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Burundi

Tentative de coup d’État au Burundi

Un général de l’armée a annoncé en fin d’après midi mercredi sur une radio qu’il destituait le président Nkurunziza qui se trouve à ce moment en Tanzanie.
Photo par VICE News / Dieudonné Hakizimana

Dernière mise à jour à 18h30

À la mi-journée de ce mercredi, après une nouvelle matinée de protestations dans les rues de la capitale de Bujumbura, le général Godefroid Nyombare s'est adressé à la nation burundaise sur une radio privée burundaise pour annoncer que le président était « destitué de ses fonctions. » Une annonce qui a été faite alors que le Président Nkurunziza se trouve en Tanzanie, un pays voisin du Burundi pour un sommet avec des homologues de la région, visant à trouver une solution à cette crise. Depuis plus de deux semaines, des manifestants s'opposent dans des marches réprimées dans le sang, à la candidature de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat pour les élections de la fin juin.

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Selon un premier bilan dressé en fin d'après midi par la Croix-Rouge du Burundi, ce mercredi aurait fait 3 morts, dont un policier, et 66 blessés. Au moins 25 personnes seraient donc mortes depuis le début de la vague de manifestations.

Affrontements entre police et manifestants à Bujumbura le matin du 13 mai  via Le Monde

Un peu après 16 heures, la page Facebook de la présidence du Burundi a publié un communiqué, titré "Coup d'état fantaisiste". Le communiqué affirme notamment "qu'un groupe de militaires s'est mutiné ce matin" et que "cette tentative de coup d'état a été déjouée". La présidence ajoute que "ces gens qui ont lu ce communiqué de coup d'état […] sont recherchés par les forces de défense et de sécurité afin qu'ils soient traduits en justice."

Le correspondant sur place à Bujumbura de VICE News a fait état de tirs nourris et répétés dans les rues à la suite de la diffusion de ce message radio. En milieu d'après midi, la portée de cette annonce restait toutefois floue, on ne sait pas si l'annonce de Godefroid Niyombare a du poids sur les forces armées en place. Le président Pierre Nkurunziza se trouve encore à Dar es-Salaam, la capitale de la Tanzanie, où il s'est rendu aujourd'hui et où se tient un sommet régional destiné à trouver des solutions à la crise burundaise. D'autres chefs d'État de l'Est de l'Afrique participent à ce sommet. Le président burundais n'avait toujours pas réagi officiellement à l'annonce de coup d'État en début d'après midi, mais le compte Twitter de la Présidence a publié deux messages, affirmant d'une part qu'il n'y a "pas de coup d'état au Burundi" et d'autre part : "Tentative de coup d'Etat échouée au Burundi".

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La situation est maitrisée, il n'y a pas de coup d'Etat au — Burundi | Présidence (@BdiPresidence)13 Mai 2015

Un fichier audio publié sur internet est présenté comme l'enregistrement sonore de cette déclaration faite par le général Nyombare à l'antenne de la radio privée Insaganiro. Le message avait été d'abord accueilli comme une « blague » par les communicants de la présidence burundaise.

Les événements ont démarré plus tôt dans la journée lorsque les manifestations quotidiennes des opposants au président Nkurunziza se sont étendues au centre-ville de Bujumbura, la capitale burundaise, après avoir atteint, depuis ce mardi, des quartiers Hutus ordinairement plus calmes. Dans le quartier de Musaga, déjà touché par des violences ces dernières semaines, des heurts ont eu lieu. Mais la spécificité de cette journée c'est que pour la première fois depuis le début des manifestations, fin avril, la foule est parvenue à se réunir sur la place de l'Indépendance, en plein centre de la ville.

La police a une nouvelle fois fait usage de tirs de grenades lacrymogènes et de tirs de sommation à balles réelles, au lendemain d'une journée marquée par la mort d'au moins une manifestante et par le tabassage d'une policière suspectée par les protestataires d'être l'auteur du tir mortel.

— TEDDY MAZINA (@TEDDYMAZINA)12 Mai 2015

Depuis plus de deux semaines, les différentes organisations et agences de presse qui suivent les manifestations et les répressions font état d'au moins 22 morts, et plusieurs centaines de personnes arrêtées. L'Union panafricaine des avocats a annoncé sur son compte Twitter que des organisations de la société civile burundaises doivent s'exprimer depuis Dar es-Salaam à 16 heures (heure française).

