse la trouver lors de la palpation des clients effectués à l’entrée ? ». Il a parfaitement raison. Et d’ailleurs, la responsabilité du club n’a, à ce stade de l’enquête pas été engagée : le personnel a tout de suite effectué les premiers secours et les pompiers ont été prévenus aussi vite que possible.

S’il appartient à la justice de mettre au clair les responsabilités de chacun, une question demeure : le décès d’un jeune homme de 24 ans déclenchera-t-il enfin l’intérêt des pouvoirs publics sur la question ?