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VICE News

Rencontre avec « Popeye », ancien chef des tueurs à gages d'Escobar

Jhon Jairo Velasquez Vasquez, alias « Popeye », était l’un des hommes en qui le mythique Pablo Escobar avait le plus confiance.

Jhon Jairo Velasquez Vasquez, né en 1962 à Yarumal, en Colombie, était, sous l'alias « Popeye », l'un des hommes de confiance de Pablo Escobar, le célèbre chef du cartel de Medellín. Il est resté aux côtés du chef des chefs jusqu'en 1992, avant de se rendre à la justice colombienne.

Environ 250 meurtres et plusieurs enlèvements sont attribués à Popeye, y compris la séquestration de l'ancien président colombien Andrés Pastrana en 1988, quand celui-ci était encore candidat à la mairie de Bogota.

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Après 23 ans et trois mois de prison, Popeye se considère aujourd'hui comme un YouTubeur. « Les réseaux sociaux m'ont sauvé », dit-il, en faisant référence à sa chaîne Popeye_Arrepentido (« Popeye le Repenti » en français). Il prépare actuellement plusieurs séries télévisées, un long-métrage et a raconté son histoire dans le livre Survivre à Pablo Escobar.

VICE News l'a rencontré dans un petit café isolé du centre commercial Drive Inn, dans le quartier prisé d'El Poblado à Medellín.

VICE News : Vous êtes entré en prison alors que Medellín était embourbée dans la violence et maintenant, deux ans après votre libération. Que faut-il faire pour intégrer les FARC en tant que mouvement politique?

Il y a beaucoup de résistance face à cela. Une résistance totale, et nous avons besoin d'être éduqués à propos de la manière dont les anciens combattants doivent être traités. Nous ne devrions pas leur rendre hommage, mais les gens sautent au plafond car une rumeur disait qu'ils allaient avoir une pension de 1 800 000 pesos [NDLR, un peu moins de 600 euros].

Les anciens combattants vont-ils finir par intégrer les Bacrim (des bandes criminelles émergentes) ?

Si vous ne les respectez pas, ils vont se tourner vers les Bacrim. Ils vont se tourner vers n'importe quoi. Un meurtrier reste un meurtrier. Voilà pourquoi la société doit occuper les anciens combattants. Et sensibiliser les bandits avec des petites choses.

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Comme ?

Un match de football. 17 anciens combattants vivent dans votre immeuble ? Alors nous lançons un match de football. Ce genre de choses.

Et comment lutte-t-on contre les Bacrim si elles ont déjà infiltré la justice, la police et le contrôle des quartiers ?

La voie de sortie, c'est l'éducation. La voie de sortie ce n'est pas plus de prison et davantage de balles. Savez-vous ce qui forme les assassins? La violence domestique. Quand vous avez à la maison un père et une mère, sans éducation aucune, des mauvaises gens. Ou quand l'homme arrive et casse le nez de sa femme, et que l'enfant voit sa mère pisser le sang. L'environnement forme le bandit. Vous grandissez avec votre père qui écoute du tango, ivre, et vous devenez mauvais.

Que proposez-vous ?

Il faut travailler avec les parents. Leur donner des cours : ne pas fumer de la marijuana, de ne pas fumer de cigarettes, ni prendre de la cocaïne. Si vous allez vous disputer avec votre femme, allez faire ça ailleurs. Évitez de frapper votre femme, à cent pour cent. Ne dis pas de gros mots en présence des enfants, mais lis devant eux. Laisse ton enfant te regarder lire mec !

Et avec les jeunes ?

Nous aimons tous tuer. Parce que nous venons de quartiers difficiles où il y a de la violence domestique. Si les quartiers sont des poudrières, comment voulez-vous ne pas être violent ? Alors vous devez aller dans les quartiers, les informer à propos de la prison. Leur dire « Regarde, s'ils t'attrapent, ils t'emmènent là-bas. » Et les emmener voir à quoi ressemble une prison.

