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Crime

Reportage photo : Six semaines sur le campus des disparus d'Ayotzinapa

Manuels scolaires puis cocktails Molotov. Un recueil de photos sur le campus des étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa qui révèle le contraste saisissant entre l'avant et l'après disparition de leurs camarades.
Photo de Hans-Maximo Musielik

A l'école normale d'Ayotzinapa, uniquement masculine, au sud de l'État mexicain du Guerrero, la façon dont les étudiants mènent leur vie est très différente de celle des étudiants d'autres universités. Leur quotidien dépend beaucoup de la réalité sociopolitique qui les entoure.

En août 2013, j'ai eu la chance de passer trois jours dans cette école. J'ai pu découvrir le campus et rencontrer ses étudiants, j'ai pu voir les peintures murales représentant les révolutionnaires et les dirigeants tombés de la guérilla. J'ai appris l'histoire de l'école. J'ai partagé du mezcal maison avec un groupe de normalistas, comme on appelle ces élèves-enseignants, tandis que les diplômés se préparaient pour une modeste traditionnelle cérémonie d'adieu.

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La vie à l'école normale d'Ayotzinapa a radicalement changé depuis le 26 septembre. Ce jour-là, le maire de la ville d'Iguala, Jose Luis Abarca, a ordonné une attaque brutale contre des cars remplis d'étudiants de l'école. La police, corrompue, a tué six personnes dans cette opération, et a fait disparaître 43 étudiants. D'après le gouvernement fédéral, les 43 étudiants auraient été remis aux mains du cartel Guerreros Unidos qui les aurait tués puis aurait brûlé leurs corps.

Ces étudiants sont de jeunes hommes capables. Capables de faire des jouets, des cartes, et des outils éducatifs pour leurs futures salles de classe à partir de différents objets recyclés. Ils sont tout aussi capables de lancer des cocktails Molotov ou d'utiliser des lance-pierres chargés de cailloux pour répondre aux échecs et aux méfaits commis contre eux par le gouvernement.

Ce recueil de photos a pour objectif de montrer le contraste entre les vies des étudiants d'Ayotzinapa avant les terribles évènements qui ont frappé l'école cette année, et la réalité à laquelle ils font face depuis la disparition de leurs camarades.

Étudiants disparus : une chronologie du scandale mexicain: À lire ici

Toutes les photos sont de Hans-Maximo Musielik

Un étudiant assis devant une peinture murale représentant le symbole d'Ayotzinapa — une tortue. Les étudiants disent qu'Ayotzinapa signifie "la terre des tortues" en Nahuatl.

Un professeur corrige le travail des étudiants. Cette salle de classe sert désormais de dortoir.

Un élève-enseignant fabrique des sandales miniatures dans son cours de travail du cuir.

De jeunes étudiants qui finissent leurs études travaillent sur leurs projets de fin d'études. À cause d'un manque de financements, les étudiants d'Ayotzinapa doivent apprendre à être créatifs pour construire des outils d'enseignement à partir de matériaux recyclés. 

 La salle à manger, décorée de peintures à connotation politique. 

Un étudiant se lave en se renversant des bols d'eau dessus. Parce qu'il n'y a pas suffisamment de douches qui fonctionnent, beaucoup de ces étudiants se lavent en utilisant la même bassine que celle qu'ils utilisent pour laver leurs vêtements.

J'ai passé les six dernières semaines avec les étudiants de l'école d'Ayotzinapa, depuis que les crimes ont eu lieu. Leur peine, alors qu'ils entament un second mois sans savoir ce qu'il est arrivé à leurs camarades, est visible. Leur manque de confiance dans le gouvernement croît chaque jour un peu plus.

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« On nous les a pris vivants, on veut les retrouver vivants ! »

Le terrain couvert où on avait joué au basketball l'an dernier a été transformé en un centre de dons pour récolter des provisions et de la nourriture pour les étudiants et les équipes de recherche. Un coin du terrain sert désormais de cuisine, où l'on prépare et sert à manger pour les volontaires, et même pour les journalistes.

Un autel couvert de fleurs et d'une statuette de Jésus en bois est au centre du terrain.

À présent, les salles de classe servent de dortoirs pour les normalistas qui ont fait le voyage depuis d'autres écoles normales du Mexique pour soutenir les équipes de recherche, montrer leur solidarité aux manifestations qui sont organisées partout dans l'État du Guerrero, dans le pays et dans le monde.

Dans la salle à manger principale, les étudiants organisent des assemblées, qui se terminent toujours par un chant, « Venceremos! », « Nous vaincrons ! » en espagnol.