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L'annonce du coup d'État a provoqué des "scènes de liesse" dans les rues de Bujumbura, selon le journal belge Le Soir. La radio privée RPA, qui avait cessé d'émettre il y a environ deux semaines sur décision du gouvernement, a été rouverte par des militaires, selon le correspondant du journal français Le Monde Jean-Philippe Remy. Des réseaux sociaux, dont WhatsApp, semblent avoir été également débloqués à Bujumbura, selon cette même source.

Témoignages de Belges au — Le Soir (@lesoir)May 13, 2015

Selon plusieurs journalistes présents sur place, la police s'est retirée des rues alors que l'armée, qui s'était illustrée par des positions diverses (putschiste ou loyaliste) sa neutralité ou son positionnement de tampon entre police et manifestants pendant les affrontements, a déployé des soldats. Des militaires sont notamment présents autour du bâtiment de la Radio Télévision Nationale Burundaise (RTNB), situé dans le centre de Bujumbura. Des centaines voire plusieurs milliers de personnes affluent vers ce bâtiment et des coups de feu ont été entendus, sans que l'on sache s'il s'agit de sommation ou non.

Militaires tiennent la RTNB. Avec renforts. Civils repoussés. Tirs en l'air. Mais convaincants. — Jean Philippe remy (@jpremylemonde)May 13, 2015

— Sonia Rolley (@soniarolley)May 13, 2015

En fin d'après midi, dans les rues de Bujumbura la position des soldats est encore floue. Certains militaires semblent rester fidèles à Pierre Nkurunziza et d'autres semblent soutenir la tentative de coup d'État. La radio RFI fait état de "tractations" qui auraient commencé entre ces deux camps de l'armée, en citant une source militaire.Un "haut-gradé" de l'armée burundaise aurait confirmé ces tractations à l'AFP, rapporte le site Jeune Afrique. Cette source a précisé que "les deux parties étaient d'accord pour ne pas verser le sang des Burundais."

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En début de soirée, l'attention se porte vers l'aéroport de Bujumbura, situé en bordure de la capitale. Le général Niyombare a ordonné sa fermeture, ainsi que la fermeture des frontières nationales. Des journalistes présents sur place font part du déploiement de militaires dans la zone de l'aéroport et, dans une moindre proportion, de la présence de policiers. Les lumières de l'aéroport sont éteintes et le personnel civil évacué. Les manifestants qui convergent vers l'aéroport seraient repartis à la demande de l'armée. Le president Nkurunziza aurait, quant a lui, quitté le sommet des chefs d'Etat est-africain, selon plusieurs médias. On ignorait en début de soirée s'il comptait rentrer au Burundi et s'il compte atterrir à l'aéroport de Bujumbura.

Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, "appelle urgemment toutes les parties à faire preuve de calme et de retenue", rapporte le journal Le Monde. "La situation est très changeante", a ajouté le porte-parole du secrétaire général

À la fin de cette journée de mercredi, de nombreuses inconnues demeurent donc et l'issue de cette tentative de coup d'état reste incertaine. On ignore notamment quel est le rapport de force entre les pro et les anti-Nkurunziza, en particulier au sein de l'armée, ce qui sera décisif dans les heures à venir.

Le général-major Godefroid Niyombare, qui a annoncé le coup d'état à la radio, est l'ancien chef d'état-major de l'armée burundaise et l'ancien patron du Service national de renseignements (SNR), les services secrets burundais. Il était l'allié du président Nkurunziza, au sein du CNDD-FDD, pendant la guerre civile burundaise qui a duré jusqu'en 2006. Leur parti est parvenu au pouvoir à l'issue de la guerre. En février, Godefroid Niyombare a été limogé de son poste à la tête du Service national de renseignements, trois mois seulement après avoir été nommé, car il aurait conseillé au président de ne pas se présenter aux élections présidentielles pour un troisième mandat.

Depuis bientôt trois semaines, les manifestants descendent dans les rues de la capitale Bujumbura pour protester contre la candidature du président Pierre Nkurunziza à un troisième mandat. Les élections sont dans plus d'un mois et le soulèvement s'est progressivement intensifié, jusqu'à la tentative de coup d'État de ce mercredi, malgré la répression brutale de la police qui a fait au moins 22 morts et de nombreux blessés.

Depuis que les manifestations ont commencé fin avril, on rapporte qu'au moins 600 personnes seraient détenues par la police. L'agence des Nations Unies pour les réfugiés a dénombré 40 000 Burundais qui ont traversé la frontière et se sont réfugiés au Rwanda, en Tanzanie et au Congo.