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Economie

TAFTA : un résumé pour comprendre ce projet de traité polémique

Six questions pour comprendre ce projet d’accord très controversé entre les États-Unis et l’Union européenne.
Le Parlement européen (Image via Wikimedia commons / CherryX)

Ce lundi, dans l'ouest du quartier de Manhattan à New York, des négociateurs de la Commission européenne et l'équipe du Bureau américain du Commerce se sont retrouvés lors du 13ème cycle de négociations du traité TAFTA (pour « Transatlantic Free Trade agreement »), qui vise à créer une immense zone de libre-échange entre les États-Unis et l'Union européenne.

D'où vient ce traité ?

Suite à la crise financière de 2008, les négociations traditionnelles entre les 162 pays membres de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) se sont considérablement tendues, en particulier autour de la question des zones d'échanges. Dans ce contexte, certains pays comme les États-Unis ont alors cherché d'autres voies de négociation afin de fonder de grandes zones commerciales dénuées d'obstacles, notamment douaniers. Côté européen, les membres du Parlement réfléchissent depuis 2006 à de nouveaux accords commerciaux avec les États-Unis, ce qui a mené au premier round de négociations USA-UE en juillet 2013.

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Depuis, quatre cycles de négociation sont organisés chaque année, à tour de rôle, entre les États-Unis et Bruxelles. Les sessions s'étalent généralement sur une semaine et incluent de plus en plus de consultations publiques en amont des négociations.

Qui sont les négociateurs ?

Depuis le début des tractations, deux équipes sont présentes autour de la table. La délégation américaine est menée par Michael Froman, le représentant américain au commerce (USTR). Face à eux, l'équipe d'Ignacio Garcia Bercero, négociateur en chef pour le compte de la Commission européenne.

Que négocient-ils ?

Leurs tractations visent à créer un immense marché économique recouvrant les États-Unis et l'Europe. L'objectif annoncé est de faciliter la vente de produits entre les pays concernés — qui pèsent pour 40 pour cent du PIB mondial.

« Cela représente plus de 800 millions de consommateurs », nous avait expliqué en août dernier Vincent Champain, un économiste français, ancien haut fonctionnaire, spécialisé dans l'étude de la coopération internationale. « Le traité concerne trois grands domaines : les droits de douane, les normes relatives aux produits et tout un ensemble de règles régissant le commerce entre les deux zones. »

D'après l'argumentaire de la Commission, l'adoption du traité TAFTA (aussi connu sous le nom de « Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement » — TTIP en anglais) doit permettre de répondre aux « défis majeurs » de l'Europe, à savoir « la relance de son économie, l'adaptation à d'autres économies émergentes, le maintien de son influence dans le monde ». Le tout en respectant les « normes élevées » de l'Europe en matière de santé et d'environnement rappelle la Commission.

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Côté américain, le Bureau du représentant au Commerce présente ce traité comme un accord « ambitieux » qui « fournira de nouvelles opportunités aux « familles, travailleurs, entreprises et fermiers » à travers les États-Unis. « 13 millions d'emplois aux USA et en Europe reposent déjà sur le commerce et les investissements transatlantiques » indique l'USTR, qui négocie en parallèle deux autres traités : l'accord de partenariat transpacifique (TPP, il concerne différents pays de la zone Asie-Pacifique) et l'accord sur le commerce des services (TiSA, qui concerne des pays de l'OMC). De nombreux économistes estiment qu'avec cette stratégie dite des « Trois grands T », les États-Unis cherchent eux aussi à conserver leur influence face aux puissances émergentes.

Pourquoi TAFTA est-il critiqué ?

En Europe, c'est l'extrême confidentialité de ces négociations qui dérange les critiques en premier lieu. En octobre 2014, le mandat secret de négociation — qui détaille la mission de l'équipe européenne au sujet du TAFTA — avait toutefois fuité sur Internet. Depuis août dernier, le site Wikileaks promet par ailleurs une récompense de 100 000 euros à quiconque lui livrera une copie récente du projet de traité.

Depuis juillet dernier et le 10e round de négociations, la Commission européenne intensifie ses campagnes d'ouverture vers le public en organisant des forums de professionnels et en publiant quelques-uns des documents utilisés par l'équipe de négociateurs européens. Un compte Twitter a également été créé pour l'occasion.

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Sur le fond, de nombreux groupes politiques ou citoyens craignent par ailleurs que les États-Unis ne profitent du TAFTA pour imposer certaines de leurs normes. L'exemple du boeuf aux hormones et des « poulets au chlore » — en référence à une pratique répandue dans l'industrie alimentaire américaine — a souvent été évoqué lors des manifestations. Il y a aussi eu la crainte de tribunaux privés capables de condamner un État à la demande d'une entreprise, qui avait suscité la polémique en mai 2014, forçant alors la commissaire européenne désignée au Commerce, Cecilia Malmström, à intervenir pour dissiper la rumeur.

Aux États-Unis, l'opposition à ce traité émane surtout des partisans du « Buy American / Buy America Act », un ensemble de lois qui impose au gouvernement américain d'utiliser autant que possible des produits fabriqués dans le pays. Les syndicats américains craignent également que le TAFTA ne soit néfaste pour les travailleurs. Le président américain Barack Obama a par ailleurs eu beaucoup de difficultés à obtenir, en juin dernier, l'autorisation du Sénat pour continuer à négocier les différents traités à l'international.

Sur quoi porte ce 13e round de négociation ?

Si le contenu des négociations actuelles est encore largement gardé secret, la Commission européenne a publié certains documents de travail sur son site Internet. À en croire cette liste, les deux équipes sont en train d'évaluer un certain nombre de normes concernant les produits agricoles, les boissons alcoolisées, les services de livraison, la propriété intellectuelle…

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Les deux parties doivent également aborder la question de la mise en place du traité TAFTA une fois celui-ci ratifié. Une conférence de presse prévue ce vendredi à New York devrait apporter plus de lumière sur l'avancée des tractations.

TAFTA a-t-il des chances d'être signé ?

Malgré le déplacement de Barack Obama en Allemagne ce lundi, certains acteurs — à l'image du gouvernement français — restent très sceptiques face à l'état actuel des négociations. Le Premier ministre Manuel Valls a en effet déclaré ce mardi que TAFTA « ne pourra pas aboutir s'il n'apporte pas les garanties que le niveau d'exigence que nous avons en France pour la santé et l'environnement de nos concitoyens sera maintenu ». Si les tractations dépassent le calendrier 2016, il est possible qu'elles soient encore ralenties côté américain, alors que certains candidats à la succession de Barack Obama sont globalement hostiles à ce traité.

À plus long terme, ce traité devra encore être approuvé par les 28 pays européens (citoyens et gouvernements), le Parlement européen et le Congrès américain. S'il entrait en vigueur un jour, le traité TAFTA viendrait alors s'ajouter aux quelques 35 zones de libre-échange qui existent déjà à travers le monde — devenant la plus importante de celles-ci.


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Image via Wikimedia commons / CherryX