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Crime

Les "Sex parties" des agents anti-drogue américains ont fait tomber leur chef

La patronne de l'Agence américaine de lutte contre la drogue, Michele Leonhart, part officiellement à la retraite à la suite de la publication d'un rapports révélant le détail des « sex parties » de la DEA.
Photo par Jonathan Ernst/Reuters

Cet article  publié à l'origine le 27 mars a été mis à jour ce 22 avril 

La patronne de l'Agence américaine de lutte contre la drogue, Michele Leonhart, part officiellement à la retraite à la suite de la publication d'un rapport révélant le détail des « sex parties » de la DEA. Ces soirées ont été payées par des proches de cartels de la drogue colombiens entre 2001 et 2005. Dans un communiqué publié ce mardi, le ministre de la justice Eric Holder, a annoncé que Michele Leonhart quitterait son poste mi-mai.

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Une commission du congrès doit enquêter sur la conduite des agents des stups américains, pour déterminer si des informations importantes ont été divulguées pendant ces soirées où étaient impliqués les agents américains de la force anti-drogue installés en Amérique latine.

Cela fait des décennies que l'Amérique dépense des milliards de dollars dans le cadre de sa "guerre contre la drogue" qui s'étend du Mexique à la Patagonie. Reste que de plus en plus de drogue part pour le Nord du continent. Un rapport publié à la mi-mars explosif du Département de la Justice américain (DOJ) explique que des agents américains en poste en Colombie ont quant à eux décidé que dans ce contexte d'inefficacité, autant aller se détendre dans des "fêtes du sexe" financées par les cartels. Ils se sont également rendus régulièrement dans les bordels du pays.

Le rapport, publié à la mi-mars par le DOJ, indique que quatre agences américaines impliquées dans la guerre sur la drogue en Colombie n'ont pas correctement pris en compte des accusations relatives à des comportements sexuels répréhensibles de la part de leurs agents présents sur le territoire colombien. Il s'agit de la Drug Enforcement Administration (DEA), le Bureau of Alcohol, Tobacco, Firearms, and Explosives, le Federal Bureau of Investigation (FBI), et les US Marshals. De tous, c'est la DEA qui décroche le pompon des comportements les plus inadéquats, avec par exemple des orgies sexuelles. Le service anti drogue n'a pas non plus répondu aux demandes de réaction sur ce sujet adressées par le DOJ.

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Les enquêteurs se sont penchés sur des agissements entre 2009 et 2012, mais ils ont expliqué que ce genre de comportement remontait au moins jusqu'en 2005. Parmi les découvertes les plus notables, on trouve des accusations qui concernent une dizaine d'agents de la DEA installés en Colombie. Il est dit qu'ils ont : "sollicité des prostituées et se sont livrés à d'autres dérapages". Un policier colombien aurait utilisé de l'argent venu de "cartels de la drogue locaux" pour arranger des ébats tarifés à destination des agents. Ces fiestas se sont tenues ces dernières années dans les locaux de "leur quartier général loué par le gouvernement."

Les gens à la DEA supervisant les activités de l'agence en Colombie auraient été au courant de ces "fêtes", ils ont reçu notamment des plaintes de la copropriété à cause du bruit fait lors de ces sauteries. D'après le rapport, le directeur régional de l'agence "a justifié cette absence de remontée de ces accusations à ses supérieurs en disant qu'il s'agissait d'un problème de management d'équipe." Des visites des agents dans des bordels locaux n'ont pas été non plus signalées.

Certains des agents impliqués dans ces activités de débauche expliquent qu'ils n'étaient pas au courant du fait que des barons de la drogue avaient subventionné leurs activités récréatives. Mais le DOJ après enquête, a déterminé qu'ils "auraient dû savoir que les prostituées présentes étaient payées avec l'argent des cartels."

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En plus d'avoir sollicité des prostituées et d'avoir fait payer par d'autres ces rencontres, trois agents spéciaux de la DEA (des superviseurs) auraient apparemment reçu "de l'argent, des cadeaux hors de prix, et des armes, de la part de membres du cartel." Sept des dix agents ont fini par reconnaître qu'ils étaient présents aux fêtes. La DEA a prononcé des suspensions de deux à dix jours.

