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Crime

Quand l’organisation État islamique fait dans le porno hongrois

C’était l’objet d’un échange lunaire par comptes Twitter interposés entre le Département d’État américain et l’organisation djihadiste.

Le Département d'État américain a utilisé le compte twitter d'un programme antiterroriste pour tacler un compte affilié à l'organisation État islamique (EI) qui a utilisé une image provenant d'un film pornographique hongrois en la faisant passer pour un exemple des exactions commises sur les musulmans sunnites.

Cet échange cocasse a été repéré la semaine dernière quand le compte twitter de Think Again Turn Away (« repensez-y, faites demi-tour ») du Département d'État américain a répondu à un message posté par le compte State of Islam qui montre une photo de femme se faisant violer par un groupe de soldats.

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— State of Islam (@Dawla__accountt)November 17, 2014

.— Think AgainTurn Away (@ThinkAgain_DOS)November 18, 2014

Think again Turn Away tweete régulièrement à propos des violations des Droits de l'homme et des meurtres d'innocents commis par l'EI, mais utilise un langage jeune et vernaculaire inhabituel pour des porte-paroles de gouvernements.

.— Think AgainTurn Away (@ThinkAgain_DOS)November 24, 2014

Patrick Skinner est un ancien responsable de la CIA, aujourd'hui directeur des projets spéciaux pour le groupe Soufan, une entreprise de renseignement en sécurité stratégique. Il étudie depuis le début de l'été la campagne que l'EI mène sur les réseaux sociaux. En dépit des efforts de Think Again Turn Away, il indique qu'il est peu probable que des contre-programmes du gouvernement américain parviennent à diminuer la portée de l'EI sur les réseaux sociaux.

« Je ne sais pas jusqu'à quel point ça a été efficace. Il y a beaucoup d'échanges bidon entre eux » déclare Skinner à VICE News. « Le Département d'État essaie de faire marcher la raison, et la raison ne marche pas en 140 caractères ou moins. C'est en revanche adapté à ce que l'EI veut faire. Mais le « Bien », c'est barbant. Leur public c'est les 14 - 26 ans, et ils se moquent pas mal de ce que disent les autorités. »

Skinner note que la plupart des gens qui suivent les comptes du Département d'État sont des membres du gouvernement, de think tanks, ou des médias. Les comptes pro-EI ont un public bien différent. À part des échanges occasionnels comme celui-ci à propos de la récupération d'image pornographique hongroise, les deux publics ne se chevauchent pas vraiment.

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« Il y a des gars de l'EI qui les trollent, ce qui est plutôt marrant, mais la plupart du temps ils s'adressent à des publics différents » dit-il.

James Robbins est membre du comité pour les affaires de sécurité nationale au Conseil de la politique extérieure. Lui aussi doute de l'efficacité de cette stratégie sociale.

« Dès que vous leur répondez, vous les légitimez » déclare Robbins à VICE News. « Que le puissant Département d'État s'abaisse à l'humble niveau de l'EI et qu'il s'adresse à eux sur les réseaux sociaux…C'est un terrain sur lequel il ne peut pas gagner. Selon moi, la meilleure manière de régler le problème c'est de supprimer les comptes de l'EI. Pas de leur répondre, de les supprimer. »

D'après une estimation de Skinner, l'organisation État islamique utilise entre 16 000 et 20 000 comptes individuels dans le monde entier, pour répandre rapidement des messages percutants qui plaisent au type de public « anti-autorité » qui prospère sur Twitter. Les tweets sont souvent accompagnés d'images saisissantes, et même souvent adoucies avec de l'humour. La présence du groupe terroriste est également considérable sur Instagram ou Tumblr, et s'étend à des applications de messagerie directe comme Snapchat.

L'utilisation des réseaux sociaux permet aux djihadistes de « semer le chaos dans les sociétés occidentales d'une manière qui leur serait autrement impossible » comme l'a dit Robbins dans une autre interview avec VICE News plus tôt dans le mois. « Il est très difficile de voyager depuis la zone contrôlée par l'EI vers chez nous. Ça, c'est une chose difficile à faire. Mais il est très facile de nous atteindre via les réseaux sociaux et d'essayer d'influencer quelqu'un ici pour agir en leur nom. C'est très dangereux. »

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Robbins note que même si Facebook, Twitter, et Tumblr clôturaient les comptes connus de propagande de l'EI, les mèmes Internet (images récurrentes souvent potaches et virales) et les messages qu'ils répandraient seraient de toute façon repris et largement diffusés par des milliers d'autres utilisateurs, dont les médias.

Les échanges vont très vite, et les comptes affiliés à l'EI donnent l'impression d'en faire des montagnes à chaque publication avant de passer à un autre sujet, si bien que lorsque le Département d'État publie une réponse, celle-ci semble dépassée.

« Vous ne pouvez pas essayer d'être plus cool qu'eux » dit Skinner. « Le Département d'État est aussi éloigné du cool qu'on puisse l'être. »

Cette analyse est confirmée avec cette réaction de Think Again Turn Away qui a été d'essayer de montrer frontalement que les membres de l'EI trouvent leur inspiration propagandiste dans le porno hard, en mettant de côté l'ironie de la situation. Du coup, beaucoup d'utilisateurs ont fait remarquer avec jubilation que le Département d'État est apparemment très doué pour reconnaître le porno hongrois.

The state department just wrecked ISIS for using Hungarian porn while also announcing that they instantly recognize Hungarian porn

— BBAM (@emceedermott)November 19, 2014

Il est important de noter que beaucoup des utilisateurs qui retweetent la propagande de l'organisation l'État islamique ne sont pas des membres de l'EI mais des sympathisants venant du monde entier. Les vrais djihadistes de l'EI sont plus occupés à se battre et à terroriser qu'à alimenter leurs fils de réseaux sociaux.

« Beaucoup d'entre eux sont juste des gamins qui pavoisent. C'est un peu comme porter des T-shirts Che Guevara, vous voyez, c'est un environnement à la Rage Against The Machine » explique Skinner. « Parmi eux, il a des individus vulnérables qui se font embarquer là-dedans, et c'est ceux-là qui font des loups solitaires. »

Suivez Colleen Curry sur Twitter : @currycolleen