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Crime

Comment cambrioler une banque, selon David Desclos

Un ex-bandit qui a royalement planté son braquage du siège social de la banque de la Société Générale de Caen revient sur les erreurs qu’il a commises.
Nicolas Keraudren
propos rapportés par Nicolas Keraudren
Image issue du film « Le Solitaire », de Michael Mann.

De cambrioleur à dealer de haschich en passant par voleur de voitures, David Desclos aime se décrire comme un « bandit d'honneur ». Après avoir grandi dans le quartier de la Pierre-Heuzé à Caen, où il a appris l'art du cambriolage « sans arme ni violence », Desclos a notamment fait parler de lui à la fin des années 1990, après avoir tenté de cambrioler le siège social de la Société Générale de Caen en passant par ses égouts. Cette méthode n'est pas sans rappeler celle d'Albert Spaggiari, qui, après avoir creusé un tunnel de huit mètres de long pour pénétrer dans la salle des coffres de la Société Générale de Nice, avait réussi à s'enfuir avec un butin estimé à 50 millions de francs en juillet 1976. Le plan de Desclos a connu une fin légèrement moins grandiose, puisque ce dernier s'est fait prendre avec ses acolytes alors qu'il se trouvait à 40 mètres de la salle des coffres. Il s'est ensuite fait arrêter par la police et a passé près de dix ans de sa vie en prison et deux ans en cavale, avant de se reconvertir dans le théâtre. On lui a demandé de revenir sur son casse du siècle raté en nous livrant les quelques leçons qu'il a apprises au cours de sa carrière d'escroc – bien que de toute évidence, VICE n'encourage aucunement le braquage de banques ou tout autre établissement.

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Bien sélectionner son entourage

« Quand j'étais jeune, je travaillais principalement avec des potes de mon quartier. On était généralement sept ou huit, même si ça pouvait aller jusqu'à 10. On s'est tous connus à l'école ou en prison. L'important, c'est de toujours savoir sur qui tu peux compter. Ensuite, une sélection naturelle s'opère selon le tournant que peut prendre la situation. Il y a d'abord ceux qui ne peuvent pas sortir le soir parce que leurs parents leur interdisent. Après, t'as ceux qui ont le droit de sortir mais qui sont plus intelligents que nous et préfèrent rentrer chez eux plutôt que de s'engager dans une activité illégale. Il y a aussi ceux qui font les malins, mais qui se mettent en retrait dès qu'ils se trouvent confrontés à un obstacle. Quand tu te fais attraper, il y a aussi ceux qui se mettent à pleurer ou à balancer. Plus on vieillit, plus ton cercle se restreint. Il faut des mecs qui n'ont pas froid aux yeux et qui sont prêts à subir des années de prison en cas de pépin. »

Savoir préparer et sélectionner son coup

« Personne n'a envie de cambrioler un magasin de chaussures. Dans le cadre d'un gros coup, il y a nécessairement un travail de repérage à réaliser, et il faut savoir cibler la bonne banque. Généralement, on choisit une banque éloignée des autres habitations. Découper un coffre-fort, ça fait toujours du bordel ! La Société Générale de Morlaix dans le Finistère était idéalement bien située, par exemple. Il n'y avait personne au-dessus et elle est localisée derrière une église. C'est donc un endroit plutôt calme le soir. En plus, un immense pont surplombe toute la ville. On pouvait donc placer nos guetteurs de part et d'autre du pont pour surveiller à la fois la banque et le commissariat de police. »

Déterminer le rôle de chacun

« La spécialisation de chacun se fait entre 14 et 18 ans. Certains vont s'orienter vers la vente de drogue, d'autres vers le découpage de coffre, etc. Moi, j'étais spécialisé dans l'alarme. Je pouvais rompre n'importe quel système ! Même s'il y a différents rôles dans l'équipe, on se respecte tous. Chacun à son mot à dire. Personnellement, j'étais le meneur – celui qui a de la gueule, de l'expérience, du charisme. C'est aussi lui qui prépare le coup. Il faut aussi un sous-chef. Celui-ci va être derrière toi pour te soutenir si jamais les autres commencent à te contester. Ensuite, il y a les guetteurs, qui ont un rôle déterminant. Ils sont nos yeux et nos oreilles. S'ils te disent quelque chose, il faut les écouter. Tout comme le perceur de coffre, ou encore le pilote. En cas de course-poursuite avec les flics, tout le monde l'écoute et personne ne l'embrouille. Si on l'ouvre trop en lui disant d'aller à gauche ou à droite, le mec perd son attention et t'amène directement dans le fossé. Il faut pouvoir garder son calme dans n'importe quelle situation. »

Savoir se taire

« Une fois le coup réussi, il faut savoir fermer sa gueule et ne pas dépenser d'argent inutilement. Tu es tout le temps surveillé. Donc il faut faire très attention à la police, aux écoutes téléphoniques, ce genre de trucs. Tu peux dépenser ton fric, mais il faut le faire intelligemment. Nous par exemple, on investissait dans le haschich, ou dans de la pierre avec l'aide de personnes intermédiaires. L'investissement immobilier, c'est un bon truc ! Le tout, c'est de trouver un juste équilibre. Pour être le plus discret possible, il faut aussi jouer avec certains stratagèmes. J'étais toujours propre sur moi. En plus, j'ai la chance d'être blond aux yeux bleus. C'est triste, mais ça joue. »

Et surtout – ne jamais commencer

« Même si tu respectes chacun de ces conseils, il ne faut pas oublier que tu as bâti tout ça sur de la boue. Tu te fais serrer inévitablement. Donc tu perds. Au final, on est une équipe. Quand l'un de nous s'est fait choper, il faut l'aider. C'est un code d'honneur. Il faut payer son avocat, les mandats pour qu'il puisse cantiner. Sa femme aussi. Si son mari est en prison, il faut pouvoir l'assister pour qu'elle se nourrisse, qu'elle paye les fringues des gamins, etc. Quand tu te retrouves à payer l'ensemble, parfois pour plusieurs gars en même temps, c'est énorme… Si tu fais le calcul, ça peut représenter 10 000 voire 15 000 euros par tête. Si tout le monde est en prison, tu te retrouves à taper dans les fonds et là, ce n'est plus possible. C'est très chaud. Le jour où tu commences à payer plus que ce que tu gagnes, il faut retourner au casse-pipe. Mais s'ils te chopent, c'est de nouveau une peine de dingue. Et le cercle vicieux commence… Une erreur dans ce monde, ça te coûte des années de prison. Ton château de cartes s'écroule. C'est ça que la plupart des gens ne savent pas. Sur le coup, tu te dis que ça marche. Tu peux te payer tout ce que tu veux. Mais tu finis toujours par sombrer de nouveau. Quand tu regardes la réalité des choses, tu réalises que c'est une perte de temps. Comme disait le vieux Nanar, un de mes compagnons de cellule : « Quand tu comprendras qu'il est plus facile de faire un euro honnête, que deux euros malhonnêtes, tu auras tout compris ! ».

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David Desclos raconte son histoire sur les planches du théâtre du Gymnase à Paris dans « Écroué de rire ». La pièce est mise en scène par l'inénarrable Stomy Bugsy.