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Crime

« Viens me chercher, enfoiré » : Singapour arrête un adolescent qui a insulté le père fondateur du pays

« Pourquoi personne n’a dit "Génial, ce mec est mort !" » se demande Amos Yee, 16 ans, dans cette vidéo.
Capture d'écran via YouTube

La semaine dernière, alors que les habitants de Singapour pleuraient la mort de leur père fondateur (l'ancien Premier ministre Lee Kuan Yew) un adolescent audacieux est allé à contre-courant de ce deuil national en publiant une vidéo d'insultes pour pourrir le leader décédé. Il s'est vite retrouvé dans le pétrin.

« Pourquoi personne n'a dit "Génial, ce mec est mort !" » se demande Amos Yee, 16 ans, dans cette vidéo. « Parce que tout le monde a peur. Tout le monde a peur de s'attirer des ennuis en disant un truc pareil. »

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« Mais je n'ai pas peur, » poursuit-il. « Alors, si Lee Hsien Loong [l'actuel Premier ministre et fils aîné de Lee Kuan Yew] veut me faire un procès, je lui ferai ce plaisir. Viens me chercher, enfoiré. »

Les autorités ont arrêté Yee ce dimanche, peu de temps après les obsèques nationales de Lee, auxquelles se sont rendus de nombreux hommes politiques étrangers, et qui ont rassemblé plus de 100 000 personnes. Dans une partie plus crue de la vidéo de Yee, l'adolescent se plaint de voir « toute la journée en continu des nécrophiles qui sucent la bite de Lee Kuan Yew. »

La vidéo, qui dure 8 minutes, s'appelle « Lee Kuan Yew est enfin mort ». Elle a été postée en privé sur YouTube, mais elle a été partagée par d'autres, et elle a été vue des dizaines de milliers de fois.

Yee est passé devant la justice mardi et fait face à trois chefs d'accusation : « intention délibérée de blesser les sentiments religieux ou raciaux », « diffusion de matériel obscène » et « communication insultante, menaçante ou violente ».

Dans une séquence de la vidéo, Lee Kuan Yew est comparé à plusieurs dictateurs, Mao Tsé-toung, Joseph Staline, Adolf Hitler, qui apparaissent tour à tour à l'écran. Puis, Yee fait un lien peu flatteur entre Lee et Jésus : « Les deux sont avides de pouvoir, sont malveillants et déçoivent leurs proches qui les croient charitables et gentils. »

La police a indiqué avoir reçu « plus de 20 signalements concernant une vidéo en ligne qui contient en partie des remarques désagréables et blessantes à l'encontre des chrétiens. »

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« La police prend très au sérieux les actes qui pourraient menacer l'harmonie religieuse de Singapour, » écrivent les autorités dans un communiqué. « Toute personne qui met en ligne des contenus offensants, avec l'intention délibérée de blesser les sentiments religieux ou raciaux sera jugée fermement. »

Ce mardi, le père de Yee s'est excusé auprès du Premier ministre Lee Hsien Loong pour cette vidéo devant le tribunal.

Well the Lee Kuan Yew video is now, relatively popular. Now I would like to say, now, being a content-producer,… — Amos Yee (@amosyee)March 28, 2015

« Contrairement à l'idée largement répandue, Lee Kuan Yew était une personne horrible pour notre pays, et un terrible dirigeant, » raconte Yee dans la vidéo. « C'était un dictateur qui a réussi à faire croire au reste du monde que c'était un démocrate. »

On dit que c'est Lee Kuan Yew qui a apporté la prospérité dans cette toute petite île de l'Asie du sud-est. Pendant les 31 années durant lesquelles il est resté au pouvoir, on lui a aussi reproché de réprimer l'opposition politique à Singapour et de limiter la liberté d'expression. Des militants des droits de l'homme voient dans le système politique de Singapour, dominé par le parti de l'action du peuple — le parti fondé par Lee en 1945 — un outil prônant le contrôle de la société comme garant de la stabilité et de la sécurité du pays, aux dépens des droits civiques.

Bien qu'il soit adolescent, Yee sera jugé en tant qu'adulte. S'il est jugé coupable de diffusion de matériel obscène, il est susceptible d'être condamné à une amende de 5 000 dollars (4 655 euros) et être passible d'une peine de trois mois de prison ou plus. Le garçon a été libéré contre une caution de 14 500 dollars (13 500 euros) et il n'a pas le droit de poster quoi que ce soit sur les réseaux sociaux pendant que l'affaire est en cours.

Le comité de protection des journalistes a rédigé un communiqué pour soutenir Yee ce mardi, en disant que « l'arrestation d'un jeune blogueur pour des commentaires faits dans une vidéo met en lumière  l'atmosphère restrictive dans laquelle les journalistes de Singapour sont contraints de travailler. »

Suivez Liz Fields sur Twitter: @lianzifields