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Crime

En photos : La vie d'un réfugié syrien qui vient d'arriver en Allemagne

VICE News a suivi Ismael, un réfugié syrien de 25 ans, lors de son arrivée en Allemagne après un périlleux voyage. Comment l'Allemagne gère-t-elle l'afflux massif de réfugiés dans le pays ?
Photo de John Beck / VICE News

VICE News regroupe ses articles sur la crise migratoire mondiale sur son blog « Migrants »

Ismael, 25 ans, est originaire d'Amuda en Syrie. Il fait partie des dizaines de milliers de personnes qui ont fui le pays pour échapper à la guerre civile en quête d'une vie meilleure en Europe. Ismael a filmé son périlleux voyage vers l'Allemagne pour VICE News.

La route vers l'Allemagne est longue et difficile. Après avoir embarqué à bord d'un bateau pour la Grèce au départ de la Turquie, Ismael a ensuite traversé la Macédoine, la Serbie, la Hongrie et l'Autriche, avant de se livrer aux autorités allemandes dans la ville frontalière de Passau en Bavière.

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Depuis la Bavière, Ismael a été conduit à Metten, une ville avoisinante où l'on trouve une pizzeria et un glacier. Dans cette petite ville, lui et ses compagnons de route ont été logés dans un centre d'hébergement temporaire aménagé dans le gymnase d'une école. Le centre abrite 130 hommes et garçons — tous syriens. Les femmes et les familles sont logées dans un autre centre de la région. Autant que possible, les autorités rassemblent les réfugiés par nationalité.

Le gymnase a atteint sa capacité d'accueil, mais le lieu est spacieux et propre. Le personnel de sécurité et les administrateurs du camp ont un bon rapport avec les migrants, et plaisantent avec les nouveaux venus. Des gardes costauds, au crâne rasé, repoussent avec bonne humeur les plus jeunes qui font semblant de vouloir leur taper dessus.

Regardez notre reportage Voilà comment j'ai fui la Syrie :

Le centre possède une connexion WiFi et de nombreux chargeurs de téléphone pour permettre aux réfugiés de parler avec leurs familles restées au pays. Une cuisine dans la ville avoisinante de Deggendorf prépare 3 000 repas par jour pour le camp et pour d'autres centres de la région. Chacun reçoit un petit-déjeuner chaud et une boîte à chaussures remplie de mets froids et de boissons.

Le voyage n'a été facile pour personne. La plupart ont comme Ismael entrepris la dangereuse traversée en mer depuis la Turquie. Les passeurs réclament souvent des milliers de dollars par traversée. Une fois arrivés sur la terre ferme, les migrants continuent généralement la route à pied.

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Ali, chef cuisinier et père de trois enfants, est originaire de Homs, une ville ravagée par la guerre. Son voyage, qui a débuté au Liban, aura duré 27 jours. Aujourd'hui, il aimerait que sa famille le rejoigne. « J'aime l'Allemagne, » dit-il.

« Je veux passer ma vie ici, il n'y a rien en Syrie. Ma maison, mes deux magasins, mon grand jardin — tout a été détruit. Il n'y a plus rien à Homs. » Ali sait faire la cuisine française et italienne, et sait aussi cuisiner de nombreuses spécialités arabes. Aujourd'hui, il aimerait bien mettre à profit ses compétences.

La gestion du centre d'hébergement est assurée par Thomas Kindel, qui est directeur du service d'ordre public et de sécurité de la région. Grand et jovial, Kindel a plutôt l'habitude de gérer les inondations et les tempêtes. « L'un des volets de [mon travail], c'est de protéger les gens contre les catastrophes — c'est un métier plutôt particulier », explique-t-il. « Le problème aujourd'hui c'est que, étant donné le nombre de réfugiés en Allemagne, le gouvernement ne pense pas qu'on peut gérer la situation comme avant — que nous devons voir ça comme une sorte de catastrophe. »

