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Belgique

D’où vient Sharia4Belgium condamné en Belgique ?

La justice belge a qualifié ce groupe de terroriste, et a condamné ce mercredi plusieurs de ses membres à d’importantes peines de prison. On estime que Sharia4Belgium était le principal recruteur belge pour le djihad en Syrie.
Image via Flickr / CGP Grey

Plusieurs membres du groupe islamiste Sharia4Belgium, considéré comme le principal pourvoyeur de djihadistes belges vers la Syrie, ont été reconnus coupables d'avoir formé une « organisation terroriste » dans un jugement rendu mercredi 11 février par le tribunal correctionnel d'Anvers.

Sharia4Belgium avait été officiellement dissoute en 2012, mais la justice considérait que le groupe continuait de servir de filière d'envoi de jeunes en Syrie quand son leader présumé Fouad Belkacem a été arrêté en 2013.

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Condamné à trois reprises pour vol, en 2002, 2004 et 2007, Fouad Belkacem, est considéré par le procureur fédéral Ann Fransen comme « l'incontestable numéro un » de Sharia4Belgium. Ce belge d'origine marocaine, âgé de 32 ans a été condamné à 12 ans de prison dans la décision de justice rendue ce mercredi ; les autres prévenus ont été condamnés à des peines de trois à cinq ans, certaines peines s'accompagnant d'un sursis. « Belkacem est responsable de la radicalisation de jeunes pour les préparer à un combat armé salafiste au sein duquel il n'y a pas de place pour les valeurs démocratiques », a affirmé le juge.

Le procès s'est ouvert en septembre dernier dans un contexte particulier, quatre mois après l'attentat contre le musée juif de Bruxelles. Le verdict a été rendu lui aussi dans un contexte marqué par les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher en France, au début du mois de janvier. Vague d'attaques suivie de nombreuses opérations de démantèlement de réseaux suspectés de terrorisme ou d'être des points de départ vers la Syrie. On peut rappeler notamment un raid antiterroriste spectaculaire à Verviers, en Belgique wallonne il y a quelques semaines.

La Belgique est le pays qui compte le ratio le plus important de djihadistes, ou candidats au djihad, par rapport à sa population totale : environ 450 Belges sont partis combattre en Syrie ou en Irak.

Sharia4Belgium serait responsable de l'envoi de 10% d'entre eux, surtout vers le front Al-Nosra, a précisé le chercheur Romain Caillet à VICE News.

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« Sharia4Belgium recrutait des jeunes pour la lutte armée et organisait leur départ vers la Syrie, » a déclaré le juge du tribunal correctionnel d'Anvers.

Ce procès contre un groupe terroriste musulman est le plus important que la Belgique ait connu : 46 personnes étaient jugées pour avoir pris part aux activités du groupe salafiste. Seuls neufs d'entre elles étaient présentes, les 37 autres prévenus étaient encore en Syrie, ou morts au combat.

Sharia4Belgium est un groupe salafiste inspiré du groupe Sharia4UK fondé en 2008 au Royaume-Uni par les prédicateurs Omar Bakri et Anjem Choudary, qui s'est également décliné dans d'autres pays comme la Hollande, le Danemark, et même les États-Unis. Le groupe apparaît en Belgique en 2010 à Anvers — en Belgique néerlandophone — au moment des élections législatives. Le sociologue des religions belge Felice Dassetto, a expliqué à VICE News que ce groupe est « un mouvement classique de radicalisme issu des frères musulmans britanniques, qui prônent une idéologie pro sharia. Un mouvement qui dit qu'un vrai musulman doit affirmer la communauté musulmane dans l'espace public, une vision politique du religieux. »

Comme son nom l'indique, l'un des objectifs de Sharia4Belgium était donc d'imposer la sharia en Belgique. Le groupe a notamment dénoncé « l'illégitimité des élections belges », et a menacé de détruire l'Atomium de Bruxelles. Le groupe affichait également son soutien aux femmes voulant porter la burqa dans l'espace public, quand la loi française voulait l'interdire.

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C'est à l'occasion d'une manifestation contre la loi anti-burqa que VICE a cherché à rentrer en contact avec Fouad Belkacem, alias Abu Imran, inspirateur du mouvement. En juin 2011, VICE l'a interviewé. Il se présentait alors comme le « porte-parole » de Sharia4Belgium et Sharia4Holland.

« On en a marre que notre Oumma, c'est-à-dire la communauté musulmane du monde entier, fasse constamment l'objet d'attaques injustes. Personne ne nous écoute, » expliquait-il alors à VICE.

L'homme refusait catégoriquement d'être considéré comme la tête pensante d'un groupe terroriste. « On veut satisfaire la volonté d'Allah ; c'est notre mission. La véritable religion doit dominer le monde. Je veux évidemment parler de l'Islam. On veut que notre message soit clair. L'Islam ne fait aucun compromis. On ne tourne pas autour du pot. On revendique ouvertement la suprématie de l'Islam dans le monde, » affirmait-il dans cette même interview. « On ne croit pas en la séparation de l'Église et de l'État. Regardez ce que la démocratie nous a apporté : une crise économique. Notre pays n'a plus de gouvernement depuis un an. Comment peut-on encore dire que les valeurs de la démocratie sont belles ? »

Pour le chercheur Montasser AlDe'emeh, qui a suivi des djihadistes belges en Syrie, le fait que la Belgique n'existe pas comme « pays », en raison des divisions entre Wallons et Flamands serait un des facteurs expliquant la radicalisation des jeunes : « Nous vivons dans un pays divisé, » déclarait-il il y a plusieurs semaines au magazine allemand Spiegel, « La structure claire d'une théocratie islamique apparaît donc comme plus attirante. »

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Image via Flickr / CGP Grey