Le joueur de Ligue 1 VICE Sports du week-end : Matthieu Saunier

C'est un joueur qui n'aurait pas dû être là. Le 1er février dernier, c'était acté, Matthieu Saunier devait partir pour Grenade. Il aurait goûté aux joies un peu tristes de la lutte en bas de tableau aussi, comme à l'ESTAC, mais, pour oublier les défaites, il aurait troqué le mousseux pour la sangria et aurait au moins pu passer des week-ends déprime sous le soleil andalou plutôt que dans les magasins d'usine troyens.

Mais voilà, le 2 février dernier, le président de l'ESTAC Daniel Masoni mettait son véto au départ de Matthieu Saunier pour Grenade qui aurait dû se faire sous forme de prêt avec une option d'achat à un million d'euros et quatre ans de contrat. Saunier est alors obligé de continuer sous les déprimantes couleurs auboises, avec chaque journée comme une nouvelle étape dans la tournée d'adieu du club troyen à la Ligue 1. Chaque match comme une vis de plus dans le cercueil de l'ESTAC.

Dimanche, Saunier était le joueur-fantôme du week-end, l'âme en peine de la défense de l'ESTAC. Le joueur de 26 ans, formé aux Girondins de Bordeaux, revenait à peine d'une blessure qui l'avait écarté des terrains depuis plus d'un mois.

C'était un bel après-midi d'hiver ensoleillé sur le stade de l'Aube, et un cauchemar ininterrompu pour Matthieu Saunier. On savait que ce match, qui devait couronner le PSG du titre de champion de France, serait une formalité. Face aux bons derniers du championnat, une équipe qui est sûrement prise en exemple par Jean-Michel Aulas dans les bureaux de la LFP quand il milite pour une Ligue 1 à dix-huit clubs, c'était gagné d'avance.

On s'est demandé quand même : est-ce que le PSG, pour retarder un peu l'échéance de l'annonce du titre, n'allait pas se contenter d'un match nul pour pouvoir fêter son trophée la semaine d'après face à Monaco au Parc des princes ? Ça aurait eu plus de gueule que de se faire sacrer sur une victoire sans panache au milieu de nulle part face à la pire équipe que la Ligue 1 ait connu depuis le Arles-Avignon d'Angelos Charisteas ?

Et puis les doutes ont été rapidement dissipés, grâce à Matthieu Saunier surtout. Voilà son match, crédité d'un honorable 1 dans L'Equipe, une performance déjà réalisée par Mapou Yanga-Mbiwa cette saison, pour montrer un peu le niveau :

15e minute (0-1) : Passe décisive remarquable. Alors que le PSG commençait à se faire plus pressant, mais pas trop non plus, Saunier tente le geste honni de toute défenseur central, la passe latérale à l'autre axial sous pression de deux attaquants. Là en plus, la passe est complètement molle et loupée, Rincon n'essaie même pas de se faire chier à courir pour la récupérer et laisse Cavani marquer.

18e minute (0-2) : Alors qu'il devait encore ressasser l'action précédente, Saunier doit défendre sur Ibra. Il se fait méchamment effacer sur une talonnade du géant suédois qui lance Pastore, parti marquer un joli lob romantique, comme tout ce que fait Pastore.

20e minute (0-3): Bon làn il y est pour rien, c'est l'autre partie de la défense de Troyes qui prend l'eau.

47e minute (0-4) : Sur ce deuxième but de Zlatan, on peut lui reprocher de ne pas vraiment attaquer le Suédois, qui peut ajuster Dreyer assez facilement. En même temps, il doit faire peur Zlatan de près.

52e minute (0-5) : Marquage à 1 mètre de Zlatan. Il doit vraiment le faire flipper. On notera par ailleurs que Rincon, son coéquipier dans la défense troyenne depuis 2011, fait des relances bien foireuses aussi.

55e minute (0-6) : Il essaie bien de placer sa tête pour dévier la reprise de Zlatan, mais ça va quand même dans les filets.

57e minute (0-7) : Le chef-d'œuvre. Comme sur les deux actions précédentes, centre venu de la gauche, Zlatan au centre. Mais Saunier, comme pour gâcher la fête du Suédois, vient magnifiquement couper la passe de Kurzawa : jambe tendue, pied ferme, le ballon se loge dans le petit filet. Pendant une demi-seconde, Zlatan se retourne vers le Troyen, comme pour dire : « Elle était pour moi celle-là, bâtard » avant de se rendre compte que Saunier est peut-être pas hyper heureux de lui avoir volé un but. C'est pas Edinson Cavani.

73e minute (0-8) : Il ne lui manquait plus qu'une faute dans la surface et une expulsion pour faire la totale, mais finalement c'est Lossémy Karaboué qui réalise cette performance. On peut aussi féliciter l'ensemble de la défense troyenne, pas de raison que Saunier prenne tout seul.

87e minute (0-9) : Rien à dire sur cette contre-attaque, on ne va pas non plus lui faire porter le chapeau sur tous les buts.

89e minute (toujours 0-9) : Et là, parce qu'il y a toujours un espoir de rédemption, même dans les histoires sans morale, Saunier sauve la balle du 10-0. Dreyer repousse une tentative de Pastore sur Ibrahimovic, qui tire dans les pieds de Matthieu Saunier. Il peut oublier tout ce qu'il a fait avant, le défenseur troyen a empêché son équipe de subir la honte suprême d'une défaite de deux chiffres à zéro. Ce sauvetage, c'est peut-être une base solide pour construire les fondations d'une belle carrière, oublier tout ce qui s'est passé avant, se reposer là-dessus pour se reconstruire.

Voilà, c'était peu reluisant et c'était bien la pire performance individuelle d'une défense troyenne collectivement abominable. C'était les Harlem Globetrotters contre les Washington Generals, cette équipe qui servait de faire-valoir aux basketteurs les plus spectaculaires des Etats-Unis. Sauf que là, Troyes avait un peu envie de se battre quand même, ce qui est encore plus triste.

La stat qui résume tout a été partagée par un peu tout le monde depuis la défaite : en un match, le PSG a marqué plus de buts sur la pelouse du stade de l'Aube que l'ESTAC sur toute une saison.

Pour cela, ils peuvent remercier Saunier, qui, s'il est excusable sur certaines actions, a quand même fait preuve d'incompétence crasse sur d'autres. Mais en même temps, c'est un joueur qui n'aurait pas dû être là. Sur sa fiche sur L'Equipe.fr, il est même considéré comme appartenant à Grenade. C'est peut-être là qu'est Saunier, finalement, perdu au milieu d'un transfert qui ne s'est jamais concrétisé.

C'est pour cela, pour ce statut de footballeur du purgatoire et de sparring partner contre son gré, que Matthieu Saunier est le joueur de Ligue 1 VICE Sports du week-end.