Kindel a reçu ses ordres du gouvernement en juin. « Ils m'ont dit, "Écoutez, Monsieur Catastrophe, à vous d'aider à organiser les choses pour les réfugiés" », se souvient-il. « On est passé des catastrophes naturelles aux catastrophes humanitaires. »

Les autorités ne lui ont accordé que 24 heures pour préparer un refuge avec des salles de bains, une équipe de sécurité, une équipe médicale et suffisamment à boire et à manger pour 200 réfugiés. En une journée, Kindel et ses équipes ont recouvert la patinoire municipale (vidée pour l'été) d'une bâche et y ont installé des lits pour les migrants qui arrivaient en bus. Un hôtel de la ville s'est chargé d'organiser les repas.

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Les réfugiés ont passé environ sept semaines dans la patinoire avant qu'elle ne soit à nouveau remplie pour la saison de hockey sur glace. Les migrants ont été relogés à titre temporaire dans le gymnase d'une école municipale. Kindel a même envisagé d'installer deux énormes tentes gonflables, capables de loger 500 personnes en tout.

Les réfugiés continuent d'affluer tous les jours à Deggendorf, à cause de sa proximité avec la frontière autrichienne. Les passeurs entassent les réfugiés à l'arrière de camionnettes et, une fois en Allemagne, les déposent au bord de la route et repartent à toute vitesse.

La plupart des trafiquants échappent à la police, mais le trafic est tel que dans la ville de Passau, les prisons regorgent de passeurs. Ce sont surtout des Roumains et quelques ressortissants turcs qui, pour quelques centaines de dollars, font passer la frontière aux migrants. Les fourrières de la région sont des tombeaux pour leurs véhicules.

L'escale à Metten est courte. De nombreux réfugiés vont ensuite à Deggendorf pour un examen médical, avant d'être conduits vers d'autres régions du pays. Les noms de ceux qui vont être relogés sont affichés dans le gymnase la veille du départ. Le lendemain, les minibus arrivent pour les emmener vers d'autres villes.

Le matin du départ d'Ismael, lui et ses compagnons ont fait leurs valises, emballant leurs affaires dans des sacs en plastique qui portent le logo d'un magasin de sport installé non loin de là. Après s'être débarrassé de nombreuses affaires tout au long de la route, Ismael n'a que quelques sacs en plastique à la main.

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Les hommes attendent dans la lumière pâle du matin les deux bus qui les emmèneront loin du camp. Certains fument, d'autres prennent les dernières photos de groupes. Ils remercient les gardes et les autres employés, s'étreignent, puis s'avancent vers les bus à l'appel de leur nom.

Ismael plaisante avec ses amis en attendant de quitter Metten. (Photo de John Beck / VICE News)

Un jeune homme syrien avance en direction du bus à l'appel de son nom. (Photo de John Beck / VICE News)

Ismael et ses amis sont d'abord emmenés à Deggendorf, une ville calme et pittoresque qui fut autrefois le site d'un camp qui a logé 2 000 déplacés juifs pendant la Seconde guerre mondiale.

Ensuite, direction un entrepôt situé à côté d'une cuisine industrielle. Là, les réfugiés passent un examen médical et sont informés de la prochaine étape de leur voyage. Les familles et les enfants sont également logés ici. Les enfants jouent pendant que les femmes mettent à sécher le linge sur les barrières érigées autour des sanitaires mobiles. De l'autre côté du bâtiment, ceux qui ont reçu l'autorisation de repartir se dirigent vers la gare ou attendent les bus.

Un enfant syrien devant un logement temporaire dans un entrepôt de Deggendorf. (Photo de John Beck / VICE News)

Le linge est mis à sécher sur les grillages devant les toilettes mobiles, à Deggendorf. (Photo de John Beck / VICE News)

Ismael et certains de ses compagnons de voyage vont repartir pour Kempten, à environ trois heures de voiture de là. Dans l'immédiat, ce sera leur destination finale.

À Kempten, un logement moins éphémère les attend, ainsi qu'une aide mensuelle de 325 euros pour acheter à manger et des vêtements, et l'accès aux soins médicaux de base.

