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RDC

Répressions sanglantes en RDC en marge d’un débat parlementaire

Un projet de loi électorale favorable au pouvoir a déclenché de violentes manifestations dans lesquelles se trouvent de nombreux étudiants.
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo via Flickr / Radio Okapi

La capitale de la République démocratique du Congo (RDC) Kinshasa est agitée depuis une dizaine de jours par de multiples affrontements entre la police d'un côté et de l'autre les partisans de l'opposition et de nombreux étudiants. Depuis ce lundi, la situation a franchement dégénéré. Le bilan annoncé par la police fait état de 5 morts, selon une organisation de défense des droits de l'Homme congolaise le chiffre s'élèverait en réalité à 28 victimes. Mercredi matin l'AFP rapportait des coups de feu, entendus sur le campus de l'université de Kinshasa. Plus tard dans l'après-midi, des étudiants qui avaient monté une barricade à Goma dans l'est du pays auraient été dispersés avec des gaz lacrymogènes.

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Lundi 12 janvier les députés congolais ont commencé à étudier à l'Assemblée nationale un projet de loi de réforme électorale, poussé par Joseph Kabila, le président en place, successeur de son père, le président Laurent-Désiré Kabila (au pouvoir de 1997 à 2001). Cette réforme repousserait les élections présidentielles prévues en 2016 de plusieurs années puisqu'elle prévoit un recensement complet de la population avant l'ouverture des urnes — ce qui s'annonce pour le moins fastidieux et long.

Georges Berghezan est spécialiste des conflits armés en RDC pour le Groupe de Recherche et d'Information sur la Paix et la Sécurité (GRIP) basé à Bruxelles. Contacté par VICE News, le chercheur indique que « Kabila avait pour projet initial de changer la Constitution pour s'assurer un troisième mandat consécutif. Blaise Kombaoré, le Président du Burkina Faso, avait lui aussi tenté de faire cette pirouette constitutionnelle pour rester en place pour être finalement poussé à l'exil et déchu. Échaudé par cet épisode, Kabila tente donc ce coup du recensement national pour repousser son départ du pouvoir. »

Dès le début de la consultation législative de cette réforme à la mi-janvier, l'opposition et les manifestants se sont dressés contre ce projet de loi — des manifestations rapidement dispersées par la police. Les principaux partis d'opposition (UDPS, UNC et MLC) ont appelé à manifester devant le « Palais du Peuple » siège de l'Assemblée nationale congolaise. Le site d'information local Afrikarabia indiquait que cette première manifestation du 13 janvier violemment réprimée par la police avait fait 10 blessés côté opposition et 8 chez les policiers.

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Cité par Le Monde Afrique, le porte-parole de la police de Kinshasa, Israël Mutombo justifie l'intervention musclée de la police pour cause de « trouble à l'ordre public. » Mutombo a aussi démenti les rumeurs qui indiquaient que la police tirait à balles réelles sur les manifestants.

Dans la soirée du samedi 17 janvier, l'Assemblée nationale — la Chambre basse du Parlement congolais — a adopté en première lecture la réforme électorale. Depuis le lundi 19 janvier, le projet de loi est discuté au Sénat — étape finale avant sa ratification — , ce qui a relancé les affrontements à Kinshasa, mais aussi à Goma dans l'est de la RDC. L'AFP faisait état lundi matin de coups de feu tirés par la police pour disperser des milliers d'étudiants qui manifestaient à proximité de l'université de la capitale. Les demandes des étudiants sont multiples — il se plaignent à la fois de ne pas avoir de travail tout en réclamant le départ de Kabila.

La ville de Goma située dans l'est du pays serait aussi concernée par la contestation populaire : des attroupements de manifestants auraient été dispersés par la police. RFI rapporte plusieurs arrestations, mais aussi de plusieurs coups de feu tirés.

Police being stoned by protestors in — congofriends (@congofriends)January 19, 2015

Pour les membres de l'opposition, il s'agit d'un véritable « coup d'Etat constitutionnel» alors que nombre d'entre eux se trouvaient encerclés lundi par la police au sein même de leurs quartiers généraux respectifs. La troisième force d'opposition du pays, l'Union pour la Nation congolaise (UNC) déplorait dans un communiqué que deux leaders de l'opposition Vital Kamerhe et Jean-Claude Muyambo ne puissent manifester puisqu'encerclés par les forces de l'ordre.

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Berghezan nous fait remarquer que « La garde présidentielle, une unité d'élite qui dépend directement de la présidence, a été mobilisée pour contenir les manifestants. » Les affrontements ont repris mardi matin alors que les députés de l'opposition avaient réussi lundi à repousser l'examen de la loi au lendemain. Les pneus brûlés, des bouts de bois ou des pierres bloquaient les principales artères de la capitale. Certains manifestants en auraient aussi profité pour piller.

RT — Mc-Héritier KAPITENE (@KapiteneH)January 19, 2015

Plusieurs médias rapportent que des chefs de l'opposition, dont Jean-Claude Muyambo encerclé lundi au siège de l'UNC, auraient été arrêtés et placés en détention à Kinshasa et Goma. Dans le même temps, Internet a été coupé pour une durée indéterminée dans tout le pays suite à une demande gouvernementale. Impossible aussi d'envoyer des SMS. « L'Agence nationale du renseignement (ANR) nous a donné l'ordre de couper Internet pour Kinshasa jusqu'à nouvel ordre », a déclaré à l'AFP le responsable d'un opérateur sous le couvert de l'anonymat.. » La semaine passée, deux chaines de télévision réputées proches de l'opposition — Canal Kin et Radio TV Catholique — avaient aussi cessé d'émettre.

Mardi 20 janvier au soir, l'opposant historique du Président Joseph Kabila, Étienne Tshisekedi a lancé depuis Bruxelles (où il séjourne pour des raisons de santé) un appel aux Congolais pour forcer le « régime finissant » à quitter le pouvoir. Tshisekedi est le Président du principal parti congolais d'opposition — l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) — et appelle dans un communiqué à se servir de l'article 64 de la Constitution congolaise qui stipule que « tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d'individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l'exerce en violation des dispositions de la présente Constitution. » Tshisekedi s'était incliné en 2011 contre Kabila aux élections présidentielles, défaite qu'il conteste dénonçant des fraudes.

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L'Union européenne a appelé ce matin au « retour au calme » et au « respect des échéances électorales » en RDC.

RDC: l'UE appelle au 'retour au calme' et au 'respect des échéances électorales' — Agence France-Presse (@afpfr)January 21, 2015

La MONUSCO (Mission de l'Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC) présente sur place pour combattre les groupes armés qui déstabilisent l'est de la RDC déplore aussi de son côté les victimes des manifestations de Kinshasa.

— UN Peacekeeping (@UNPeacekeeping)January 20, 2015

Photo via Flickr / Radio Okapi