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FRANCE

Évacuation à Calais : qu’en pensent les migrants qui dorment dans les rues de Paris ?

Reportage dans un campement de fortune dans le nord de la capitale, deux jours après le début du démantèlement du bidonville de la Jungle à Calais.
Un homme avec une tente lors d'une opération de police dans un campement de migrants en octobre 2016 (Etienne Rouillon / VICE News)

« Peu importe, on part demain pour Calais et on arrivera en Angleterre », lance d'emblée Arman (son prénom a été changé) quand on lui demande ce mardi ce qu'il pense du démantèlement de la Jungle de Calais.

Arman est encore loin de Calais. Ce jeune afghan de 16 ans survit, comme des centaines d'autres personnes, dans le nord de Paris sous une tente. La sienne se trouve à la station Jaurès, dans un quartier où des opérations de police d'évacuation des migrants ont dernièrement eu lieu plusieurs fois par semaine. Avec deux autres compagnons afghans, Arman fait partie des rares ce mardi matin qui veulent encore aller en Angleterre en passant par la Jungle de Calais.

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Au moins 6 500 personnes y habitaient avant le début des opérations qui ont commencé lundi au petit matin. D'après les derniers chiffres du ministère de l'Intérieur, 4 014 personnes ont été « mises à l'abri » mardi soir.

À lire aussi : Une journée d'évacuation dans la Jungle de Calais

Pourquoi Arman et ses amis veulent-ils pousser plus au Nord ?« C'est horrible ici, on n'a rien, on dort par terre et les gens nous traitent mal », nous répond-il. « On ira en Angleterre pour trouver une vie meilleure et continuer nos études. Ils vont forcément nous accepter là-bas : on a tous moins de 18 ans. » Ils nous expliquent avoir perdu toute trace de leurs familles, restées dans des régions dominées par les talibans : « Leur numéro de téléphone n'est plus attribué. »

En principe, les centaines de migrants mineurs isolés présents sur la Jungle sont enregistrées dans le centre de tri des personnes mis en place pour l'évacuation. Ils sont ensuite envoyés vers le centre d'accueil provisoire mitoyen du bidonville. Les trois jeunes afghans espèrent le même sort et pensent qu'ils seront ensuite envoyés en Angleterre.

« Ceux qui voulaient partir l'ont déjà fait »

Fahim a quitté l'Afghanistan caché sous une voiture. Ce jeune de 18 ans a demandé l'asile en France. Il avait deux compagnons de route qui ont préféré aller à Calais, malgré le démantèlement de la Jungle. « Ils sont partis hier et m'ont dit qu'ils allaient essayer de sauter sur un train ou prendre un bateau pour arriver au Royaume-Uni », raconte-t-il.

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« Ceux qui voulaient partir l'ont déjà fait », estime Fahim. Pour lui, la plupart des migrants qui dorment dans des tentes ou à même le sol dans ce quartier de la capitale disent vouloir rester et demander l'asile politique dans l'Hexagone. Fahim veut finir le lycée à Paris.

« La situation à Calais ? Ça ne change rien pour moi », lance Rabbani, en haussant ses minces épaules. Ce jeune de 24 ans, parti de la ville afghane de Baghlân pour fuir les talibans, voulait simplement arriver en Europe. Il veut désormais poursuivre des études d'histoire en France.

C'est bien qu'ils démantèlent »

« J'ai essayé d'aller en Angleterre, mais maintenant je veux rester en France », indique Musavi, parti il y a un an d'Afghanistan. « Je suis allé à Calais et je suis revenu il y a une semaine, parce que je n'ai pas réussi à passer, et la Jungle était vraiment horrible : c'est bien qu'ils la démantèlent. » À ses côtés, ses compatriotes Noormal et Mohammad sont d'accord. « On n'y est jamais allés, mais après tout ce qu'on a entendu, on ne voulait pas y aller. »

Dans ce quartier de Paris, des riverains craignent que le démantèlement provoque une arrivée massive de migrants dans les campements de fortune de la capitale. D'autant plus que le centre d'hébergement promis par Anne Hidalgo n'a pas encore vu le jour.

« Je pense que [la fin de la Jungle] ne va faire qu'empirer leur situation », nous dit une boulangère en face du campement de Jaurès. « C'est horrible de les laisser dormir par terre, mais en même temps l'image du quartier empire et on sent déjà qu'il y a plus de monde [dans les tentes]. »

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Pas d'arrivée massive à Paris après le démantèlement

Pour le collectif la Chapelle Debout, en contact direct avec des demandeurs d'asile, Paris ne voit pas d'arrivée massive de migrants venant de Calais. « Peut-être que cette vague [de Calais vers Paris] dont tout le monde parle aura lieu dans les prochains jours, mais elle n'existe pas pour le moment », réfute Houssam El Assimi, membre du collectif. « Il faut comprendre qu'il y a également des gens qui sont partis de Paris pour Calais, espérant que la situation serait moins difficile là-bas. Les mouvements de populations ont lieu dans les deux sens. »

Pour ce membre du collectif, des demandeurs d'asile ont pris la route pour Calais « parce que des rumeurs disaient que les démarches étaient plus rapides là-bas et parce qu'ils veulent aller en Angleterre. Ils continueront à essayer de rejoindre le Royaume-Uni. »

Du côté d'Emmaüs Solidarité —qui travaille avec la Ville de Paris sur le projet du site d'accueil du boulevard Ney, dans le XVIIIe arrondissement —on explique n'avoir constaté aucune arrivée suite au démantèlement de la Jungle.

« Les migrants ont été dirigés vers des places dans des centres d'accueil situés dans toutes les régions de France, à l'exception de l'Ile-de-France et de la Corse », rappelle le président Bruno Morel, avant de nuancer : « Mais la question se posera pour ceux qui refusent ces places. »


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Toutes les photos sont d'Etienne Rouillon pour VICE News