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Crime

Étudiants disparus : une chronologie du scandale mexicain

Retour sur les moments clés de cette affaire toujours en cours qui a débuté le 26 septembre, date à laquelle des étudiants contestataires sont attaqués dans un bus par des hommes en armes.
Photo Hans-Maximo Musielik

Près de sept semaines après l'attaque du 26 septembre qui a fait 6 morts, 20 blessés et qui a provoqué la disparition de 43 étudiants mexicains, la rue scande toujours inlassablement le même message : « Vivants, ils ont été pris, vivants nous les voulons ! » Parents et survivants ont déclaré aux médias qu'ils ne perdraient pas espoir de retrouver leurs enfants et camarades vivants.

Ce mardi, des affrontements soutenus entre police et manifestants ont été rapportés à Acapulco.

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Pour comprendre l'affaire des étudiants disparus d'Ayotzinapa, nous avons compilé les événements de ces sept dernières semaines en une chronologie.

Les parents des étudiants disparus d'Ayotzinapa organisent une manifestation à Chilpancingo pour demander leur retour. (Photo de Lenin Ocampo)

26 septembre : Un groupe d'environ 120 étudiants de l'école normale d'Ayotzinapa près de Tixtla, au Guerrero se rend dans la ville d'Iguala pour protester contre les réformes de l'éducation et lever des fonds pour pouvoir se rendre à une autre manifestation organisée à Mexico.

Ils finissent par réquisitionner, ou « emprunter », trois autocars dans une station de bus. Le maire José Luis Abarca aurait demandé à la police d'arrêter et de mettre les étudiants en détention par crainte qu'ils ne sabotent un événement public, organisé en soutien aux ambitions politiques de son épouse.

Vers 20h30, la police municipale d'Iguala et d'autres hommes armés tendent une embuscade aux étudiants. Si des douzaines d'entre eux parviennent à s'échapper dans les rues adjacentes, les autres ont été embarqués dans des véhicules de la police.

Vers minuit, alors que des responsables et des journalistes se rassemblent sur la scène de l'embuscade, un autre convoi d'hommes armés commence à tirer sur les bus. Deux étudiants sont tués cette nuit-là, ainsi que trois témoins : un chauffeur de bus, une femme dans un taxi et un joueur de foot de 15 ans.

27 septembre : Le corps d'un quatrième étudiant, la sixième victime confirmée de cette attaque, est découvert. Julio Cesar Mondragon, un père de 22 ans originaire de Mexico est retrouvé, la peau du visage et les yeux arrachés — un mode d'exécution typique des cartels. Les survivants des attaques partent à la recherche des étudiants embarqués dans les prisons et dans les commissariats, mais ils sont introuvables.

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Les 43 normalistas d'Ayotzinapa, tous de jeunes hommes au début de leurs études, sont déclarés disparus par leurs camarades de classe et leurs parents.

28 septembre : Les autorités arrêtent 22 policiers municipaux d'Iguala pour leur implication dans ces attaques, qui auraient été menées en coordination avec le cartel Guerreros Unidos. On trouve des traces d'utilisations récentes sur les armes des officiers. On trouve des résidus de poudre de pistolet sur 19 policiers.

Une interview radiophonique de José Luis Abarca maire d'Iguala au Guerrero.

Un reportage mexicain montre des extraits vidéo présentant le maire et sa femme le soir des attaques.

1er octobre : Le gouverneur Angel Aguirre ordonne à José Luis Abarca de se « présenter » devant les autorités, mais le maire est introuvable.

4 octobre : Des équipes médico-légales trouvent quatre charniers où pourraient reposer les corps des étudiants disparus. Les autorités annoncent la découverte de 28 corps.

Le président mexicain Enrique Peña Nieto évoque le cas des étudiants disparus.

6 octobre : Dans un reportage de VICE News, les étudiants d'Ayotzinapa décrivent l'attaque du 26 septembre. Ils expliquent avoir pris l'habitude de confisquer les bus faute de moyens pour se déplacer. Les écoles normales seraient  négligées par le ministère de l'éducation nationale mexicain.

Pour la première fois, le président parle directement de la crise d'Ayotzinapa dans une déclaration nationale. « La société mexicaine, et les familles des jeunes étudiants qui ont malheureusement disparu demandent avec raison qu'une explication soit donnée et que justice soit faite, » dit-il.

