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FRANCE

Témoignage d’une infirmière sous pression

Ce mardi, les infirmiers étaient en première ligne de manifestations du personnel hospitalier, pour dénoncer la dégradation des conditions de travail. Une infirmière nous raconte un « malaise » quotidien.
VICE News

Ce mardi, les infirmiers étaient en première ligne de manifestations du personnel hospitalier, pour dénoncer la dégradation des conditions de travail. Une infirmière nous a raconté un « malaise » quotidien.

À Paris, le cortège a réuni 3 500 personnes, selon la préfecture de police. Dans le reste de la France, infirmiers, aides-soignants et membres du personnel hospitalier se sont également mobilisés en nombre. Ils répondaient à un appel des fédérations FO, CGT, SUD et CFTC de la fonction publique hospitalière.

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Les manifestants grévistes ont dénoncé des coupes budgétaires, un manque d'effectif, une surcharge de travail. Le malaise dans le milieu a éclaté au grand jour après les suicides d'au moins cinq infirmiers l'été dernier. La Direction générale de l'offre de soins (DGOS) a reçu l'intersyndicale à la mi-journée, mais aucune annonce cruciale n'est ressortie de cet échange.

Parmi les manifestants, Hélène, infirmière depuis trois ans dans un service de réanimation d'un hôpital parisien. Elle témoigne de conditions de travail très difficiles :

« Ça m'arrive souvent de ne pas avoir le temps

de manger, d'aller aux toilettes, entre autres. Beaucoup craquent régulièrement. Il y a un malaise dans le milieu hospitalier.

Les patients et leurs familles, ce sont eux les premières victimes. Nous, on se sent de plus en plus coupables, parce que pour nous, l'aspect technique va prendre le dessus, pour assurer le côté vital, alors que notre métier est un métier humain, où on est censés échanger avec les patients.

En trois ans, je sens déjà une différence, surtout en termes d'effectifs. Le temps d'intégration des nouveaux infirmiers est de plus en plus réduit, car nous sommes en sous-effectif. Il n'y a pas de remplacement des absents. Il y a des arrêts de travail à répétition, car le personnel est fatigué. C'est un cercle vicieux… On travaille avec des équipes trop peu nombreuses, avec des manques de moyens. On s'épuise physiquement et moralement.

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Une journée type commence pour moi à 6h45, avec la répartition des chambres. Il y a ensuite les vérifications matinales du matériel, le début des soins en binôme (lorsque nous sommes en nombre), les pansements, les diverses demandes qui peuvent vite se cumuler.

Je fais si possible une pause en fin de matinée. Puis on reprend le tour de midi. On applique les nouvelles prescriptions jusqu'à 15h00 ou 16h00.

On déjeune si on a le temps…

Et puis il faut rajouter tous les à côté : les remplacements de collègues, les entrées de patients, ceux qui ont un pronostic grave et qui nécessitent de l'entraide, les transferts, essayer d'accueillir et d'écouter les familles, etc. La partie administrative prend beaucoup de temps, parce que l'on doit tout écrire dans le cas où il y a un problème quelconque, pour avoir une preuve. Quand je n'ai pas le temps de le faire pendant le travail, cela m'arrive de gratter sur mon temps libre.

Les étudiants stagiaires paramédicaux sont eux aussi de plus en plus sollicités. Ils sont les témoins du désarroi des soignants, alors qu'ils sont là pour être formés et suffisamment encadrés, ce qui n'est pas toujours le cas.

Mes collègues et moi-même sommes des gens motivés qui aiment leur travail. Mais nous n'avons pas le temps de l'exercer dans de bonnes conditions. Cela vaut autant pour nous que pour les patients et les familles. Nous avons des responsabilités qui ne sont pas reconnues.

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J'estime qu'on est bien entendus par notre hiérarchie directe, mais pas par ceux qui demandent aux cadres des objectifs qui ne sont pas réalisables.

Je me suis habituée au quotidien, même si ce n'est pas une bonne chose. On fait avec. On n'est pas forcément ravis de la journée en rentrant chez soi. Il y a un sentiment de culpabilité, de ne pas avoir fait assez bien notre métier. D'où le malaise. »


Propos recueillis par Henrique Valadares.

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Illustration : VICE News, avec Freepik via Flaticon.com