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Un agriculteur encourt cinq ans de prison pour avoir aidé des migrants

Cédric Herrou est devant le tribunal correctionnel de Nice ce mercredi après-midi, accusé d’avoir « facilité le séjour irrégulier d’étrangers » en France en les aidant à traverser la frontière franco-italienne.
Dans la vallée de la Roya, un message de soutien aux migrants tagué sur une gare désaffectée. Octobre 2016. (Pierre Longeray / VICE News)

Un agriculteur de la vallée de la Roya (Alpes maritimes), Cédric Herrou, fait face ce mercredi 4 janvier à la justice pour avoir aidé des migrants à traverser la frontière franco-italienne près de Vintimille et les avoir hébergés.

Si le « délit de solidarité » a été abrogé en 2012, les personnes qui viennent en aide aux migrants peuvent finir face à la justice. Le « délit de solidarité » permet de poursuivre « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l'entrée, la circulation ou le séjour irréguliers d'un étranger en France ». Il a été définitivement supprimé le 19 décembre 2012 après avoir été amendé plusieurs fois.

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Cédric Herrou, lui, encourt jusqu'à cinq ans de prison et 30 000 euros d'amende pour aide à l'entrée, à la circulation et au séjour de personnes en situation irrégulière. Cela car le parquet a estimé qu'il n'avait pas agi à titre humanitaire mais militant et pourrait donc presque être considéré comme un passeur.

« Cédric Herrou va chercher des étrangers à Vintimille, en Italie, et les aide ensuite à franchir la frontière, » a précisé à la Croix Jean-Michel Prêtre, le procureur de Nice. «Ces nombreux allers et retours n'en font évidemment pas un passeur au sens classique du terme (…). Reste qu'il a mis en place un dispositif qui, concrètement, facilite le franchissement de la frontière. » Pour cela, le magistrat considère que son acte est loin d'un « secours humanitaire ponctuel ».

Pour sa défense, en revanche, « il n'est pas un passeur, car il n'a pas profité de manière matérielle [de ses actes], »nous a dit son avocat, Me Zia Oloumi. « J'attends aujourd'hui que la justice mette de côté la pression médiatique et politique qui existe actuellement, exercée notamment par les préfets des régions. »

Dans la vallée de la Roya. (Pierre Longeray / VICE News)

La justice lui reproche notamment d'avoir investi un centre de vacances désaffecté de la SNCF en octobre pour y loger une cinquantaine de migrants qu'il ne pouvait pas héberger chez lui, ainsi que d'avoir transporté, depuis Vintimille 200 migrants. Selon Le Monde, les élus locaux LR avaient fortement dénoncé cette occupation, qui a pris fin après trois jours avec l'intervention de la police. Le président du conseil départemental des Alpes-Maritimes, Éric Ciotti (LR), avait d'ailleurs annoncé, début décembre, avoir porté plainte contre « une poignée d'activistes » pour le « passage clandestin d'étrangers à la frontière franco-italienne ». Il les a comparés à des passeurs « qui exploitent la détresse humaine ».

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Herrou avait déjà été interpellé une première fois en août dernier, lorsqu'il transportait huit Érythréens en voiture. Le parquet avait alors classé l'affaire sans suite, estimant qu'il s'agissait d'une démarche « humanitaire ».

« Ce que je fais n'est pas un sacrifice, c'est un honneur, » a déclaré l'agriculteur de 37 ans avant le début de son procès aujourd'hui. « Notre rôle, c'est d'aider les gens à surmonter les dangers, et le danger, c'est cette frontière qui a été établie au nom du terrorisme. Je demande au procureur que le préfet vienne lui aussi se justifier sur les milliers de mineurs reconduits à la frontière. »

La décision sera fort probablement « mis[e] en délibéré jusqu'au 6 janvier, notamment pour qu'elle soit rendue au même moment que celle concernant Pierre-Alain Mannoni », nous a expliqué Me Oloumi.

Le 23 novembre dernier, Pierre-Alain Mannoni, enseignant-chercheur à l'université de Nice Sophia-Antipolis, a été jugé pour avoir aidé des jeunes Érythréennes à traverser la frontière et rejoindre la gare de Draguignan. Le procureur a requis six mois de prison avec sursis. Mis en délibéré, le jugement sera rendu ce vendredi 6 janvier.


Suivez Henrique Valadares sur Twitter : @HenriqValadares