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C'est un programme qui a été mené dans la prison de Cómbita [au centre de la Colombie]. Il y avait des conflits dans les collèges entre les enfants. Les prisonniers leur ont donné une conférence. Ensuite, ils les ont emmenés voir les geôles. Ça sentait les excréments, il faisait sombre et les prisonniers sortaient la tête par le petit trou où l'on passe la nourriture, pour dire aux filles « Viens là, t'es trop bonne salope.» Et on parle de filles difficiles, qui ont pourtant fondu en larmes dans les bras des psychologues.

L'adrénaline du combat ne peut pas quitter un jeune homme. Vous voulez tuer ? Oui. Vous voulez tirer? Oui. Vous voulez vous jeter d'un avion? Oui. Vous voulez piloter un hélicoptère? Oui.

Eh bien, sale gosse, il y a la Marine, l'Infanterie de Marine. Il y a l'aviation. Il y a l'armée, la police nationale. Il y a cinq forces professionnelles. Tu tires et tu tues, couillon.

Vous avez dit à plusieurs reprises que le gouvernement vous avait laissé tomber. Pourquoi ?

Si seulement ils avaient utilisé mon image pour aller dans les quartiers… Le gouvernement aurait dû me dire « Venez, vous avez la parole facile, vous connaissez la violence, nous allons nous rendre dans les quartiers pour parler aux jeunes, pour démonter le mythe de Pablo Escobar. » L'État m'aurait donné un petit solde de trois millions de pesos [environ 900 euros], une escorte et un appartement. Et pour garder un œil sur moi, ils auraient pu me donner un téléphone surveillé légalement.

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De quoi vivez-vous ?

Je vis [des recettes] de mon livre.

Vous n'avez pas gardé d'argent ?

De l'époque du Cartel de Medellín ? Si, j'en ai gardé. Mais j'ai passé 23 ans en prison à dépenser de l'argent. J'avais fini avec cinq millions de dollars, trois en liquidités et deux en propriétés immobilières, et voilà j'ai tout dépensé.

Vous avez gardé une ferme aussi ?

Oui. Et j'ai des armes et deux trois autres choses.

Des armes ?

Oui. Je les garde en lieu sûr. Je les ai proposées à l'État. Je les aurais rendues s'ils avaient accepté de raccourcir ma peine. Mais il n'ont rien voulu raccourcir du tout. Ah, l'État… Un jour, si on doit les rendre, alors je les rendrai.

Il vous manque, le « Patron » [surnom d'Escobar] ?

Beaucoup, oui. Quand j'étais en prison, il était souvent dans mes rêves. Je sortais de prison et j'allais dans une planque, et il était là. Mais comme j'avais fourni toutes ces accusations au moment où je me suis rendu, j'étais toujours renvoyé [en prison] dans mes rêves. Et depuis que j'ai été remis en liberté, je ne rêve plus de lui.

Vous referiez ce que vous avez fait avec Escobar ?

Je dis toujours que c'est 50/50. Mais si je revois ce couillon, on reprendra les armes à nouveau (rires).

On vous attribue 250 morts. Était-ce nécessaire ?

Quand vous êtes dans une guerre, il faut avoir la mentalité de la guerre. Une fois à Carthagène, nous nous sommes retrouvés face à la police. Nous avions endommagé la voiture, et nous avons sauté dans un taxi. Alors, le chauffeur de taxi s'est agenouillé devant moi. Il pleurait, me montrait une photo de sa famille. Mais il fallait le tuer parce qu'il nous avait vus sortir. Pourtant je lui ai dit, « Pour tes enfants, je te laisse partir ». Et je lui ai donné 500 000 pesos [environ 100 euros].

Huit heures après, j'étais au sol, touché par balle. Avec la police qui me donnait des coups de pied. Mais celui qui me donnait le plus de coups de pied, c'était le chauffeur de taxi. À partir de là je n'allais plus pardonner à aucun fils de pute. « Mais j'ai trois enfants »… Et bien regarde, tan, tan, tan, une balle pour chaque enfant, salopard. À la guerre comme à la guerre.

Suivez Ivan M. García sur Twitter : @ivanmgarcia77