Sans faire exprès, Dennis Rodman a permis la libération d'un prisonnier américain en Corée du Nord

Kenneth Bae, un citoyen américain détenu en Corée du Nord pendant plus de deux ans, a publiquement remercié l'ancien joueur de basket Dennis Rodman pour l'avoir aidé à retrouver sa liberté. Bae est persuadé que l'attention générée par une violente tirade de l'ancien joueur des Chicago Bulls prononcée sur CNN en 2014 a contribué à obtenir sa libération.

D'origine sud-coréenne, Bae est devenu Américain à son adolescence quand il a émigré aux États-Unis avec le reste de sa famille. Mais en 2012 il décide de quitter la banlieue de Seattle dans l'État de Washington pour s'installer en Chine, où il commence à travailler en tant que guide pour les touristes américains et canadiens qui veulent visiter la Corée du Nord. Le 3 novembre 2012, Bae est arrêté par les autorités nord-coréennes.

La police l'attrape à Rason, une ville portuaire du nord-est de la Corée du Nord, où il y a une zone économique spéciale créée par le régime de Pyongyang pour promouvoir le tourisme et le commerce. Au début, aucune raison n'est fournie quant à son arrestation. Mais Bae est un fervent chrétien, ce qui pourrait avoir attiré l'attention des autorités d'un pays où les religions et tout prosélytisme sont strictement interdits.

En avril 2013, il est condamné à 15 ans de prison et est contraint au travail forcé. À l'époque, la Corée du Nord détient d'autres prisonniers américains qui reçoivent une couverture médiatique extensive. Mais le cas de Bae est largement négligé par les grands médias. Puis en janvier 2014, Rodman (qui s'était rendu en Corée du Nord en 2013 pour un match de basket avec les Harlem Globetrotters) prend la parole sur CNN et laisse entendre que Bae n'a eu que ce qu'il mérite.

« Est-ce que vous comprenez ce qu'il a fait dans ce pays ? » demande Rodman au présentateur star de CNN, Chris Cuomo. Le journaliste lui répond que Bae n'a jamais été accusé formellement d'un quelconque crime, puis le ton monte entre les deux hommes. « Non, non, non, dites-moi. Pourquoi est-il détenu dans ce pays, pourquoi ? »

Quand Cuomo le relance soutenant qu'il n'y a aucune preuve que Bae a fait quelque chose de mal, l'ancien joueur de basket répond « Je n'en ai rien à carrer de ce que vous pouvez bien putain de penser. »

Après son passage sur CNN, Rodman se retrouve sous un déluge de critiques de la part de personnalités politiques américaines et de groupes de défense des droits de l'homme. Rodman finit par s'excuser et expliqué qu'il buvait pas mal à l'époque de son interview avec CNN. En novembre 2014, Bae est libéré avec un autre Américain, Matthew Todd Miller, après une visite à Pyongyang de James Clapper, le directeur du renseignement national. Bae a passé au total 735 jours détenu en Corée du Nord.

Bae a aujourd'hui 47 ans et publie ses mémoires sur son emprisonnement. Cette semaine, il a déclaré sur CNN que le pétage de plomb de Rodman à l'antenne a été un événement déterminant qui a motivé les autorités américaines à redoubler d'efforts pour le libérer.

« Je veux remercier Dennis Rodman d'avoir été un catalyseur de ma libération, » a dit Bae. « Grâce à sa tirade, l'attention médiatique s'est accentuée sur mon cas. Donc si je le rencontre un jour, je voudrais le remercier pour ce qu'il a fait. Il a réellement attiré l'attention internationale sur mon calvaire. »

Six mois après son incarcération en Corée du Nord, les autorités du pays avaient finalement accusé Bae de prêcher à l'encontre du leader Kim Jong-un dans les églises coréennes américaines et sud-coréennes. On lui reprochait aussi de travailler avec une organisation évangélique pour monter des « bases complotistes » en Chine afin de renverser le gouvernement à Pyongyang. En complément, l'État ermite l'accusait de faire rentrer de la propagande et des soutiens de sa cause dans le pays par le biais de son tour operator. Enfin, il a été accusé d'avoir mis au point « l'Opération Jéricho » — un plan qui devait permettre de mettre à mal le gouvernement nord-coréen.

Dans un communiqué publié le mois dernier pour promouvoir ses mémoires, Bae explique avoir « commis une terrible erreur en emportant avec lui un disque dur externe sur lequel il y avait des documents hostiles et anti-nord coréens.

Le site d'information spécialisé NK News, citant des médias coréens, avait précédemment indiqué que Bae avait fait rentrer dans le pays une copie d'un documentaire de National Geographic, tourné secrètement dans le pays, ainsi qu'un livre portant sur les violations des droits de l'homme en Chine et en Corée du Nord.

La famille de Bae avait annoncé pendant sa captivité qu'il avait perdu plus de 20 kilos lors de son emprisonnement. Cette semaine, il a confié à CNN qu'il a fait face au pire dans les camps de travail nord-coréens. « Je travaillais de 8 heures du matin à 6 heures du soir, dans les champs, à porter des pierres, à pelleter du charbon, » explique-t-il. Bae est diabétique, il a donc été hospitalisé en Corée du Nord à de nombreuses reprises notamment après avoir perdu la vue temporairement et pour des calculs rénaux.

Lors de son entretien avec CNN, Bae se rappelle que ses geôliers se moquaient de lui et lui disaient que personne aux États-Unis ne travaillait à sa libération. Un officiel lui avait même dit, « Personne ne se souvient de toi. Tout le monde t'a oublié, même ton gouvernement. Tu n'es pas près de rentrer chez toi. Tu vas passer 15 ans ici. Tu auras 60 ans avant de partir. »

Rodman n'a pas encore commenté les remarques faites par Bae. L'ancien joueur n'est plus retourné en Corée du Nord depuis janvier 2014 et un voyage organisé par le site de paris irlandais Paddy Power. Il avait fait l'objet d'une enquête suite à ce voyage. Rodman aurait fourni à Kim Jong-un des objets de luxe comme des bouteilles de vodka et de whisky — ce qui est interdit dans le cadre du régime des sanctions imposées par les États-Unis.

Deux citoyens américains sont actuellement détenus aux États-Unis. Otto Warmbier, un étudiant de l'université de Virginie, est prisonnier depuis janvier pour avoir commis « des actes hostiles » envers le pays. De passage à Pyongyang, il aurait essayé de voler un poster de propagande dans son hôtel au milieu de la nuit. Kim Dong-chul, un homme d'affaires d'origine sud-coréenne qui vivait en dans l'État de Virginie, est détenu depuis octobre dernier pour des faits d'espionnage.