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Syrie

Une banlieue de Damas craint de vivre le même sort qu'Alep Est

Maintenant qu’Alep est tombée, les habitants de l’est de la Ghouta se demandent s’ils ne sont pas les prochains sur la liste de Bachar Al-Assad.
REUTERS/Bassam Khabieh

Maintenant qu'Alep est tombée, les habitants de l'est de la Ghouta — une oasis tenue par les rebelles dans la banlieue de Damas, le fief des forces gouvernementales — se demandent s'ils ne sont pas les prochains sur la liste de Bachar Al-Assad.

Point névralgique des manifestations anti-gouvernement en 2011, l'est de la Ghouta est devenu un bastion des rebelles en 2013. Cette année-là, l'oasis a subi une attaque au gaz sarin perpétrée par les forces gouvernementales. Des centaines de personnes sont mortes. Cet épisode marque le moment où le président Obama a ignoré sa fameuse « ligne rouge » concernant l'utilisation d'armes chimiques. La zone est assiégée depuis cette attaque.

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Près de 450 000 personnes habitent dans cette zone et vivent au rythme des bombardements des avions syriens et russes.

Si les combats ont dernièrement baissé en intensité, la ville a été la cible de bombes à fragmentation la semaine dernière. Des ambulances des Casques blancs auraient été délibérément ciblées, indique le groupe. Au sol aussi, des combats ont eu lieu, d'après l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH).

« Les gens craignent qu'on leur impose d'évacuer, comme cela a été le cas dans certaines banlieues de Damas, et maintenant à Alep, » explique Tariq, un professeur d'anglais installé à Douma, la capitale de l'est de la Ghouta. Tariq a demandé que son vrai prénom ne soit pas utilisé, pour des raisons de sécurité.

Et certains experts partagent les impressions de Tariq. Cette semaine, Charles Lister du Middle East Institute a écrit qu' « après Alep, les forces pro-régime vont probablement se concentrer sur la capitale du pays [Damas], et spécialement sur l'est de la Ghouta. »

Tariq dit gagner environ 50 dollars par mois, qu'il utilise pour venir en aide aux 16 membres de sa famille élargie. Heureusement, les pénuries d'il y a deux ou trois ans — quand le siège était plus rude — ne sont plus si sévères. « Vous pouvez généralement subvenir aux besoins de votre famille, » assure Tariq.

En ce moment, un kilo de sucre coute environ 550 livres syriennes (2,40 euros) et un kilo de riz coute 600 livres syriennes, précise Tariq. Puisqu'il n'y a pas d'essence, les gens utilisent du bois pour faire la cuisine et se chauffer. Toutes les boulangeries ont fermé ou ont été détruites, donc les gens font leur pain chez eux.

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Les rares fournitures qui arrivent dans l'est de la Ghouta doivent être introduites en contrebande depuis les zones tenues par le gouvernement. Ce système profite à ceux qui sont à l'intérieur de la zone assiégée et aux profiteurs de guerre, indique Laila Kiki du groupe The Syria Campaign.

« Des hommes d'affaires affiliés au régime contrôlent les routes. C'est une économie de guerre, » dit-elle. Mais ces trajets de contrebande ne sont pas permanents, alerte-t-elle. « C'est une décision militaire ou politique qui peut changer d'un moment à l'autre. »

Le régime a employé une stratégie impitoyable et implacable à Alep, notamment en empêchant l'envoi d'aide humanitaire dans la zone assiégée et en bombardant sans discrimination les infrastructures des rebelles et civiles. Ces méthodes, qui violent le droit international, sont venues à bout des rebelles de l'est d'Alep, menant à l'évacuation des dernières semaines.

Nombre de civils de l'est de la Ghouta craignent de vivre le même sort.

« Le régime syrien répète le même scénario : Ils poussent les gens et les bombardent pour les forcer à se rendre, » explique Kiki.

Si le siège vient à s'arrêter via un accord d'évacuation qui permet aux rebelles de rejoindre d'autres zones rebelles ou si une trêve est prononcée avec l'assurance que les casiers judiciaires des combattants et militants soient vidés, la capitulation ne se fera pas « sans verser le sang des civils », assure Kiki.

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Et cette option de trêve ne garantit pas la liberté, indique Osama Nassar, un militant de Douma.

« Le régime n'a pas arrêté les gens directement, mais après quelques semaines, » dit-il, faisant référence à la trêve récente observée à Al-Tall. « Mais le régime est capable de convaincre les gens à faire ces accords de trêve après avoir brisé leurs espoirs via les bombardements et les sièges. Ils veulent faire passer le message que Bachar Al-Assad est la moins mauvaise des solutions. Pas meilleure, mais moins mauvaise. »

S'emparer de l'est de la Ghouta serait une victoire importante pour le régime, étant donné sa proximité avec la capitale, sa localisation stratégique (bloquant l'autoroute reliant Homs à Damas) et sa valeur symbolique, estime Sam Heller, un spécialiste de la Syrie et chercheur à la Century Foundation.

« Il s'agit de l'enclave rebelle la plus problématique autour de la capitale, et elle représente une menace historique pour Damas, » indique Heller.

Heller pense que l'est de la Ghouta est probablement une « priorité » du gouvernement, ajoutant que si les rebelles sont relativement puissants, « une fois que le siège sera fermement mis en place, le temps va jouer en faveur du régime. »

Dans le passé, l'est de la Ghouta était une zone agricole qui fournissait Damas. Depuis, la zone s'est urbanisée et est dominée par Jaish al-Islam,, une coalition de rebelles soutenue par l'Arabie saoudite. Cette « organisation militaro-religieuse » était dirigée par le salafiste Zahran Alloush, avant son assassinat le jour de Noël 2015. Le groupe rebelle salafiste serait derrière l'enlèvement du militant des droits de l'homme Razan Zeitouneh et de ses collègues en 2013. Le groupe a aussi été accusé de violations graves des droits de l'homme par le passé. Ils forment l'une des factions les plus puissantes des rebelles.

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« Il n'y a pas de combattants étrangers ici, » indique Kiki. « Tous les combattants sont des locaux. »

Pour Kiki, c'est surtout la force du gouvernement d'opposition local et l'influence des groupes de la société civile de l'est de la Ghouta qui en fait une cible prioritaire pour le régime.

« Dans la Ghouta, le conseil local gère le quotidien. Il y a des bureaux de coordination pour l'éducation, l'assistance et les abris. Nous essayons de montrer l'exemple au niveau des efforts administratifs. Et c'est quelque chose que le régime essaye de cacher le plus possible. Ils veulent faire croire qu'il n'y a que deux choix : l'EI ou eux. »


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