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Des sites censurés sur Internet débloqués par Reporters Sans Frontières

L’ONG de défense de la liberté de la presse lance « Collateral Freedom », une opération destinée à rendre accessibles des sites d’informations dans les pays dans lesquels ils sont censurés.
Image via Capture d’écran Collateral Freedom

Cette année, plutôt que de publier son désormais traditionnel rapport sur « les ennemis d'Internet » , à l'occasion de sa « Journée mondiale contre la cybercensure », I'ONG a décidé de débloquer neuf sites Internet interdits par les gouvernements de onze pays. Ils sont accessibles depuis six heures du matin sur des écrans où ils ne sont pas censés s'afficher.

Cette opération de contournement de la censure, baptisée « Collateral Freedom » par RSF rend accessibles des sites d'informations dans des pays au régime jugé répressif, comme l'Iran, la Russie ou encore l'Ouzbékistan. La méthode utilisée est celle des sites miroirs, c'est-à-dire des copies des sites existants censurés, qui sont ensuite hébergées sur des serveurs des « géants du Web », comme Amazon, Microsoft ou Google.

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Grégoire Pouget, le responsable du bureau nouveaux médias de RSF, joint ce jeudi par VICE News, explique comment ils ont hébergé ces copies sur les serveurs des entreprises les plus puissantes du Web.

« On leur a acheté un service [d'hébergement] comme n'importe quel client standard. On respecte les conditions d'utilisation du service, » précise-t-il en expliquant ne pas avoir cherché à les placer dans une relation de partenariat sur cette opération. Ainsi, si ces entreprises rejettent ces sites miroirs « Alors, on a toute la latitude pour expliquer que l'on a enfreint aucune règle. »

Les onze pays concernés sont le Bahreïn, Cuba, l'Iran, le Vietnam, la Chine, les Émirats arabes unis, la Russie, l'Ouzbékistan, le Turkménistan, l'Arabie Saoudite, le Kazakhstan.

Parmi les sites reproduits par RSF, on trouve notamment le chinois Mingjing News, un média participatif basé aux États-Unis, à Taïwan et Honk-Kong. Le site traite de politique et de questions sociales en Chine qui ne sont pas couverts par les autres médias nationaux à cause de la censure. Le site russe Grani.ru a lui aussi désormais un miroir. Ce site, qui relève les entorses faites à la liberté de la presse et qui couvre la crise ukrainienne sans pression de la ligne officielle russe, est bloqué depuis mars 2014 en Russie. Le cubain Hablemos Press, dont les journalistes font souvent l'objet de pressions de la part de la sécurité intérieure du pays pour qu'ils changent leur ligne éditoriale, pourra être lu sur l'île pour la première fois depuis 2011. On trouve encore le Bahrain Mirror, créé en 2011, au moment du soulèvement populaire et interdit presque aussitôt. De nombreux miroirs de ce site circulent sur les réseaux sociaux, mais ces derniers ne tiennent jamais très longtemps.

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À lire : Bahreïn, la prison pour un tweet

Le fait que ces sites soient hébergés par des serveurs aussi importants limite le risque que les gouvernements les fassent tomber. « Rendre ces services inaccessibles reviendrait à priver des milliers d'entreprises de technologies essentielles, engendrant un coût économique voire politique très élevé, difficile à assumer pour les pays ennemis d'Internet. » peut-on lire sur le site de RSF. Concrètement si la Chine voulait fermer un site miroir hébergé sur les serveurs d'Amazon, elle devrait verrouiller l'accès à Amazon pour toutes ses entreprises utilisant leurs services.

— RSF_EECA (@RSF_Europe)12 Mars 2015

Les internautes sont encouragés à faire circuler sur les réseaux sociaux les adresses des sites miroirs avec le hashtag #CollateralFreedom pour que les internautes potentiellement intéressés s'y rendent. Grégoire Pouget explique au journal Le Monde avoir pris les dispositions nécessaires pour protéger l'anonymat des utilisateurs : « Comme la connexion sur ces sites se fait en « https », le trafic est chiffré. Le fournisseur d'accès saura que l'internaute se connecte à un site de Microsoft, mais c'est tout. »

Pour cette opération, RSF a profité de l'expérience de Greatfire, une ONG chinoise qui lutte contre la censure sur Internet depuis 2013. GreatFire a notamment créé un site miroir de Google, permettant à l'internaute chinois de se rendre sur le moteur de recherche censuré en Chine. Mis en place depuis plus d'un an, le Google chinois est toujours en place. Pour que les sites d'information rendus accessibles par RSF le restent le plus longtemps possible, un appel aux dons a été lancé sur le site de l'association, pour contribuer à financer la bande passante. Les outils utilisés pour fabriquer ces sites miroirs sont en accès libre sur le site Github.

L'année dernière, ce sont les agences de surveillance de pays occidentaux, la NSA et le GCHQ qui avaient été désignées comme les ennemies d'Internet dans un rapport de RSF, qui était paru quelques mois après les révélations d'Edward Snowden sur les méthodes de la NSA.

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho

Image via Capture d'écran Collateral Freedom