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Allemagne

Regain d’affluence pour les manifestations anti-migrants de Pegida en Allemagne

Ce lundi soir, ce sont entre 7 000 et 10 000 personnes qui ont défilé à Dresde, le berceau du mouvement xénophobe et islamophobe allemand, pour dénoncer l’afflux de migrants dans le pays.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image d'illustration. Manifestation de Pegida le 25 janvier 2015. (Photo via Wikimedia Commons / Kalispera Dell)

Les manifestations anti-immigration semblent faire à nouveau recette en Allemagne, notamment ce lundi soir, à Dresde, où entre 7 000 et 10 000 personnes ont défilé pour dénoncer l'afflux de migrants dans le pays.

Watching anti-migrant rally in Dresden, Germany by PEGIDA group. — Katie Orr (@1KatieOrr)October 5, 2015

Dresde est le berceau du mouvement Pegida (acronyme de « Patriotes européens contre l'islamisation de l'Occident ») né il y a un an. Cette ville de l'ex-Allemagne de l'Est accueille tous les lundis ces rassemblements hostiles aux réfugiés que l'Allemagne a fait entrer massivement ces dernières semaines.

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« Pegida profite de la situation actuelle et des informations qui sortent dans la presse, » explique à VICE News, ce mardi après-midi, Nele Wissman, chercheur au Comité d'études des relations franco-allemandes (Cerfa) de l'IFRI (Institut français des relations internationales).

« On y parle notamment de problèmes de violences dans les centres d'accueil, de l'incapacité du gouvernement à gérer la situation ou encore des chiffres qui explosent avec le regroupement familial, » poursuit-elle.

Près de 1,5 million de migrants pourraient être accueillis en Allemagne pour la seule année 2015, grâce au regroupement familial, affirme le quotidien allemand Bild dans son édition de ce lundi. On annonçait jusqu'ici généralement le chiffre 800 000 arrivées de migrants en Allemagne pour 2015.

Après les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher à Paris début janvier 2015, ces manifestations — surtout axées autour de l'islamophobie à l'époque — accueillaient jusqu'à 25 000 personnes, avant de perdre en influence, notamment après un scandale impliquant Lutz Bachmann, le fondateur de Pegida. Une photo de Bachmann imitant Hitler avait fuité dans la presse fin janvier. Depuis cet incident, le nombre de manifestants s'était stabilisé autour des 3 000.

À lire : Le mouvement anti-islam Pegida a fait 10 pour cent à une élection municipale en Allemagne

Près de 10 000 personnes, selon les estimations hautes, étaient donc présentes ce lundi soir, sur la Neumarkt, une place de Dresde qui est un lieu touristique. Équipés de drapeaux allemands, tous étaient rassemblés sous une banderole dénonçant « l'islamisation de l'Europe. »

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« Un ethnocide du peuple allemand »

La chancelière, Angela Merkel, à l'origine de cette politique d'accueil nouvelle des migrants en Allemagne, était la cible privilégiée des nombreuses pancartes qui émergeaient de la foule compacte lundi soir. « Merkel commet un ethnocide du peuple allemand » pouvait-on par exemple lire sur les écriteaux brandis. Un drapeau confédéré et des drapeaux norvégiens flottaient aussi dans la foule.

« Certes, il y avait 10 000 personnes hier soir, mais on est encore loin des 25 000 personnes d'il y a quelques mois, » estime Wissman. Pour expliquer cette baisse du nombre de participants ces derniers mois, elle note que le mouvement a changé depuis l'année dernière, précisant que beaucoup de membres de l'équipe originelle ont démissionné.

« L'année dernière, ces manifestations étaient un mélange pas très clair de différents mouvements, » précise Wissman.

« Il y avait des xénophobes, des néo-nazis, mais aussi des gens qui avaient simplement peur. Aujourd'hui, il n'y a plus de doute, l'appel à la manifestation émet de Bachmann, c'est donc une vraie manifestation d'extrême-droite. » Vendredi dernier, Bachmann avait été inculpé par le parquet de Dresde pour incitation à la haine raciale, pour avoir posté sur Facebook des messages xénophobes, qualifiant les migrants de « bétail » et de « racaille ». Le fondateur de Pegida encourt jusqu'à 5 ans de prison.

Ce mardi matin, des médias allemands ont demandé une plus grande protection de la police face aux membres de Pegida, qui seraient de plus en plus violents. Ce lundi soir, lors de la manifestation de Dresde, les journalistes progressaient « en tortue à la manière des légions romaines pour se protéger, » rapporte une journaliste de l'AFP. La semaine dernière des journalistes avaient été victimes de coups à Dresde, et les insultes visant la presse sont apparemment communes lors de ce type de rassemblement.

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À lire : Émeute anti-migrants en Allemagne, 31 policiers blessés lors d'affrontements avec des militants d'extrême-droite

Un plafond pour les migrants ?

Le fondateur du mouvement islamophobe a pris la parole en fin de rassemblement. « Ça ne s'arrêtera pas à un million et demi ou deux millions [de migrants]. Ils vont faire venir leurs femmes, et un, deux ou trois enfants, » a déclaré Bachmann, faisant référence aux chiffres donnés par le Bild. Si Bachmann s'est montré moins virulent qu'à l'accoutumée, il a conclu son discours en assurant que « C'est une mission impossible d'intégrer ces gens ».

Ce lundi soir, le ministre de l'Intérieur allemand, Thomas de Maizière, avait annoncé à Stuttgart que l'Allemagne devait réfléchir à une limite au nombre de migrants qu'elle peut accueillir — ce à quoi Angela Merkel s'oppose. « Nos capacités sont limitées, » a déclaré le ministre qui estime que ce plafond permettrait de convaincre l'opinion publique que la crise migratoire est une opportunité plutôt qu'un défi.

Depuis plusieurs semaines, des incidents xénophobes isolés se multiplient en Allemagne, ce qui tranche avec les images d'accueil enthousiaste de migrants par la population allemande, notamment dans la ville de Munich.

Plusieurs foyers de migrants ont brûlé ces dernières semaines — sans que la piste de l'attaque xénophobe ne soit prouvée, certains de ces incendies sont accidentels. Ce lundi soir, un réfugié érythréen a été retrouvé mort par les pompiers après un incendie dans son foyer d'accueil. L'origine du départ de feu n'est pas encore connue. C'est la première fois qu'un migrant perd la vie dans un de ces incendies.

À lire : Des incidents xénophobes alors que l'Allemagne fait face à la crise migratoire

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray