Entre fiction et réalité : hommage à Drazen Petrovic
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Entre fiction et réalité : hommage à Drazen Petrovic

Une offrande en l'honneur de celui qui restera à tout jamais le premier basketteur européen à s'être imposé aux Etats-Unis.

_Drazen Petrovic est mort en juin 1993 dans un accident de la route en Allemagne, mettant un terme, _à l'âge de 28 ans, à sa vie et à une carrière de basketteur professionnel qui commençait tout juste sa folle ascension. Petrovic et Divac n'ont jamais retrouvé leur amitié après le fameux « incident du drapeau » sur lequel nous allons revenir. Avec ce récit, mi-fiction mi-réalité, nous rendons hommage à Drazen Petrovic qui restera toujours un grand parmi les grands.

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Drazen Petrovic lève légèrement le regard et tombe sur les yeux de l'énorme Vlade Divac, à qui il serre la main lors d'une énième finale de championnat. À 52 ans, Petrovic incarne le succès du basket européen, lui qui est devenu une star de la NBA et est aujourd'hui un entraîneur reconnu. Il a su renverser les barrières et les stéréotypes, et guide aujourd'hui de nouvelles générations de joueurs à la tête des Nets pour une nouvelle session de play-offs.

Le geste amical entre Petrovic et Divac illustre quelque chose qui va bien au-delà du basket et du respect sportif entre deux entraîneurs emmenant leur équipe disputer le titre. Il y a plus de 20 ans, Petrovic et Divac se serraient dans leurs bras lors d'une célébration incroyable. Ils menaient à l'époque une génération inégalable de joueurs yougoslaves aux côtés d'autres figures telles que Toni Kukoc et Dino Rada. Ils sont devenus champions du monde en 1990 dans la ville argentine de Buenos Aires après avoir défait la puissante sélection des Etats-Unis qui a fini sur la deuxième place du podium, la mine déconfite.

Au même moment, la Yougoslavie est en guerre. Le pays se divise et de grosses tensions existent entre Serbes et Croates. La sélection de Yougoslavie tente de maintenir la paix et l'harmonie dans le basket, mais la séparation est imminente. L'après-midi même au cours duquel la Yougoslavie est couronnée championne du monde à Buenos Aires, un incident incluant un drapeau croate et Divac, qui essayait de l'arracher, a marqué le premier pas vers une mobilisation massive, bien que dans un premier temps il a semblé que la chose ne prendrait pas d'ampleur.

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Petrovic, Croate, Divac, Serbe, ont œuvré séparément pour transformer le visage du basket européen. Mais tandis que la guerre fait plus de cent mille morts et accouche de nouveaux Etats, Petrovic et Divac finissent également divisés.

Il aura fallu attendre de nombreuses années avant de voir aujourd'hui Petrovic et Divac se donner la main, de manière authentique, retrouvant la vieille relation de fraternité qu'ils avaient dû abandonner dans les tranchées d'une rude guerre. Le sourire est de retour sur leur visage lorsqu'ils se rencontrent. Une version mûre de chacun d'eux comprend bien qu'ils n'étaient à l'époque que deux jeunes subissant la pression d'une guerre lointaine et en même temps très proche.

« Vlade et moi avons traversé beaucoup de choses. Nous nous sommes lancés dans le basket ensemble et nous sommes devenus de grands exemples pour les futurs stars. Je crois que les Dirk Nowitzki et les Tony Parker ne seraient peut-être pas devenus les figures qu'ils sont aujourd'hui sans cette première génération qui est sorti d'Europe pour ouvrir le chemin dans les années 80 », commentait Petrovic.

« Nous avons aussi traversé une guerre civile qui a divisé notre peuple, nos familles, nos amis, et qui nous a laissés meurtris et courageux. Au moins pour ma part. Je n'ai pas compris pourquoi Vlade avait arraché ce drapeau après avoir gagné le championnat mondial. C'était le drapeau croate, mon drapeau. Je l'ai mal pris, d'un point de vue personnel, et par rapport à tout ce que cela signifiait par ce temps de guerre. Nous nous sommes plus parlés pendant dix ans. Lui a essayé de se rapprocher, j'ai été cordial mais ce n'a jamais été pareil », continue Petrovic.

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« Aujourd'hui je comprends Vlade. C'était juste une réaction. Lui voulait que nous soyions tous unis, tous yougoslaves, que nous continuions de profiter de cette belle époque alors que nous vivions un moment incroyable avec le basket. Nous étions champions du monde et Vlade ne voulait pas d'une politique séparatiste. C'était et ça reste compliqué. Les guerres sont ainsi, et nous autres étions de jeunes amis, aspirés chacun d'un côté différent d'une guerre violente ».

Petrovic était arrivé chez les Blazers de Portland lors de la saison de 89-92 tel un mythe européen, un athlète incompris qui représentait un pari risqué. Le talent était là, mais on ne lui faisait pas confiance. Frustré du peu de minutes qu'on lui accordait sur le terrain, Petrovic a insisté pour changer de club et a rejoint les Nets du New Jersey en 1991. Tout a changé, Drazen Petrovic répondait avec un jeu passionné, et est devenu le taulier de l'équipe. Petrovic marquait de droite comme de gauche, faisait tourner en bourrique toutes les défenses et a fait en sorte que la NBA ait plus confiance dans le basket européen.

Drazen Petrovic était la sensation, il a lutté dans d'épiques batailles contre le plus grand de l'époque, Michael Jordan, même s'ils n'ont jamais réussi à surpasser les Bulls. On a considéré Petrovic comme l'un des tireurs les plus efficaces de l'histoire de la NBA. Le Croate tirait des trois points depuis très loin, s'arrêtait en pleine contre-attaque et abandonnait la possibilité de s'infiltrer dans la raquette pour faire un trois points, il se déplaçait sur tout le terrain pour recevoir le ballon et l'expédier immédiatement dans l'arceau. Petrovic a tracé la route pour des joueurs comme Steph Curry dans le basket actuel.

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De l'autre côté des États-Unis, Divac jouissait du basket produit par les « Showtime » Lakers aux côtés du légendaire Earvin ''Magic'' Johnson et autres James Worthy et A.C. pour n'en citer que quelques uns. Puis il a ensuite rejoint les Kings de Sacramento où il a entamé un nouveau parcours plein de succès aux côtés de Chris Webber et de son compatriote Peja Stojakovic.

À la fin de leurs carrières, même s'ils en ont été proches, ni Petrovic ni Divac n'avaient réussi à devenir champion de la NBA.

Vingt-sept ans se sont écoulés depuis ce championnat mondial qu'a gagné la Yougoslavie, et vingt ans après leur apogée en NBA, ce couple de vieux amis qui est sorti sans crier garde de l'Europe Orientale pour changer la face de la NBA, se retrouve enfin.

« Nous ne sommes jamais redevenus les grands amis que nous étions avant », continue Petrovic à propos de son amitié avec Divac. « Il est difficile d'expliquer ce qui arrive à deux jeunes pris dans le tourbillon de la guerre. Mais je suis content que le passé reste dans le passé. Je suppose que ça va avec le fait de vieillir et de mieux comprendre les choses. Aujourd'hui nous nous parlons bien, nous nous comprenons, nous nous respectons. On a partagé beaucoup de choses ensemble, dont une guerre qui nous a séparés, ce qui n'est pas peu de chose. Mais aujourd'hui nous nous serrons la main et c'est quelque chose que j'aime faire quand nous nous voyons. J'espère maintenant que nous nous verrons en finale. Qui aurait cru que deux adolescents seraient sortis de Yougoslavie dans les années 80 pour partir à la conquête de la NBA, et aujourd'hui guider les nouvelles générations vers le championnats ? ».

Pour les anglophones passionnés par cette étrange amitié entre Divac et Petrovic, un superbe documentaire a été réalisé par ESPN : [Once brothers](<iframe width=)