Dans les manifestations contre les autorités locales, les étudiants scandent le slogan « Nous sommes des personnes, tout comme vous ! Nous sommes des personnes ! »

Mais le leitmotiv qu'ils répètent depuis que leurs camarades ont disparu continue d'être « Vivos se los llevaron, vivos los queremos ! », ce qui signifie « On nous les a pris vivants, on veut les retrouver vivants ! »

Un normalista de première année dort à même le sol dans sa chambre. Les dix autres étudiants qui partageaient son dortoir ont disparu depuis l'attaque. 

Un jeune homme joue de la guitare sous une banderole qui dit, "Aguirre ! Assassin !"

La salle de classe fait désormais office de dortoir pour les familles des disparus, et pour les étudiants d'autres écoles normales venus offrir leur aide.

Des restes humains trouvés par un groupe d'experts argentins qui ont aidé les autorités à identifier les corps trouvés dans les charniers près d'Iguala. Cette mâchoire a été trouvée à Loma del Zapatera, près du site où les cinq premières fosses communes ont été découvertes, à Iguala le 5 octobre. 

Des caisses de cocktails Molotov, fabriquées à partir de chiffons, d'essence et de bouteilles de Coca Cola.

Des normalistas et des professeurs du syndicat des enseignants du Guerrero marchent ensemble vers la mairie d'Iguala. Peu de temps après, les manifestants mettent le feu aux bâtiments du gouvernement et le mettent à sac. 

Un jeune manifestant lance un ventilateur sur les bureaux du gouvernement municipal à Iguala, quelques minutes avant qu'il ne prenne feu.

Le bureau du maire Jose Luis Abarca après que les normalistas et leurs professeurs lui aient rendu visite. 

Un habitant d'Iguala est assis au beau milieu de la rue à regarder les quartiers généraux de la police brûler. Des manifestants et d'autres individus masqués ont ensuite pillé le bâtiment. 

Des habitants ont profité du chaos pour piller des magasins et des bureaux au centre commercial de Tamarindos. Les normalistas étaient alors retournés à Ayotzinapa.

Des enfants regardent les manifestants avancer de Tixtla vers Chilpancingo.

Le gouverneur Angel Aguirre démissionne devant la pression politique et sociale. 

Des étudiants de l'école normale et des professeurs syndicalistes prennent d'assaut le péage de Palo Blanco au centre du Guerrero. Ils font ça plusieurs fois par semaine.

Un professeur du syndicat des étudiants du Guerrero vise un bataillon de police posté devant Casa Guerrero, la résidence du gouverneur, pendant une manifestation, le 4 octobre. 

Des professeurs conduisent un véhicule dans l"enceinte de Casa Guerrero, puis y mettent le feu. On peut lire "On n'accepte pas le gouvernement Ortega" et "Ramenez les vivants". 

Deux hommes soupçonnés d'être membres des services secrets sont détenus par les professeurs et amenés aux autorités de Chilpancingo.

Une peinture murale réalisée par les étudiants d'Ayotzinapa après les attaques d'Iguala. Ce mur a été peint le jour de la fête des Morts dans la ville voisine de Tixtla.

Des étudiants de l'école d'Ayotzinapa brûlent des véhicules en face des bureaux du gouvernement de Chilpancingo. 

Des étudiants de l'école normale prennent d'assaut une voiture de police sur les marches du palais gouvernemental. Quelques minutes après, les manifestants mettent le feu au bâtiment.

Des voitures brûlent dans le parking du gouvernement à Chilpancingo.

Des étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa portent le drapeau mexicain à travers l'aéroport international d'Acapulco, qu'ils bloquent pendant plusieurs heures.

Une manifestation pacifique à Tixtla demande le retour des 43 étudiants disparus.  

Un homme à Chilpancingo lit un nouveau graffiti laissé par des professeurs syndicalistes sur la place principale. Dans les jours qui suivent, les graffitis critiquant le gouvernement pullulent et le président mexicain Enrique Peña Nieto qui demande que les étudiants soient ramenés sains et saufs. 

Des étudiants font une pause dans le blocus le long de l'Autopista Del Sol au Guerrero.

Un manifestant attaque un policier avec un bâton.

Des membres armés d'une force de police communautaire devant la grille de l'école normale d'Ayotzinapa. La police citoyenne leur a offert une protection depuis l'attaque du 26 septembre. 

La police communautaire de Guerrero, dans les rues de Tixtla pendant une manifestation, demande la libération de l'un d'eux, Comandante Gonzalez, qui a été arrêté un an auparavant. Les normalistas marchent à leurs côtés en signe de solidarité.  

La chambre du congrès du Guerrero en feu après une attaque des enseignants du syndicat du Guerrero. 

Les membres de la famille d'un des étudiants disparus, Cristian Alfonso Rodriguez, allument des bougies sur un autel pour leur fils. 

Étudiants disparus : une chronologie du scandale mexicain: À lire ici