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RDC

RDC : la loi électorale est adoptée, retour au calme précaire

Après une semaine d’émeutes qui ont fait entre 13 et 42 morts, le Parlement a adopté une nouvelle loi électorale. Des modifications ont été apportées au projet initial pour calmer la rue en l’assurant d’une possible alternance en 2016.
Pierre Longeray
Paris, FR
Photo via Flickr / Irene2005

Une nouvelle version amendée de la loi électorale a été adoptée par le Parlement dimanche 25 janvier en République Démocratique du Congo (RDC). Une première mouture de cette loi proposée par le gouvernement la semaine précédente risquait de repousser les élections présidentielles prévues pour 2016 et donc de retarder la possibilité d'une alternance politique réclamée par une partie de la population. Des heurts, ayant fait entre 13 et 42 morts selon les sources, avaient alors agité la capitale, Kinshasa, et la ville de Goma, entre les journées de lundi et mercredi. Human Rights Watch décompte 36 morts, dont un agent de police à Kinshasa, et 4 morts à Goma. Alors qu'un retour au calme semble être constaté dans le pays depuis , plusieurs interrogations demeurent sur le contenu de la nouvelle loi électorale, l'enjeu étant de savoir si les modifications vont effectivement dans le sens des manifestants.

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La semaine passée, l'opposition au projet de loi s'était cristallisée autour de l'alinéa 3 de l'Article 8 qui liait l'organisation d'un recensement de la population à la tenue des élections présidentielles. Le territoire congolais s'étendant sur plus de 2 millions de km2, une telle entreprise pourrait prendre des années et donc différer les élections. Ce qui permettait au président en place depuis 2001, Joseph Kabila, de rester mécaniquement au pouvoir, puisque la Constitution l'empêche en l'état d'enchainer un troisième mandat. Le Parlement a finalement décidé de retirer cet alinéa de la loi, sous la pression populaire.

Retour au calme

Lambert Mende, porte-parole du gouvernement, déclarait lundi soir, dans des propos rapportés par le journal Le Monde : « Nous attribuons [ce revirement] à la nécessité de gérer cette incompréhension [des intentions du gouvernement] que nous-mêmes ne comprenons pas, et qui a fait croire aux gens que nous tenions à lier la présidentielle au recensement ».

Une source diplomatique présente à Kinshasa contactée ce mardi par VICE News assure que l'« On assiste à un net retour au calme, la population semble apaisée. Les magasins sont ouverts à nouveau, la circulation est dense. »

Au cours des émeutes, la contestation s'était centralisée autour de l'immense campus de l'université de Kinshasa, où les étudiants s'opposaient farouchement au projet de loi. Alphonse Pamina est administrateur de la faculté et confie ce mardi à VICE News que « les étudiants et les professeurs sont revenus, les cours ont repris. Des forces armées restent néanmoins campées aux entrées du campus. »

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Une loi ambiguë

Les nouvelles dispositions du processus électoral détaillées dans la nouvelle loi présentent pourtant quelques ambiguïtés. La référence aux élections locales, provinciales et sénatoriales, prévues pour 2015 et censées précéder les présidentielles, a disparu dans la version adoptée lundi. Ensuite, alors que les sénateurs entendaient inscrire dans le texte une garantie de la tenue des élections présidentielles dans les délais prévus par la Constitution, l'Assemblée nationale a finalement décidé de s'en passer. Enfin, le texte n'est pas clair sur la nécessité ou non de tenir effectivement un recensement pour pouvoir organiser les prochaines élections législatives, prévues pour fin 2016 - donc au même moment que les présidentielles. En effet, l'Article 115 stipule que la répartition des sièges des députés sera calculée en fonction d'un « quotient électoral » — qui ne peut être déterminé sans une base de recensement.

Selon notre source diplomatique, il semblerait « qu'il n'y ait pas encore de prise de conscience dans l'opposition et la population. Les opposants au projet de loi laissent retomber l'écume. L'opposition a peut-être crié victoire trop tôt sans réellement connaitre le contenu du nouveau texte. »

L'opposition en recherche d'unité

Contacté par VICE News, le député de l'opposition pour l'Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS), Serge Mayamba nous confie que « L'émotion a primé, il fallait écouter le peuple. Maintenant l'objectif est d'organiser les élections dans les délais légaux. »

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Jean-Baudoin Mayo Mambeke est député de l'Union pour la Nation congolaise (UNC), un des trois principaux partis d'opposition en RDC. Il a travaillé sur la nouvelle version de la loi. Il indique à VICE News que « Rome ne s'est pas construite en un jour. Nous avons déjà conquis l'alternance au plus haut niveau de décision de l'État [NDLR, la présidence], nous allons continuer à nous battre [pour obtenir cette alternance au Parlement]. »

Mayo Mambeke craint en effet que « l'Assemblée ne "glisse" — c'est-à-dire qu'elle dépasse son mandat, » les législatives pouvant être différées si un recensement s'avère nécessaire. Dans ces conditions, même si une alternance se produit au niveau de la présidence, elle fera face à une Assemblée inchangée.

Selon nos informations, les principaux partis d'opposition doivent se réunir dans les prochaines heures pour donner leur avis sur la loi. Du côté de la majorité présidentielle, des divergences et tensions internes entre le parti du président et ses alliés politiques ont été mises en avant par le débat autour de la nouvelle loi.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray

Photo via Flickr / Irene2005