FYI.

This story is over 5 years old.

Crime

Poursuite de l’opération Triton, la timide réponse de l’Europe au problème des migrants en Méditerranée

Bruxelles a annoncé le prolongement de son dispositif de surveillance des migrants illégaux en Méditerranée jusqu’à la fin de l’année 2015, un programme qui paraît limité alors que les drames se multiplient.
Photo via Francesco Malavolta/AP

La Commission européenne a annoncé jeudi dernier que « Triton », l'opération européenne de surveillance des migrants clandestins en Méditerranée, serait prolongée jusqu'à la fin de l'année 2015. Bruxelles a aussi annoncé l'octroi de 13,7 millions d'euros à l'Italie pour l'aider à gérer l'afflux de migrants. Au cours d'une conférence de presse annonçant ces mesures, le commissaire européen responsable des Affaires intérieures Dimitris Avramopoulos a déclaré « L'Italie n'est pas seule. L'Europe est à ses côtés, » faisant référence au statut de porte d'entrée privilégiée du pays dans l'Europe pour les migrants illégaux.

Publicité

L'opération Triton, pilotée par Frontex, l'agence européenne de surveillance des frontières a été lancée en novembre 2014, au moment où l'Italie mettait fin à son opération de sauvetage en mer « Mare Nostrum », qui a permis de sauver 150 000 personnes et d'arrêter 351 passeurs. En 2014, 170 000 migrants et demandeurs d'asile ont débarqué dans les ports italiens, un chiffre sans précédents.

Matteo De Bellis, chargé de campagne pour l'Italie chez Amnesty International s'est rendu la semaine du 16 février sur l'île de Lampedusa pour faire un état des lieux et recueillir les témoignages des survivants. Il expliquait à VICE News vendredi dernier que l'analyse de la situation faite la veille par la Commission Européenne était bonne, mais qu'il fallait plus de ressources : « La prolongation de l'opération Triton n'est pas une mauvaise chose per se, mais ce n'est pas ce dont on a besoin à présent. On a besoin d'une opération multilatérale en mer, avec comme objectif clairement annoncé de sauver des vies ainsi que des ressources nécessaires. C'est un problème européen qui a besoin d'une solution européenne, comme l'a déclaré le commissaire Avramopoulos. »

Dans ses missions comme dans ses ressources, Triton n'a pas les moyens de se substituer à Mare Nostrum. Triton est avant tout une opération de surveillance quand Mare Nostrum était une surtout une opération de sauvetage. Les bateaux de Triton ne peuvent pas se rendre en haute mer, dans les eaux internationales, où ont lieu la plupart des naufrages. Les navires ne peuvent s'éloigner à plus de 55 kilomètres des côtes italiennes. En plus de ces missions limitées, Triton ne dispose que de peu de moyens, 3 avions, 9 navires et 65 officiers, pour un budget qui va de 1,5 à 3 millions d'euros par mois. À titre de comparaison, Mare Nostrum mobilisait quotidiennement 900 soldats, 32 navires, plusieurs avions et hélicoptères pour un budget de l'ordre de 9 millions d'euros par mois, et pouvait opérer au large de la Libye un des points de départ majeur des candidats à la traversée clandestine.

Publicité

L'Italie, qui était seule à porter les coûts budgétaires de Mare Nostrum a arrêté l'opération en novembre 2014.

Mais le naufrage de trois canots pneumatiques au large de l'île italienne de Lampedusa qui a coûté la vie à près de 300 personnes le 8 février dernier est venu rappeler qu'une mission de surveillance des côtes qui n'est pas accompagnée d'une mission de sauvetage n'est pas adaptée à l'augmentation du nombre de migrants qui tentent de rejoindre l'Europe. Quand l'appel de détresse des bateaux a été entendu par les gardes-côtes, les navires de l'opération Triton, en charge de surveiller cette zone étaient amarrés l'un à Malte, l'autre en Sicile pour ravitaillement.

L'ancien président du Conseil italien Enrico Letta avait immédiatement réagi, demandant sur Twitter que Mare Nostrum soit rétablie, quel qu'en soit le coût politique.

— Enrico Letta (@EnricoLetta)11 Février 2015

Les ONG ont elles aussi dénoncé le manque d'implication de l'Union Européenne pour venir en aide aux migrants en Méditerranée : « Avec Mare Nostrum, il aurait été possible de mettre ces gens au chaud et au sec, de leur donner à manger », a déploré Flavio Di Giacomo, le porte-parole de l'Organisation internationale pour les migrations en Italie. Amnesty International a également fait ce constat : « De très nombreux réfugiés et migrants continueront à mourir en mer si le vide laissé par l'opération italienne de recherche et de sauvetage Mare Nostrum n'est pas comblé, » écrit l'association dans un communiqué.

Publicité

La politique migratoire sera à l'ordre du jour de la Commission Européenne le 4 mars prochain. Les autorités italiennes ont une nouvelle préoccupation : depuis quelques jours, des médias italiens rapportent que l'organisation État Islamique (EI) menacerait d'envoyer des centaines de milliers de migrants vers les côtes italiennes, utilisant ces derniers comme une « arme psychologique » pour dissuader l'Italie d'intervenir en Libye, rapporte le quotidien italien Il Messagero. Certains s'inquiètent que des terroristes se dissimulent parmi les migrants. Pour l'instant cependant, aucune revendication allant dans ce sens n'a été faite par l'EI et des spécialistes de la question djihadiste parlent plus de rumeur que de réelle menace.

Pour Matteo De Bellis, ce ne sont que des spéculations, il nous explique : « On n'a aucune preuve que des djihadistes tirent parti de cette situation [migratoire], et la Commission Européenne non plus. » Il ajoute que « même dans le cas extrême où ce scénario se produirait, ce n'est pas une raison pour ne pas sauver des vies en mer. »

Suivez Mélodie Bouchaud sur Twitter : @meloboucho

Follow Mélodie Bouchaud on Twitter: @meloboucho