"L'inspecteur de la DEA nous a dit que la prostitution était considérée comme quelque chose faisant partie de la culture locale, et qu'elle était tolérée dans certaines zones appelées "zones de tolérance", dit le rapport. "Selon l'inspecteur il est habituel de voir des prostituées dans des réunions mêlant des membres des cartels et des officiers étrangers. L'inspecteur de la DEA nous a également dit que le fait que ce genre de comportement soit aussi accepté influait sur la manière dont les représentants des forces de l'ordre agissaient dans le cas de ce pays précis."

Le rapport du DOJ alerte par ailleurs sur le fait que ces orgies ont possiblement mis en danger le secret du travail des agents. Cela donne une toute nouvelle acception de l'expression "sexualité à risque".

"Le fait que la plupart des ces "fêtes du sexe" aient eu lieu dans des locaux loués par le gouvernement, là où se trouvent les ordinateurs des agents, les appareils BlackBerry, et d'autres équipements du gouvernement, cela peut avoir conduit à des situations à risques en termes de sécurité pour la DEA et les agents participant à ces soirées, les exposant à de possibles chantages, à de l'extortion ou de la coercition," dit le rapport.

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Les enquêteurs n'ont pas été rassurés par le fait qu'un officier colombien leur dise qu'il avait protégé les armes et le reste du matériel pendant que les agents étaient avec les travailleuses du sexe.

"Les prostituées dans les quartiers des agents pouvaient facilement accéder à du materiel et des informations sensibles de la DEA." dit le DOJ

Dans les quatre agences inspectées par l'enquêteur général, on a trouvé "relativement peu d'accusations de harcèlement sexuel ou de mauvais comportements." C'est la bonne nouvelle.

Maintenant la mauvaise : sur 258 accusations contre des agents du FBI portant sur des comportements sexuels déplacés et des situations de harcèlement, le DOJ a constaté que dans 32 cas "les superviseurs du FBI n'avaient pas signalé ces accusations " au service d'inspection de l'agence. Le rapport conclut que "la manière dont ces accusations ont été gérées révèle des problèmes sérieux et systémiques en ce qui concerne les parties prenantes du processus, nécessitant des corrections immédiates."

Le rapport souligne que le FBI comme la DEA n'ont pas été très coopératifs avec les enquêteurs du DOJ.

"Du coup, nous ne pouvons pas être tout à fait confiants dans le fait que le FBI et la DEA nous ont fait suivre toutes les informations utiles à cette évaluation," indique le rapport.

Le porte-parole du DOJ, Patrick Rodenbush, a déclaré à VICE News que le DOJ "travaille déjà avec les services concernés pour mettre en place une politique renforcée de tolérance zéro en matière de harcèlement sexuel et de mauvaises conduites, et à faire en sorte que ces incidents soient correctement signalés."

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Les accusations présentes dans le rapport du DOJ arrivent après une autre enquête du Département américain de la Sécurité intérieure et de l'armée américaine qui porte sur des agents des services secrets et de l'armée. Ils auraient payé les services de prostituées tout en préparant la visite présidentielle en Colombie de 2012.

Le gouvernement américain a déployé de nombreux agents anti-drogue en Colombie depuis le lancement du Plan Colombie en 2000. 9 milliards de dollars investis en aide militaire pour doper la lutte contre les cartels de la drogue.

"Il y a des antécédents, en termes d'abus sexuels et de comportements illégaux, qui ne sont pas le seul fait de la DEA mais aussi de militaires et de contractuels," nous explique Sanho Tree, directeur du Drug Policy Project à l'Institute for Policy Studies. "Je pense que de toutes les différentes agences impliquées dans la guerre contre la drogue, la DEA a été la plus bornée et la plus détestable."

En 2000, le Département d'État américain a estimé que près de 90 pour cent de toute la cocaïne présente sur son territoire venait de la Colombie. Ceux qui critiquent la guerre contre la drogue menée par les États-Unis mettent en avant le fait qu'après 15 ans d'interdictions diverses et de destruction des cultures, ce chiffre est resté grosso modo le même.

Suivez Samuel Oakford sur Twitter: @samueloakford