C'est Andreas Guggemoos et sa petite équipe d'assistants sociaux qui accueillent les nouveaux venus. Guggemoos — un jeune homme très enthousiaste aux cheveux blonds hérissés et dont le frigo est plein de boissons énergétiques — nous raconte comment lui et ses collègues ont géré l'arrivée de tant de réfugiés. Il y a 150 réfugiés qui vivent de manière quasi-permanente à Kempten, dont 70 mineurs non accompagnés.

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Guggemoos ouvre un placard qui déborde de dossiers concernant les nouveaux arrivants — preuve que la tâche est de taille. « Toute l'Allemagne du Sud est pleine de réfugiés et nous cherchons à les loger », explique-t-il. « Mais on ne veut pas que les gens vivent dans de mauvaises conditions parce qu'ils ont déjà fait un voyage difficile pour arriver en Allemagne. On veut pouvoir leur offrir la meilleure [solution] possible. »

Un Allemand ouvre la porte à un Syrien qui vient prendre possession du nouvel appartement où il va emménager avec Ismael. (Photo de John Beck / VICE News)

Mais ce n'est pas chose aisée. Kempten est une ville universitaire, et Guggemoos et son équipe sont en concurrence avec des étudiants à la recherche d'appartements. Les logements qu'ils ont réussi à trouver ne sont pas meublés. Depuis deux mois, il passe ses journées au bureau et ses nuits à assembler lits, armoires, et cuisines.

« Je ne suis qu'un employé de bureau, ce n'est pas ma spécialité, » nous confesse-t-il. Aujourd'hui, Guggemoos reçoit l'aide d'une société immobilière du coin. La situation est dure, explique-t-il, mais il adore son métier.

Ismael commence à déballer des draps neufs pour son lit. Il y a plusieurs lits superposés dans la chambre et ses nouveaux colocataires sont tous syriens. Guggemoos fait en sorte de rassembler les réfugiés par nationalité.

« On va être ici combien de temps ? » demande un jeune homme de 19 ans, qui précise qu'il ne se plaint pas, mais qu'il veut seulement savoir s'il peut s'installer pour de bon.

Un jeune homme somalien qui a emménagé dans l'appartement d'à côté en décembre vient donner des conseils à ses nouveaux voisins. Il leur explique où se trouvent les magasins bon marché et indique aux musulmans où se trouve la boucherie halal.

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Ismael écrit à ses amis après sa première journée à Kempten. (Photo de John Beck / VICE News)

« On s'occupe bien de nous [à Kempten] », explique Ismael. « Les gens et certaines associations nous ont rendu visite pour nous donner des conseils et des informations concernant la vie et les coutumes ici. Ils nous ont même aidés à comprendre les différents panneaux de circulation. »

Mais Ismael nous dit qu'il a également entendu dire que certaines personnes en Allemagne sont en colère contre les migrants et que quelques groupes d'extrême droite s'en sont pris aux réfugiés.

Guggemoos est conscient de cette réalité et de la réaction que pourrait avoir une petite ville telle que Kempten face à un afflux de réfugiés. Kempten, une petite ville chaleureuse, n'est pas habituée aux étrangers. Lui-même s'en est aperçu lorsqu'il est arrivé en ville.

Mais de nombreux habitants ont accueilli leurs nouveaux voisins à bras ouverts — surtout les personnes plus âgées qui se souviennent encore de la crise humanitaire de la Seconde guerre mondiale. Certains bénévoles ont emmené des réfugiés nager dans les lacs de la région, faire du patin à glace, ou encore de la randonnée.

Les Syriens sont particulièrement bien intégrés. « Les gars de Syrie… Ils sont tous très gentils serviables, tranquilles et propres. Vous avez peut-être remarqué qu'avec les Allemands, tout doit être propre et parfait, et ils sont presque [comme] les Allemands. Quand les premiers Syriens sont arrivés, j'ai cru que c'était des Allemands qui parlaient une autre langue. »

Le soleil se couche sur Kempten, où Ismael vit désormais. (Photo de John Beck / VICE News)