FYI.

This story is over 5 years old.

VICE News

Crise des migrants à Vintimille : le ton monte entre la France et l’Italie

Après la dispersion de 200 migrants bloqués sur les rochers d’un poste frontière, l’Italie menace d’un « plan B » si elle n’obtient pas d’avantage de soutien de ses voisins européens en matière migratoire.
Pierre Longeray
Paris, FR
Image via Wikimedia Commons / Clicsouris

Depuis ce jeudi 11 juin, ce sont 200 migrants qui veulent passer la frontière franco-italienne, près de la petite ville de Vintimille (Italie) — mais les gendarmes français bloquent l'entrée du territoire. Pour le ministre italien de l'Intérieur, Angelino Alfano, cet épisode de Vintimille est « un coup de poing dans la figure » de l'Europe. Ce week-end la tension est montée entre la France et l'Italie, autour de la question du partage de la pression migratoire. Par voies de presse interposées, les deux pays opposent chacun leur vision de la « solidarité européenne » pour l'accueil des migrants dont Vintimille vient souligner l'urgence.

Publicité

Ce matin à la — Jf Ottonello (@gieffo)June 14, 2015

Des migrants se protègent de la pluie dans des couvertures de survie, sur les rochers de la côte italienne.

Ce dimanche, le Premier ministre italien, Matteo Renzi, a déclaré dans une interview au Corriere della Sera qu'il pourrait mettre en place un « plan B » qui ferait « mal à l'Europe » si son pays n'obtient pas l'aide et la solidarité des autres membres de l'UE pour l'accueil des migrants. Renzi n'a pas précisé ce que ce plan B pourrait être.

L'Italie est la porte d'entrée privilégiée des migrants — près de 57 000 personnes ont été accueillies par les autorités italiennes depuis le début de l'année 2015. Ses pays voisins — la France, mais aussi l'Autriche et la Suisse — renvoient les migrants vers l'Italie quand ils essayent de passer la frontière.

Samedi, en fin d'après-midi, la police italienne a repoussé une partie des migrants, massés à la frontière avec la France, vers Vintimille — située à 5 kilomètres du poste frontière. Les migrants se sont installés dans la gare de la ville. Toutefois, une cinquantaine de migrants a refusé d'être évacuée et trouve toujours « refuge » sur les rochers bordant la Méditerranée, à quelques mètres de la frontière avec la France.

14 juin : des migrants bloqués sur la côte à Vintimille attendent la fin de l'orage dans leurs couvertures de survie. — Olivier Cyran (@OlivierCyran)June 15, 2015

Publicité

Dans la journée de dimanche, alors que les migrants continuaient de manifester pacifiquement avec des pancartes — « We need to pass » ou « We need freedom, » — une dizaine de militants du groupuscule d'extrême-droite, Génération identitaire, a déployé une banderole rouge sur laquelle on pouvait lire « No way. You will not make Europa home. » Les policiers italiens ont rapidement mis fin au happening du groupe identitaire qui avait déjà fait parler de lui, fin mai, en déployant une banderole du même goût dans Paris.

Le préfet des Alpes Maritimes, Adolphe Colrat, a annoncé, ce vendredi, qu'au cours de la semaine passée, 1 439 migrants illégaux ont été interpellés par les forces de l'ordre dans le département du sud-est de la France. 1 097 d'entre eux ont été réadmis en Italie. Ce week-end, à Vintimille, les gendarmes français ont empêché les ressortissants, notamment de Somalie, de Côte d'Ivoire ou du Soudan, d'entrer en France.

À lire : De plus en plus de migrants privilégient la Grèce pour rentrer en Europe

La Convention de Dublin prévoit que les demandeurs d'asile postulent dans leur pays d'entrée en Europe — principalement l'Italie (171 000 migrants avaient débarqué dans le pays en 2014) ou la Grèce. Le Premier ministre de l'Italie estime injuste que son pays gère seul la masse de migrants — sans que les autres pays européens ne prennent leur part d'accueil. Pour nombre de migrants, l'Italie n'est qu'une porte d'entrée, l'objectif pour la plupart est de rejoindre des pays comme le Royaume-Uni, l'Allemagne ou encore la Suède.

Publicité

Pour Matteo Renzi, la Convention de Dublin devrait être « modifiée, » un avis que ne partage pas Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur français, qui s'exprimait, ce lundi matin sur BFM TV. « Il y a la nécessité de faire respecter les règles de Dublin, » selon le ministre qui propose, en revanche, l'ouverture de « hotspots » en Italie — c'est-à-dire des centres d'accueil où l'on « distingue les migrants économiques irréguliers des demandeurs d'asile. » Avec ce type de recensement, Cazeneuve se dit favorable à la répartition des migrants entre les États membres de l'UE, « parce que nous sommes favorables à cela, en termes de solidarité. »

Ce mardi, doit se tenir une réunion préparatoire, en vue du sommet des chefs d'États européens qui doit se tenir le 25 juin, pour réfléchir à ladite répartition des migrants éligibles au statut de réfugiés. 24 000 migrants seraient concernés par cette redistribution, un chiffre que Matteo Renzi estime « presque provocateur, » puisque son pays devrait accueillir environ 200 000 migrants en 2015. Le ministre de l'Intérieur italien, Angelino Alfano a embrayé sur Sky TG24, ce dimanche, où il a averti la communauté européenne : « Nous ne voulons pas d'une Europe égoïste. »

À lire : La barre des 50 000 migrants accueillis en Italie en 2015 a déjà été franchie

Ce lundi, Kanayo Nwanze, le président du Fonds international de développement agricole (FIDA) des Nations Unies, a annoncé que les immigrés qui travaillent en Europe ont envoyé 109,4 milliards de dollars dans leurs pays d'origine en 2014. L'agence onusienne révèle, dans son rapport, que cette manne financière permet d'apporter « une aide précieuse à plus de 150 millions de personnes dans le monde. »

Les pays frappés par de profonds conflits comme l'Irak, le Mali, la Somalie, le Soudan, la Syrie et le Yémen reçoivent une aide considérable de travailleurs immigrés installés en Europe. Pour Nwanze, il faut dorénavant aider les familles à avoir « accès à des marchés de transfert d'argent plus compétitifs et à des services financiers ciblés pour les aider à économiser et/ou investir leurs fonds. »

À lire : Paris réfléchit à un projet de centre d'accueil pour migrants dans la ville

Suivez Pierre Longeray sur Twitter @PLongeray 

Vue de la gare de Vintimille. Image via Wikimedia Commons / Clicsouris