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8 octobre : Première manifestation de grande ampleur à Mexico. Les étudiants d'Ayotzinapa sont en tête de cortège.

Le président Enrique Peña Nieto, tient une réunion avec son conseil de sécurité au sujet des attaques d'Iguala. (Photo via Presidencia de Mexico)

10 octobre : Le Bureau du haut-Commissariat au Droits de l'homme des Nations Unies publie un communiqué qui présente les attaques d'Iguala comme un « test déterminant » pour le gouvernement de Mexico alors que celui-ci fait face à des preuves indéniables de violation des droits de l'homme et d'abus à la suite de la fusillade du 26 septembre.

« Ce qui s'est passé dans le Guerrero est absolument répréhensible et inacceptable » peut-on lire dans le communiqué. « Il n'est pas tolérable que ce genre d'événement puisse se produire, et d'autant moins dans un État respectueux de la loi. »

11 octobre : Le gouvernement fédéral annonce que les corps découverts dans une première série de fosses communes ne sont pas ceux des étudiants disparus. L'opinion publique est désormais au courant que des charniers clandestins liés à la guerre de la drogue parsèment l'État du Guerrero.

Le président Enrique Peña Nieto, assis à gauche, en réunion avec son conseil de sécurité réuni pour les attaques d'Iguala (Photo via Presidencia de México).

12 octobre : Un survivant de l'attaque policière raconte à VICE News que les hommes armés qui ont fait feu sur les étudiants « ressemblaient à des policiers locaux, à cause de leur équipement, et ils nous ont dit " Fils de putes, Cassez-vous d'ici ! Remontez dans vos bus et foutez le camp, vous n'êtes pas les bienvenus dans cette ville !" »

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13 octobre : Des professeurs dissidents, des normalistas et d'autres individus masqués prennent d'assaut le siège du gouvernement du Guerrero à Chilpancingo. Ils retiennent des centaines de personnes en otage à l'intérieur du bâtiment pendant des heures. Peu après leur libération, les émeutiers mettent le feu en jetant des cocktails Molotov sur la façade du bâtiment.

Les manifestants ont aussi pris d'assaut un camion à pain qu'ils ont renversé avant d'y mettre le feu.

14 octobre : Au cours d'une conférence, le procureur général annonce qu'un chef présumé du gang de narcotrafiquants Guerreros Unidos se serait suicidé alors que le gouvernement fédéral essayait de le capturer dans l'État voisin du Morelos. Benjamín Mondragón aurait mis fin à ses jours pendant une fusillade.

« Il a regardé [par la fenêtre], a changé d'expression, et s'est tiré une balle dans la tête » raconte un responsable.

16 octobre : Enrique Peña Nieto fait un nouveau discours public à propos de d'Ayotzinapa. Il déclare que la résolution de cette affaire est une « priorité » pour l'État mexicain. Les étudiants d'universités et d'établissements du secondaire à travers tout le Mexique déclarent une grève de deux jours en soutien aux victimes.

Les mères des disparus allument des bougies sur un autel dédié aux disparus d'Ayotzinapa (Photo Hans-Maximo Musielik)

17 octobre : Le ministre de la justice mexicain Jesus Murrillo Karam annonce l'arrestation de Sidronio Casarrubias, le leader présumé des Guerreros Unidos. Sidronio Casarrubias aurait déclaré aux autorités que la confrontation avec les normalistas était « anecdotique ».

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19 octobre : Dans un reportage de VICE News, un membre des forces de la police municipale qualifie les efforts de recherche du gouvernement d'inconsistants, tandis que des volontaires passent les collines aux alentours d'Iguala au peigne fin à la recherche des disparus.

Les officiers fédéraux annoncent qu'ils vont prendre le contrôle de 13 villes du Guerrero et d'États avoisinants pour soulager les forces de police locale.

22 octobre : Des centaines de gens descendent dans les rues de Mexico et d'autres grandes villes dans le monde.

À Iguala, les étudiants d'Ayotzinapa reviennent sur les lieux de l'attaque pour la première fois, accompagnés des parents des disparus et de leurs soutiens. Une fois les enseignants partis, des individus masqués arrivent pour saccager l'hôtel de ville d'Iguala. Les mêmes pillent ensuite un centre commercial lié au maire fugitif.

