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FRANCE

Voici les nouveaux spots anti-djihad du gouvernement français

La plateforme gouvernementale « Stop Djihadisme » montre dans 4 nouvelles vidéos les conséquences d’un départ pour la Syrie sur les proches des apprentis djihadistes.
Pierre Longeray
Paris, FR

Le gouvernement français lance ce mercredi une série de 4 vidéos destinées à sensibiliser le grand public à la question du départ de Français vers la Syrie ou vers l'Irak pour faire le djihad. Il s'agit de quatre témoignages de proches de jeunes devenus djihadistes. Ils racontent leur douleur face aux départs d'un fils, d'une fille ou encore d'une soeur. Un départ qu'ils n'ont « pas compris » et « pas vu » venir.

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Ces quatre messages vidéos seront diffusés gratuitement sur différentes chaines de la télévision française, mais aussi sur Facebook, Dailymotion et les sites de grands quotidiens nationaux. Ils ont déjà été mis en ligne sur le site de la plateforme gouvernementale destinée à « agir contre la menace terroriste, » baptisée Stop Djihadisme. Plus de 1 300 Français seraient présents dans les rangs de l'EI.

Stop Djihadisme avait vu le jour en janvier dernier, trois semaines après les attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher, pour accompagner le lancement d'une vidéo dite de « contrepropagande, » produite par le gouvernement. Dans celle-ci, les codes de la propagande de l'organisation terroriste État islamique, principal recruteur de djihadistes français, étaient repris et détournés pour montrer le fossé qu'il existe entre le fantasme projeté du djihad et la réalité. La vidéo avait été accueillie avec scepticisme par certains spécialistes quant à son efficacité.

À lire : #Stopdjihadisme : la vidéo de contrepropagande du gouvernement français

« L'option de la sensibilisation, choisie aujourd'hui par le gouvernement, est plus maligne que celle de la contre-propagande, qui était totalement contre-productive, » explique ce mercredi à VICE News, Wassim Nasr, journaliste spécialiste des mouvements et mouvances djihadistes pour France 24. « Il est sans doute possible de toucher des jeunes en montrant les conséquences de leur départ sur la vie de leurs parents, » plutôt que d'essayer de démonter les vidéos de propagande de l'EI. Pour les personnes sensibles à la cause du djihad, l'État n'est pas un interlocuteur crédible pour démonter les thèses défendues par l'organisation terroriste explique le spécialiste.

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Devant la caméra de la productrice Fabienne Servan-Schreiber, Baptiste raconte le départ de sa fille Léa pour la Syrie « lors d'une belle journée ». Léa a pris son écharpe et un sac à dos et a disparu. « On nous a volé notre enfant, » explique Baptiste les yeux embués. La Léa que connaissait Baptiste, une personne « joyeuse et joviale, » est « morte, » tranche son papa. Le spot se conclue pour laisser place au numéro vert mis à disposition des familles qui se retrouvent dans des situations analogues.

« C'est de la sensibilisation intelligente en termes de storytelling. Il n'y a pas de commentaires, on montre sans rien dire, comme ce que fait l'EI en réalité, » note Wassim Nasr. « Ce qui est aussi réussi dans cette série de vidéos, c'est que l'on voit toutes les différentes populations touchées par ce problème. »

Le fils de Véronique vivait dans un « univers plutôt privilégié » selon les mots de sa mère. Puis un jour, après un weekend passé à « faire des crêpes, » il est parti en Syrie via l'Allemagne. Véronique exprime sa peine quand elle confie qu'elle voudrait « le prendre dans ses bras, » mais qu'elle ne « peut pas aller le chercher. » Elle conclut avec un appel dirigé à ceux qui pourraient être dans sa situation, « Le pire c'est de ne pas parler, on a besoin d'aide. » La secrétaire d'État chargée à la famille, Laurence Rossignol, a annoncé ce mardi, le lancement d'un « réseau d'entraide psychologique parental » afin « de combattre l'embrigadement ».

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« Ce type de vidéos peut avoir un effet sur de très jeunes candidats au départ ou ceux qui ne sont pas encore totalement idéologisés, » explique Nasr. « Par contre, ceux qui ont eu les reins de tenir 2 ans en Syrie, ce n'est pas cette vidéo qui va les faire revenir. »

Le fils de Saliha s'appelle Sabri. Après avoir rencontré « les mauvaises personnes » il est parti en Syrie. Un jour, son mari reçoit un appel de Syrie et se réjouit se disant que son fils l'appelle enfin. À l'autre bout du fil, c'est un Syrien qui parle. Il le félicite parce que son fils est tombé en martyr. Sabri avait 19 ans.

« Ceux qui partent en Syrie le font avec un esprit altruiste. Ils le font avec l'idée de sauver leur propre famille, » explique Wassim Nasr. « Faire le djihad revient à sauver 70 membres de sa famille des flammes de l'enfer selon l'idéologie véhiculée par l'EI, » une logique qui n'est pas simple à déconstruire.

La soeur de Jonathan avait 17 ans quand elle est partie en Syrie. Depuis un an, elle y est installée et ne compte pas revenir, puisqu'elle propose même aux membres de sa famille de venir la rejoindre — c'est le « paradis là-bas » selon les dires de la soeur de Jonathan. Le jeune homme explique que s'il avait « connu certaines personnes » avant le départ de sa soeur, elle ne serait jamais partie et il l'aurait aidé à « empêcher tout ça. »

« L'interlocuteur reste toujours l'État dans ces vidéos — un interlocuteur auquel les candidats pour le départ ou ceux qui sont partis ne font absolument pas confiance, » pointe Wassim Nasr. Le numéro vert proposé aux familles n'est pas non plus idéal. « Veut-on vraiment mettre au courant l'État que son fils est un aspirant terroriste et risquer qu'il ne trouve pas de travail pour les 15 prochaines années ? » se demande le spécialiste.

« Ces vidéos restent des outils de communication et non de prévention. Les effets de ces vidéos seront minimes et au mieux cosmétiques, » estime Nasr.

Suivez Pierre Longeray sur Twitter : @PLongeray