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FRANCE

Suspendu du FN, Jean-Marie Le Pen « répudie » sa fille Marine

La décision ce lundi soir du bureau exécutif du Front National met fin à un mois de rebondissements dans le parti frontiste sur fond de brouille familiale, de manifestations Femen et de comptes cachés en Suisse.
Image via Wikimedia Commons / Kenji-Baptiste OIKAWA

Le bureau exécutif du Front national (FN) a suspendu l'adhésion, ce lundi soir, de son président d'honneur et fondateur du parti Jean-Marie Le Pen, à la suite les propos polémiques qu'il a prononcés au début du mois d'avril, notamment sur le maréchal Pétain et les chambres à gaz pendant la Seconde Guerre mondiale.

Jean-Marie Le Pen a qualifié cette décision de « félonie » sur la radio Europe 1. « J'ai honte que la présidente du Front national porte mon nom, » a-t-il poursuivi en ciblant sa fille Marine Le Pen, présidente du parti. « Je souhaite d'ailleurs qu'elle perde [ce nom] le plus rapidement possible. »

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La décision du bureau exécutif, présidé par Marine Le Pen, a été publiée dans un communiqué, qui précise que « dans un délai de trois mois », une assemblée générale extraordinaire sera convoquée dans le but de statuer sur la suppression du statut de président d'honneur du FN dans sa forme actuelle.

Parmi les nombreuses attaques proférées en douze heures par Jean-Marie Le Pen envers sa fille, celui-ci s'est déclaré opposé à une victoire de Marine Le Pen aux élections présidentielles de 2017. « Si de tels principes moraux devaient présider à l'État français, ce serait scandaleux, » a-t-il commenté, ajoutant que sa fille est « un peu pire que l'UMPS », expression utilisée par le FN pour dénoncer ce que le parti estime être la convergence entre le Parti socialiste et l'UMP.

Ce sont deux interviews successives accordées à la chaîne BFM TV et au journal d'extrême-droite Rivarol, qui ont achevé d'isoler Jean-Marie Le Pen au sein du FN. Lors de la première interview à BFM TV, il maintenait ses propos qui considéraient les chambres à gaz comme un « point de détail » de la Seconde Guerre mondiale. Cinq jours plus tard, dans Rivarol, Jean-Marie Le Pen affirmait vouloir « sauver l'Europe boréale et le monde blanc », réhabilitait le maréchal Pétain et critiquait la présence d'homosexuels et de cadres venus de la gauche au sein du FN. Après ces sorties, le 13 avril dernier, Jean-Marie Le Pen a été poussé à renoncer à être candidat aux élections régionales, au profit de sa petite fille Marion Maréchal-Le Pen.

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Image via Wikimedia Commons / Kenji-Baptiste OIKAWA

"La force d'une famille, comme la force d'une armée, réside dans la loyauté de ses membres"

— Jean-Marie Le Pen (@lepenjm) 10 Avril 2015

La décision du bureau exécutif du FN vient clore une période de tensions sans précédent dans les instances dirigeantes du parti. Dimanche, alors qu'elle était l'invitée d'Europe 1, iTélé et Le Monde, Marine Le Pen estimait que son père ne devait « plus pouvoir parler au nom du Front national », ajoutant que « Nous devons préserver le FN des propos inadmissibles de Jean-Marie Le Pen. » Tout au long du mois d'avril, la présidente du FN s'est désolidarisée des propos de son père qui mettent à mal la stratégie de « dédiabolisation » du parti, destinée à rendre le FN plus accepté dans l'arène politique, notamment en vue de la prochaine présidentielle de 2017.

La présidente du FN a qualifié le comportement de Jean-Marie Le Pen, lors du défilé traditionnel du FN, le 1er mai dernier, de « malveillant » et « méprisant à [son] égard». Le président d'honneur du Front national s'est en effet illustré par sa présence, ce vendredi 1er mai, alors que l'organisation du défilé n'avait prévu aucune intervention publique de sa part.

Lors de ce défilé traditionnel du FN, instauré en 1988 pour rendre hommage à Jeanne d'Arc, vers 9 heures, les militants du FN, présents sur la place des Pyramides, le point de départ du défilé où trône une statue de Jeanne d'Arc, ont acclamé Jean-Marie Le Pen, venu déposer une gerbe de fleurs au pied de la statue, quelques minutes après que Marine Le Pen a fait de même, séparément. Le rassemblement de quelques milliers de personnes s'est ensuite rendu sur la place de l'Opéra. Une deuxième fois, Jean-Marie Le Pen a bousculé le protocole en montant sur l'estrade — alors qu'il était exceptionnellement privé de discours — juste avant la prise de parole de Marine Le Pen, apparemment surprise par ce coup d'éclat. Le public a à nouveau acclamé l'ancien président du FN, rapporte Alvaro de la Lama de VICE News, qui était sur place.

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« Il y a eu une volonté très claire, par Marine Le Pen, de reprise en main de la commémoration, » estime Jean-Yves Camus, chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris) et sociologue spécialiste de l'extrême-droite. « Au final, Jean-Marie Le Pen a fait tout ce qui n'était pas prévu, » explique-t-il à VICE News.

Les démonstrations de soutien des militants FN envers leur ancien président témoignent, selon M. Camus, d'un « fossé entre la base du parti et sa direction, qui a une approche moins sentimentale de la question ». Marine Le Pen est « contrainte politiquement d'écarter son père », estime-t-il, « car les propos de Jean-Marie Le Pen sont responsables de l'ostracisme dont a été objet le parti. »

À lire : Le Pen vs Le Pen : « Sa fille, sa créature, lui échappe »

Le vice-président du Front national Florian Philippot et l'avocat Gilbert Collard, député et secrétaire du Rassemblement Bleu Marine, une coalition de partis dont fait partie le FN, sont « plus incisifs envers Jean-Marie Le Pen », ce qui n'est « pas très bien reçu par des militants qui trouvent cela ingrat », selon Jean-Yves Camus.

La rupture politique avec JMLP est désormais totale et définitive. Sous l'impulsion de Marine Le Pen des décisions seront prises rapidement.

— Florian Philippot (@f_philippot) April 8, 2015

"Ce que j'espère de Jean-Marie Le Pen, c'est qu'il se retire et écrive ses mémoires." #TirsCroisés

— Stéphane Ravier (@Stephane_Ravier) April 8, 2015

La position de la base du parti est ambivalente, résume M. Camus : « Ils expriment de la reconnaissance, mais aussi de l'agacement, car ils sont conscients des effets politiques néfastes de la présence de Jean-Marie Le Pen dans le parti, en particulier quand ce sont des jeunes qui sont là pour le pouvoir, » explique-t-il. « Et certains militants ne supportent vraiment pas ses déclarations, même s'ils incarnent d'autres formes de radicalités par rapport au reste de l'offre politique. »

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Suivez Matthieu Jublin sur Twitter : @MatthieuJublin

Image via Wikimedia Commons / Kenji-Baptiste OIKAWA