À Mexico, le ministre de la justice Jesus Murrillo Karam confirme que le maire Abarca et son épouse ont directement ordonné l'attaque contre les étudiants.

Des manifestants lancent des pierres sur la maison du gouverneur à Chilpancingo. (Photo par Hans-Maximo Musielik)

23 octobre : Le gouverneur du Guerrero, Ángel Aguirre, démissionne sous la pression grandissante des manifestants. « Merci à tous les habitants du Guerrero qui m'ont accompagné, ceux qui m'ont fait confiance et qui m'on soutenu, » a tweeté Ángel Aguirre.

Gracias a todos los guerrerenses que me acompañaron, a quienes me dieron su confianza y apoyo.

— Ángel Aguirre Rivero (@AngelAguirreGro)October 24, 2014

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29 octobre : Des parents des familles des disparus s'entassent dans des bus et font le voyage depuis Ayotzinapa jusqu'à la résidence présidentielle Los Pinos à Mexico pour rencontrer le président Enrique Peña Nieto. Le rendez-vous dure cinq heures mais s'avère peu concluant pour les parents qui se déclarent frustrés et déçus .

4 novembre : Le maire fugitif José Luis Abarca et Maria de los Angeles de Pineda sont arrêtés dans une maison délabrée à Iztapalapa, un quartier pauvre et très peuplé de Mexico.

Une conférence de presse suit l'arrestation, mais les autorités ne donnent quasiment aucun autre détail sur les circonstances de l'arrestation du couple. Quelques jours plus tard une vidéo est rendue publique. Elle montre José Luis Abarca et sa femme traînés hors de la maison par la police fédérale aux alentours de 2 h 30 du marin. « Ne me touchez pas, vous vous prenez pour qui ? » aurait sèchement dit Maria de los Angeles de Pineda à un agent qui la tirait par le bras.

José Luis Abarca aurait dit à des témoins : « Je n'en pouvais plus de me cacher. »

À lire ici : Pourquoi le maire d'Iguala et sa femme sont arrêtés dans l'affaire des étudiants mexicains disparus.

5 novembre : Une immense manifestation a lieu mercredi soir à Mexico.

Des milliers de manifestants défilent dans le centre historique de la ville, deux semaines après un rassemblement de même ampleur. Les manifestants viennent de différents milieux. Parmi eux, des militants pour la paix, comme le poète Javier Sicilia.

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De nombreux manifestants demandent la démission d'Enrique Peña Nieto et le retour des étudiants disparus.

Esto no lo vera la TV.La red si ve a un México herido e indignado — epigmenio ibarra (@epigmenioibarra)November 6, 2014

6 novembre : Dans une conférence de presse à Mexico, de hauts responsables de l'ONG Human Rights Watch disent de l'affaire d'Ayotzinapa qu'elle est la pire crise des droits de l'homme à laquelle le Mexique fait face depuis le massacre de Tlatelolco en 1968.

« Au Mexique, l'impunité est la règle, et non l'exception, » déclare Jose Miguel Vivanco, le directeur de la branche Amériques de l'ONG.

7 novembre : Des responsables annoncent lors d'une conférence de presse que les étudiants disparus ont sans doute été assassinés par des bourreaux d'un cartel de drogue et incinérés dans une décharge de la ville voisine de Cocula, la nuit même de leur disparition.

Dans des enregistrements, trois hommes présentés comme les assassins disent avoir emmené un groupe de « 43 ou 44 » jeunes étudiants à la décharge et qu'ils ont utilisé de l'essence et des pneus pour les brûler dans un incendie qui a duré pendant plus de douze heures.

8 novembre : Des manifestants ont incendié la porte du palais où le président Enrique Peña Nieto organise ses cérémonies officielles, dans le centre historique de Mexico.

Les parents et les camarades de classe des 43 étudiants disparus disent à VICE News qu'ils contestent les déclarations faites le 7 novembre par le ministre de la justice Jesus Murillo Karam, disant que les normalistas avaient très probablement été brûlés dans une décharge près de la ville d'Iguala dans le Guerrero.