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Crime

Un dimanche dans Bangui avec le pape François

Après le Kenya et l’Ouganda, le pontife s’est rendu dans la capitale de la République centrafricaine pour délivrer un message de paix dans un pays meurtri par une guerre fratricide depuis 2013.
Photo de Daniel Dal Zennaro/EPA

Quand l'avion du pape François s'est posé ce dimanche matin à l'aéroport de Bangui, la capitale de la République centrafricaine (RCA), des cris de joie ont résonné sur le tarmac. Des écolières en uniforme chantaient en ligne , pendant que des officiels applaudissaient en attendant que le pape descende de son avion. Mais les acclamations les plus fournies venaient de l'extérieur de l'aéroport. Une foule de personnes, qui habitent dans un camp de réfugiés internes installé juste à côté de l'aéroport, s'était rassemblée pour accueillir le pape François.

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Les officiels du Vatican sont descendus un par un de l'avion pour rejoindre le tapis rouge, où les attendait une assemblée de dignitaires et de militaires.

Ce lundi, le pape s'est rendu dans la grande mosquée de Bangui, dans le quartier musulman dit de PK 5 qui a été meurtri par les violences intercommunautaires qui ont touché le pays ces dernières années. Le pape s'est exprimé depuis ce lieu symbolique pour dire que les chrétiens et musulmans sont des frères.

À l'extérieur de l'aéroport ce dimanche, les forces de l'ordre équipées de boucliers antiémeute tentaient de contrôler la foule désireuse d'apercevoir le pape pour sa première visite en Afrique — après avoir fait étape au Kenya et en Ouganda. Le séjour de deux jours du pape François en RCA intervient dans un climat de regain de violence dans la capitale centrafricaine qui a obligé des dizaines de milliers de personnes à fuir leurs maisons.

Des écolières en uniforme aux couleurs du Vatican patientent le long du tapis rouge. (Photo de Kayla Ruble / VICE News)

Les forces de sécurité dans Bangui pour la visite du pape. (Photo de Kayla Ruble / VICE News)

Le camp de réfugiés qui borde le chaud tarmac de l'aéroport de Bangui est apparu en décembre 2013 quand a éclaté le conflit centrafricain. Aujourd'hui, près de 15 000 personnes y habitent — principalement des familles qui ont été obligées de fuir leurs maisons ces deux dernières années. La violence dans le pays est intimement liée à des groupes armés avec une affiliation religieuse. L'ancienne colonie française est un pays majoritairement chrétien, où vivent 4,7 millions de musulmans (soit environ 15 pour cent de la population du pays).

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À lire : Visite à haut risque pour le Pape François en République centrafricaine

En mars 2013, le groupe armé des Séléka, à tendance musulmane, a fait fuir du pouvoir le président François Bozizé. Le 5 décembre 2013, les combattants rebelles dits "anti-balaka", à tendance chrétienne, ont envahi la capitale et entamé une répression brutale contre la population musulmane.

Au cours des mois qui ont suivi, plus de 400 000 personnes ont fui leurs maisons, cherchant refuge dans les églises locales, à l'aéroport, ou d'autres endroits. Les agences d'aide internationale ont fourni des tentes et de la nourriture alors que la crise s'éternisait. Près de 500 000 autres ont fui vers les pays limitrophes. Un accord de paix a été signé en juillet 2014, mais la violence sectaire persiste, principalement en dehors de la capitale. En septembre dernier, de nouveaux affrontements (provoqués par l'assassinat d'un chauffeur de taxi musulman) ont à nouveau eu lieu dans Bangui. Des dizaines de personnes ont été tuées depuis.

Des enfants dans Bangui portent des habits à l'effigie du pape. (Photo de Kayla Ruble / VICE News)

Des passants surexcités courent après le convoi papal qui pénètre dans Bangui. (Photo de Kayla Ruble / VICE News)

L'enthousiasme entourant la visite du pape s'est propagé bien au-delà de l'aéroport et à travers toute la capitale. Ce dimanche, des foules se formaient et hurlaient à la vue du convoi papal.

Le pape François a fait le tour de la ville debout à l'arrière d'un pick-up, flanqué de nombreux gardes du corps, de Jeeps et de véhicules blindés de l'ONU. La police centrafricaine et les forces des Nations unies tenaient d'une main de fer les rues de la capitale. Ils ont notamment fait arrêter une parade impromptue de motos et de piétons qui se dirigeaient vers un carrefour pour faire la fête après le passage du convoi.

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Après un arrêt au palais présidentiel et au seul hôpital pédiatrique de RCA, le pape s'est rendu dans un camp de réfugiés installé sur le terrain de l'église Saint Sauveur. Des groupes de personnes courraient dans les rues pour suivre le convoi papal. Les organisations d'aide internationale avaient orné de bannières de bienvenue les tentes de réfugiés. Toute la zone était décorée avec des écharpes colorées.

« Travaillez, priez, et faites tout pour la paix, » a déclaré le pape lors de son passage au camp. « Mais souvenez-vous, la paix sans amour, comme l'amitié sans tolérance, n'est rien. J'espère que tous les Centrafricains vont pouvoir faire l'expérience de la paix. »

Des décorations au camp de déplacés internes que le pape a visité. (Photo de Kayla Ruble / VICE News)

Une femme a fait du manioc après que le pape François est venu visiter le camp où elle vit depuis 2 ans. (Photo de Kayla Ruble / VICE News)

Shadrack Nambobona a 19 ans et nous explique comment il s'y est pris pour voir le pape alors que l'église de Saint Sauveur grouillait de monde. Le jeune homme est excité d'avoir pu serrer la main du pape et d'avoir été béni par le pontife. Nambobona est arrivé au camp depuis seulement deux semaines, après qu'un groupe armé a attaqué son quartier et brûlé sa maison. Nambobona explique que le pape comprend les problèmes qui se jouent en RCA.

« La visite du pape signifie qu'il se soucie du sort des petits gens qui souffrent, » dit Nambobona. « Trois ans de souffrance, trois ans sans école. Je veux que les choses reviennent à la normale, que je puisse retourner à l'école, et me créer un futur. »

Nambobona n'est pas le seul à se réjouir de la visite papale. Avant même que le pape ne pose le pied en RCA, l'espoir flottait dans Bangui — chacun espérant que sa venue puisse aider à relancer un processus de réconciliation. Ce dimanche, l'optimisme des Centrafricains s'est fait encore plus fort.

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Une femme de 50 ans, Clotilde Atangobo, se souvient de la première fois où elle a vu un pape : c'était Jean Paul II, qui était venu dans le pays en 1985. Aujourd'hui, fonctionnaire au ministère de l'Agriculture, Atangobo a fait les 450 kilomètres qui séparent son village de Bangui, pour voir un pape pour une seconde fois. Elle se souvient de la situation dans le pays à l'époque de la précédente visite papale, il y a 30 ans de ça. À l'époque, le pays était beaucoup plus sûr d'après ses souvenirs.

En route vers le palais présidentiel, le pape François salue les passants (Photo de Kayla Ruble / VICE News) 

« Maintenant à 18 heures, les gens rentrent chez eux en courant parce qu'ils ont peur, » explique Atangobo, qui espère un meilleur avenir pour les générations futures. « Je veux la paix dans ce pays pour mes enfants. »

Les étapes vers la réconciliation et le retour à un semblant de sécurité sont nombreuses — avec ou sans l'aide du pape.

La première phase pourrait arriver à la fin de l'année, puisque le pays doit élire démocratiquement un nouveau leader pour remplacer le gouvernement de transition mené par Catherine Samba-Panza. Les élections ont déjà été repoussées plusieurs fois. Le scrutin est prévu pour le 27 décembre 2015, mais le passage de témoin entre le gouvernement de transition et son successeur ne devrait pas se faire avant le printemps 2016.

À la fin de la journée dimanche, le pape a tenu une messe dans la cathédrale principale de Bangui. La cérémonie a été retransmise en direct sur des écrans géants pour les milliers de personnes massées devant la cathédrale. Le pape a délivré un message de paix et a appelé au pardon.

Au cours de la visite papale, les 15 000 musulmans qui habitent dans la capitale ont été pour la plupart bloqués dans le quartier à majorité musulmane : le PK-5. Le pape François a visité une mosquée ce lundi dans ce quartier avant de retourner à Rome et de clôturer ce rapide séjour en Afrique subsaharienne.

Suivez Kayla Ruble sur Twitter : @RubleKB